Le bien commun chassé par Narcisse

17 novembre 2005
Article publié dans L'Action Française 2000

Critique de la reconnaissance institutionnelle de l'homosexualité.

Depuis la parodie de mariage orchestrée par Noël Mamère, les partisans de la "cause homosexuelle" semblent peut-être moins pressants, mais leur résolution n'a pas faibli. Le retour de leurs revendications sur le devant de la scène politique sera-t-il l'occasion d'un débat plus réfléchi ? Le dernier ouvrage du prêtre et psychanalyste Tony Anatrella, Le Règne de Narcisse, devrait nous aider à en cerner les enjeux.

Dans une première partie, l'auteur se propose de définir l'homosexualité. Il y voit la conséquence d'un manque d'intériorisation de la différence des sexes, le résultat d'une identification au même que soi. Cette « fixation narcissique » donnerait parfois des personnalités très imbues d'elles-mêmes ; à l'opposé, elle pourrait aussi encourager les individus à se dévaloriser. Dans tous les cas, elle ne serait pas une option équivalente à l'hétérosexualité, mais un échec dans le processus normal du développement psychique de l'individu.

Principe de précaution

Représente-t-elle une image de la sexualité à partir de laquelle la société doit s'organiser ? Dans une seconde partie, Tony Anatrella expose les motifs de son opposition à la reconnaissance institutionnelle de l'homosexualité. Il décrypte la "théorie du gender", selon laquelle la masculinité et la féminité seraient déterminées par la culture. Ses implications sont profondes : le déni de la différence sexuelle pourrait notamment amener la société à dissocier la procréation de la sexualité, brouillant ainsi les repères de la filiation.

L'auteur s'inquiète des conséquences de ce bouleversement symbolique. Selon lui, l'amour ne suffit pas à combler les besoins de l'enfant, qui risque d'être perturbé. Il en appelle donc au principe de précaution pour justifier son refus d'ouvrir le mariage et l'adoption aux « duos homosexuels ».

Imposture

Reste à convaincre nos compatriotes... La troisième partie est consacrée à la dénonciation d'un concept désormais consacré par la loi, l'"homophobie". Ce n'est qu'une « imposture » pour Tony Anatrella. Sa fonction ne serait pas seulement de discréditer l'opposition aux revendications homosexuelles, par analogie avec le racisme. Ce concept pourrait également contribuer à occulter certains phénomènes.

La détresse des jeunes homosexuels, particulièrement enclins au suicide, est connue de tous, mais quelle en est l'origine ? La mise en accusation de la société est une explication naïve aux yeux de l'auteur. Considérée comme « le résultat d'un complexe psychologique », l'homosexualité suscitera un trouble indépendamment du regard porté sur elle par la société. Quant à la réaction des parents découvrant l'homosexualité de leur enfant, parfois vive, elle témoigne « d'une angoisse existentielle et non pas d'une quelconque "homophobie", comme on veut le prétendre dans un excès d'interprétation psychologique moralisante ».

Bons sentiments

S'il est démuni de toute connaissance en psychologie, le lecteur ne se sentira peut-être pas à son aise, et dans ce cas il regrettera d'autant plus que l'ouvrage ne soit pas construit d'une façon plus rigoureuse. Trop d'idées sont avancées ici alors qu'il faut chercher l'explication ailleurs ; d'autres reviennent comme un leitmotiv sans être suffisamment argumentées : le déni de la différence sexuelle est peut-être dénoncé à chaque page, mais aucune n'est consacrée à la définition de cette réalité jugée fondamentale.

On comprend néanmoins combien la question de l'homosexualité et de sa reconnaissance institutionnelle est abordée de façon superficielle dans les médias. Sa dimension psychologique est écartée, les possibles conséquences sociales sont ignorées... Sous « le règne de Narcisse », les intelligences sont dévoyées par les bons sentiments. Ce constat est inquiétant à plus d'un titre, car il est symptomatique d'une société où le bien commun n'a plus sa place.

Tony Anatrella, Le Règne de Narcisse – Les Enjeux du déni de la différence sexuelle, Presses de la Renaissance, 250 p., 18 euros.

Laissez un commentaire