Mainmise américaine sur Internet

17 septembre 2009
Article publié dans L'Action Française 2000

Au cœur du réseau mondial se trouve l'Icann, un organisme de droit californien lié au gouvernement américain. Un "shérif du cyberespace" sur lequel Bruxelles appelle à un contrôle accru de la "communauté internationale".

Le 30 septembre arrive à échéance le contrat liant l'Icann au gouvernement américain. Créée en 1998 à l'issue de négociations menées par le vice-président Al Gore, l'Internet Corporation for assigned names and numbers est un organisme privé à but non lucratif, régi par le droit californien. Elle joue un rôle crucial dans la "gouvernance" d'Internet, supervisant, d'une part, l'attribution des adresses IP (Internet protocol) – des séries de chiffres identifiant chaque point d'accès au réseau mondial –, et, d'autre part, la gestion des noms de domaine – ces adresses intelligibles grâce auxquelles les internautes se repèrent dans les méandres de la Toile.

Délégations

En collaboration avec l'Icann, de multiples acteurs assurent une gestion décentralisée du réseau. Un gage de fiabilité et d'efficacité. Sur le Vieux Continent, une organisation néerlandaise, le RIPE-NCC, distribue les adresses IP selon la plage qui lui a été allouée. Une association française, l'Afnic, administre les domaines de premier niveau créés pour la France métropolitaine, la Réunion et les Terres australes et antarctiques françaises (.fr, .re et .tf).

« La stabilité du système des noms de domaine a été préservée » : « l'Icann et le gouvernement américain peuvent se prévaloir d'avoir atteint cet objectif clé », reconnaît-on à Bruxelles. La Commission européenne appelle à « maintenir le rôle central du secteur privé dans la gestion quotidienne de l'Internet », tout en réclamant qu'il rende des comptes « vis-à-vis de la communauté internationale ». L'Icann est manifestement plus ouverte qu'à l'origine ; elle a permis « la création d'une large instance réunissant de multiples parties prenantes, favorisant ainsi un processus de prise de décision participatif » ; elle a été présidée par un Australien, Paul Twonney, auquel a succédé en juillet dernier Rod Beckstrom, le premier directeur du National Cyber Security Center.

Suspensions

Cela dit, les pays en développement demeurent insuffisamment impliqués. En outre, « bien que l'Icann soit un organisme privé dont le conseil d'administration compte des membres de plusieurs pays, c'est à Washington [qu'elle] doit rendre des comptes en définitive ». Nicolas Arpagian esquisse une comparaison avec la Grande-Bretagne, « dont la suprématie sur les voies maritimes a assuré la domination au cours du XIXe siècle » : « Les Britanniques maîtrisaient ces voies de communication indispensables au commerce et aux échanges intercontinentaux. Ainsi, l'Icann a décidé par le passé de suspendre l'enregistrement des sites Internet en. iq (pour l'Irak) et en. af (pour l'Afghanistan). » (Les Échos, 20/08/09) À la demande du gouvernement américain, influencé par les lobbies puritains, elle renonça également à ouvrir le domaine .xxx, censé faciliter l'identification des sites pornographiques.

Une responsabilité multilatérale ?

« Les dispositions actuelles qui prévoient un contrôle unilatéral [...] doivent céder la place à un autre mécanisme qui permettrait de garantir qu'une responsabilité multilatérale s'applique à l'Icann », proclame-t-on à Bruxelles. « Il conviendra [...] de s'assurer que le fait que l'Icann a été constituée en société en Californie n'empêche pas qu'il soit tenu compte des demandes gouvernementales... » Manifestant quelque velléités d'indépendance, l'Icann s'était d'emblée heurtée au Congrès. En dépit de ses incantations, la Commission européenne ne se fait pas d'illusion quant aux allégeances futures du « shérif du cyberespace » : « Le gouvernement américain n'a jamais cessé de dire qu'il garderait le contrôle effectif de la coordination des fonctions essentielles en matière de noms et d'adresses au niveau mondial. »

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