Gribouille dans les quartiers

18 mars 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Les initiatives en faveur de l'éducation se sont multipliées dans les "quartiers sensibles". Mais cela s'est fait de façon éparse, sans que les pouvoirs publics soient en mesure d'évaluer l'incidence des efforts consentis.

La loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003 avait inscrit l'éducation parmi les orientations prioritaires de la politique de la ville. Aussi la commission des Finances du Sénat s'est-elle interrogée sur « l'émergence d'un domaine de compétences partagées » avec l'Éducation nationale.

Prolifération

Dans un rapport publié le 2 mars, Philippe Dallier et Gérard Longuet présentent quelques difficultés posées par « la prolifération des interventions éducatives dans les quartiers sensibles » : « méconnaissance des dispositifs, effets de concurrence ou de redondance entre les dispositifs, difficultés de coordination entre des intervenants nombreux qui ne peuvent de surcroît agir que dans un laps de temps par définition limité ».

Entre autres opérations censées contribuer « à l'insertion sociale et à la prévention de l'exclusion, à l'éducation à la citoyenneté et à l'environnement, mais également pour une part à la prévention de la délinquance et à l'amélioration de la tranquillité publique » : les Internats d'excellence ; les Projets de réussite éducative, offrant un accompagnement « sur toutes les dimensions » (scolarité, santé, éducation, culture, sports...) ; les Écoles de la deuxième chance, qui visent l'insertion professionnelle de jeunes sans diplôme ou qualification ; le parrainage de lycéens par des étudiants de grandes écoles ; le "busing" « destinée à "casser" les ghettos scolaires en école élémentaire en organisant la poursuite du cycle éducatif dans une autre école de la même ville » ; l'École ouverte, qui consiste à ouvrir les lycées et collèges les mercredis et samedis et pendant les vacances.

On compterait 800 000 bénéficiaires, âgés principalement de onze à dix-huit ans. Évalué à 160 millions d'euros, le coût de ces dispositifs apparaîtrait « sans commune mesure avec les montants mis en place au titre de l'Éducation nationale ». Selon la Rue de Grenelle, les établissements de l'éducation prioritaire bénéficieraient de 15 % de moyens supplémentaires par rapport aux établissements de droit commun.

Paradoxe

En pratique, on relève des situations paradoxales mises en exergue par la Cour des comptes : « Les élèves sont ainsi plus nombreux par classe (24 en moyenne) dans les écoles primaires classées en éducation prioritaire dans l'académie de Créteil qu'ils ne le sont dans la moyenne nationale des écoles primaires classées hors éducation prioritaire (23,5) ! »

D'un façon générale, la déclinaison des politiques nationales au niveau local ne serait pas réellement connue. Les parlementaires fustigent une « approximation dans le recensement des moyens publics » qui ne permettrait pas « de créer une dynamique vertueuse entre la mise en œuvre de la politique, son évaluation et l'ajustement financier et technique des actions en fonction des résultats de performance ».

Sigles charmeurs

Tandis que la coordination « resterait tributaire de la bonne volonté individuelle des acteurs locaux », les pouvoirs publics paraissent réduits à faire du bricolage. « La Cour des comptes relève que "le foisonnement et l'empilement des dispositifs d'intervention éducative en direction des quartiers sensibles induisent une complexité qui constitue un obstacle à l'appropriation, et donc à l'efficacité et à l'efficience des dispositifs". Ainsi huit configurations sont possibles selon que l'élève est scolarisé, ou non, dans un établissement de l'éducation prioritaire ou qu'il réside, ou non, dans le périmètre d'un CUCS [contrat urbain de cohésion sociale] ou d'une ZUS [zone urbaine sensible]... »

Une clarification s'impose, mais l'inertie semble de mise. La première révision du "zonage" des quartiers bénéficiaires d'un soutien particulier devait intervenir en 2009. « Son report témoigne de la difficulté à entrer dans une logique évolutive qui s'écarte du principe de la garantie des droits acquis », déplorent les sénateurs. Dans ces conditions, « on peut douter de l'efficacité d'un accroissement des moyens sans révision des modalités de fonctionnement ».

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