La République démissionne

20 mai 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Confrontés à la crise des dettes souveraines, les dirigeants politiques peinent à assumer leurs responsabilités. Le long terme étant étranger à leur horizon, ils n'inspirent aucune confiance aux marchés et doivent se réfugier derrière l'Europe...

Après avoir livré les traders à la vindicte populaire, les responsables politiques ont désigné un nouveau bouc émissaire, en l'occurrence les agences de notation. Leur influence est incontestable : le 28 avril, après la rétrogradation de l'Espagne par Standard & Poor's, l'indice Ibex-35 de la bourse de Madrid avait brusquement chuté, terminant en baisse de 2,99 %, tandis que, face au dollar, l'euro tombait à son plus bas niveau depuis un an. Cela dit, c'est somme toute injustement qu'on a accusé ces agences de promettre la faillite de la Grèce : tout au plus en ont-elles évalué le risque à 25 %. De quoi effrayer investisseurs et spéculateurs, au demeurant. Au point que ceux-ci ont pu juger Athènes moins fiable que Buenos Aires ou Caracas.

Prééminence du politique

Irrationnels, les marchés ? Sans doute, puisqu'ils concèdent à la France des taux préférentiels en dépit de son déficit abyssal. Saluons les miracles accomplis par l'Agence France Trésor : la dette dont elle a la charge avoisinait fin 2009 les 1 500 milliards d'euros, culminant à 77,6 % du produit intérieur brut. Mais les arbres ne montent pas jusqu'au ciel... La défiance des marchés vient rappeler à l'ordre des dirigeants irresponsables – démocratie oblige.

De ce point de vue, loin de constituer une négation du politique, la crise des dettes souveraines en souligne la prééminence.  « Que les dirigeants européens accusent la spéculation, c'est de bonne guerre », commente Marc de Scitivaux (blog de l'Institut Turgot, 13/05/2010)) « Mais ils font une erreur d'analyse qui risque de leur coûter cher dans l'avenir. Car ce n'est pas la spéculation qui a attaqué la Grèce avant-hier, le Portugal ou l'Espagne hier et, qui sait, la France demain, même si celle-ci peut amplifier les mouvements. C'est infiniment plus sérieux et plus fondamental : c'est l'épargne mondiale qui marque sa méfiance et se détourne des "États providence" financés par la dette. »

Des États dont l'impuissance apparaîtra d'autant plus criante qu'ils prétendront à l'omnipotence. Faut-il que le ministère de la Culture s'obstine à offrir leur premier livre à des nouveaux-nés ? Qu'importe l'amour de Frédéric Mitterrand pour les enfants, la France dispose sans aucun doute de meilleures nourrices ! En revanche, le Premier ministre eût été bien inspiré de jouer les pédagogues. Sans doute l'opinion serait-elle plus disposée que jamais à s'entendre dire que la nation ne pourra pas vivre éternellement à crédit. Hélas, François Fillon s'avoue tétanisé par la « rigueur ».

Les girouettes de l'UMP

Quant aux girouettes de l'UMP, elles ont fait la preuve de leur lâcheté en s'attaquant au bouclier fiscal. Un bouclier dont la construction releva certes du bricolage, et dont on peut discuter l'intérêt. Reste qu'il suffit de quelques atermoiements pour le fragiliser durablement. Les candidats à l'évasion fiscale savent ce que vaut la parole d'un État républicain ! Dans ces conditions, quelle crédibilité les marchés financiers peuvent-ils accorder aux pouvoirs publics érigeant en « priorité » la réduction des déficits publics ?

Apparemment, l'Europe demeure la seule voie de salut. Les circonstances forçant la main aux gouvernements, la Commission de Bruxelles avance ses pions. Selon la traduction que l'on fait de sa communication du 12 mai, disponible uniquement dans la langue de Shakespeare, elle propose que lui soient présentés ou soumis à l'avenir les projets de budgets nationaux. Les souverainistes les plus alarmistes dénoncent un nouvel abandon de souveraineté. À l'inverse, certains y voient un moyen, pour les Exécutifs nationaux, de s'émanciper via Bruxelles de la pression parlementaire. Le cas échéant, la technocratie européenne n'en demeurerait pas moins le paravent de la déliquescence du politique. Triste constat.

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