La République à l'épreuve du déficit

1 juillet 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Confronté à la pression des syndicats, handicapé par les échéances électorales, le gouvernement doit compter également avec les scandales éclaboussant moult ministres. Les réformes indispensables à l'assainissement des finances publiques s'en trouvent d'autant plus difficiles à mener.

Les perspectives économiques de la France sont « très incertaines », a annoncé, sans prendre de risque, le Fonds monétaire international. Le diagnostic est désormais bien connu dans la zone euro : « La crise actuelle résulte des politiques budgétaires insoutenables menées par certains pays, du retard pris dans l'assainissement du système financier, de la lenteur à mettre en place la discipline et la souplesse nécessaires. » « Les pays confrontés aux pressions du marché n'ont pas d'autre choix que de prendre des mesures drastique  », a averti l'institution dirigée par Dominique Strauss-Kahn.

Un lointain souvenir

Bien que la France bénéficie toujours du "triple A" accordé par les agences de notation, son dernier excédent budgétaire remonte à 1974 ! Or elle se doit d'alimenter la confiance des investisseurs. « La volatilité des marchés et la forte augmentation de la dette publique imposent [donc] un programme de consolidation inscrit dans une stratégie tournée vers l'avenir. » Hélas, la mise en œuvre d'une telle politique relève de la gageure dans une république obnubilée par la "présidentielle permanente". Reconnaissons toutefois que la démocratie n'est pas seule en cause. Un regard tourné vers le Rhin en impose le constat : tous les tempéraments nationaux ne se prêtent pas semblablement à la "rigueur".

Cela dit, les politiciens n'ignorent pas tout à fait la perversité de leurs joutes électorales. Faute de parvenir à se comporter en adultes responsables, ils se résignent à choisir un maître d'école. La Commission européenne excelle dans ce rôle-là, bien que le Pacte de stabilité ait volé en éclats. L'UE et le carcan du droit apparaissent comme les nouvelles conditions du salut public. Dans un rapport remis au Premier ministre, Michel Camdessus a dessiné les contours d'une règle constitutionnelle d'équilibre. On s'achemine vers l'inscription dans la Constitution du principe d'une "loi-cadre de programmation des finances publiques" pluriannuelle, s'imposant aux lois de finances et de financement de la Sécurité sociale, sous le contrôle du Conseil constitutionnel. « Cette règle fixerait une trajectoire impérative de réduction des déficits, et la date de retour à l'équilibre structurel de nos finances publiques », selon les explications de Matignon.

Mais d'autres chantiers sont à mener. « D'importantes réformes de long terme (en particulier concernant les retraites et le système de santé), ne produiraient que des économies limitées dans l'immédiat, mais auront des effets positifs et significatifs en termes de crédibilité auprès des marchés financiers et sur la demande intérieure », a encore souligné le FMI. Autrement dit, la réforme des retraites représente un enjeu d'autant plus sensible qu'elle participe de la résolution de l'impossible équation : ou comment assainir les finances publiques sans menacer la reprise économique. « La réforme des retraites et du système de santé doivent constituer la pierre angulaire de la stratégie budgétaire de moyen terme », selon le Fonds monétaire international. Et DSK de cautionner, en tant que directeur général de l'institution, l'affirmation selon laquelle « il convient [...] de résister aux pressions qui conduiraient à ne pas corriger les déséquilibres fondamentaux et à s'appuyer démesurément sur des mesures d'accroissement des recettes ». Ce faisant, le ténor socialiste met en lumière la démagogie pratiquée par son parti – conséquence heureuse de la politique d'"ouverture" menée par Nicolas Sarkozy !

Placé à la tête de la cour des Comptes, un autre transfuge a souligné le courage requis pour affronter les déficits. Didier Migaud se serait bien gardé de tenir un pareil discours du temps où il sévissait à l'Assemblée nationale. Les royalistes distinguent mieux que quiconque l'influence déterminante des institutions... Reste que le courage ne saurait suffire. L'habileté s'avère tout aussi nécessaire, sinon davantage. Les maladresses d'Alain Juppé ne se sont-elles pas soldées par l'adoption des trente-cinq heures ?

Faute morale ou politique

Aussi les déboires du ministre du Travail, de la Solidarité et de la Fonction publique tombent-ils à pic. « Éric Woerth est un homme intègre », si l'on en croit notre collaborateur Catoneo. « Mais il fréquente les cercles d'influence [...] et les gens très friqués du grand monde étaient son quotidien. Il n'a pas vu la collusion d'intérêts entre son poste de chef du Fisc et celui de gestionnaire de grande fortune qu'occupait sa femme. Il lui est impossible de soutenir qu'ils avaient un sas de décompression professionnelle à la maison, ce que les chiens courants du Parti socialiste ont très bien détecté. Cette affaire tombe mal au moment où l'on découvre que la prévarication fait rage dans la grande république bananière d'Europe occidentale. Mais comme souvent, c'est le premier qui passe, coupable ou non, qui subit l'assaut de la meute. »

« Nous ne sommes pas des gens moraux », avons-nous l'habitude de proclamer à l'Action française. Il est vrai que nous ne nous faisons aucune illusion sur la prétendue vertu républicaine... Laissons à l'avenir le soin d'identifier les fautes morales. Espérons seulement que cette bourde politique ne compromettra pas une réforme que l'on pouvait déjà craindre trop timide.

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