Bruxelles bouc émissaire

16 septembre 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Paris s'abrite derrière Bruxelles pour accroitre la TVA sur le "triple play".

Les offres "triple play", combinant accès à Internet, téléphone et télévision, bénéficient en France d'un taux de TVA réduit (5,5 %) sur la moitié de la facture – un taux par ailleurs appliqué intégralement sur les bouquets de télévision proposés, indépendamment de tout autre service, sur le câble ou le satellite.

Bruxelles s'en était inquiété au printemps dernier, adressant à Paris une lettre de mise en demeure dont La Tribune s'était fait l'écho le 23 avril : « La Commission européenne, qui agit suite à la plainte d'un particulier, estime que ce régime viole pas moins de sept articles de la directive sur la TVA », rapportait alors Jamal Henni. « Premier problème : les FAI [fournisseurs d'accès à Internet] appliquent la TVA réduite à quasiment tous leurs abonnés ADSL, "y compris dans les cas où les FAI savent pertinemment que la télévision n'est pas susceptible d'être utilisée par l'abonné". [...] Dans ces cas-là, la TVA réduite s'applique à l'internet et au téléphone, ce qui viole la directive européenne qui octroie la TVA réduite uniquement à la TV. En outre, [...] la TVA réduite est appliquée de manière forfaitaire, alors que la directive stipule que deux taux différents ne peuvent être appliqués que lorsqu'il y a deux prestations bien "distinctes". »

Interrogée par l'AFP le vendredi 10 septembre, la Commission européenne s'est défendue d'avoir demandé à la France d'appliquer un taux standard (19,6 %) à l'intégralité du forfait. Peut-être sa mise en demeure était-elle censée identifier de façon exhaustives les infractions potentielles, sans préjuger des conclusions du dialogue qu'il lui appartenait d'engager avec Paris.

Opportunisme

D'abord « plongé dans un profond embarras », selon notre confrère de La Tribune, le gouvernement français semble avoir saisi l'opportunité qui lui était offerte de raboter une "niche fiscale" tout en imputant à Bruxelles l'impopularité d'une telle responsabilité. Dans cette affaire, en effet, il témoigne d'un zèle inhabituel. « La pression européenne qui est mise en avant constitue un faux prétexte pour une fausse urgence » aux yeux de Philippe Bailly, qui observe sur son blog que « si l'expression "mise en demeure" peut apparaître impressionnante, elle ne désigne en fait en langage bruxellois que le premier stade de la procédure entre la Commission et un État membre ; pas plus à ce stade qu'une simple demande d'information. Les fonctionnaires de Bercy le savent mieux que quiconque, puisqu'il se sera écoulé plus de quatre ans entre la première "mise en demeure" de la Commission sur l'ouverture du secteur des paris en ligne, et le vote de la loi qui y pourvoyait au printemps dernier... »

Cela n'est pas le moindre intérêt de l'UE pour les politiques : elle leur fournit régulièrement un alibi.

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