Querelle autour du budget européen

3 décembre 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

L'Union européenne va-t-elle entamer la nouvelle année sans être parvenue à se doter d'un budget ? Soumis au chantage du Parlement européen, trois États lui ont résisté jusqu'à maintenant.

La négociation du budget européen pour 2011 se heurte aux rivalités institutionnelles. Réunis au sein d'un "comité de conciliation", les représentants des gouvernements et du Parlement européen ont échoué à s'accorder dans les délais impartis. Aussi la Commission a-t-elle travaillé « au pas de course » afin de présenter un nouveau projet susceptible d'être adopté d'ici la fin de l'année.

Des exigences politiques

« Extrêmement déçu », José Manuel Barroso a regretté « qu'un petit nombre d'États membres n'ait pas été disposé à négocier dans un esprit européen ». Les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède sont-ils coupables d'avarice ? Disons plutôt que leurs gouvernements se montrent jaloux de leurs  prérogatives. « La discussion ne porte pas sur la question d'avoir davantage d'argent, mais sur la direction que prend l'UE », a expliqué l'Allemand Martin Schulz, chef de file des députés socialistes et démocrates. « Nous n'avons pas demandé un euro de plus par rapport à ce que le Conseil propose », a confirmé le Polonais Jerzy Buzek, président du Parlement européen. En effet, le différend tient aux conditions politiques dont l'assemblée européenne prétend assortir son approbation du budget.

Entré en vigueur il y a tout juste un an ce 1er décembre, le traité de Lisbonne a conforté son contrôle sur les dépenses planifiées chaque année. Lesquelles dépendent toutefois d'un "cadre financier pluri-annuel", ainsi que du montant des ressources affectées à l'UE. Or, le droit primaire européen demeure assez flou quant aux modalités d'implication du Parlement dans leur définition. Aussi les eurodéputés cherchent-ils à tirer le meilleur profit du rééquilibrage institutionnel en cours. De fait, « les négociations sur le budget de l'année prochaine ont échoué à cause de l'ambition de ce Parlement d'obtenir davantage de pouvoirs sur le budget », a résumé la Britannique Marta Andreasen, qui siège dans le groupe Europe libertés démocratie, et se trouve bien isolée dans l'hémicycle.

L'assemblée réclame « un accord sur une procédure et un ordre du jour » qui lui assureront « d'être impliqué[e] dans les discussions sur de nouvelles sources de revenus pour l'UE ». Ce faisant, les députés espèrent diminuer la part des contributions directes des États dans le budget européen – prétexte régulier à des querelles de chiffonniers il est vrai. Le Parlement se défend néanmoins de plaider en faveur d'un "impôt européen" : « La plupart des députés estiment qu'un impôt de l'UE représenterait une perspective complètement irréaliste », a-t-il observé dans un communiqué. « Pour créer cet impôt, non seulement l'unanimité au Conseil serait nécessaire, mais également une adoption dans tous les parlements nationaux, soit une "double unanimité". »

Douzièmes provisoires

Si aucun budget n'est adopté d'ici le 1er janvier, l'Union s'appuiera sur un système autorisant pour chaque chapitre des dépenses mensuelles correspondant au douzième du budget correspondant de l'année précédente. « Ce système ne tient pas compte du fait que les paiements sont plus élevés certains mois de l'année que d'autres », a prévenu le Parlement. Sur proposition formelle de la Commission, le Conseil peut toutefois décider, à la majorité qualifiée, d"autoriser des dépenses excédant le douzième ; le Parlement européen doit alors approuver ou réduire ce montant dans les trente jours.

La mise en œuvre du Service européen pour l'Action extérieure, des nouveaux organes de supervision financière et du projet ITER se trouverait tout particulièrement affectée. « Surtout dans le domaine de l'agriculture, il y aura urgence. Les États membres ont avancé des paiements directs aux agriculteurs pour un montant de 30 milliards d'euros et la Commission européenne doit les indemniser en janvier 2011. » Or, sur la base des douzièmes provisoires, elle ne disposerait que de 6 milliards d'euros. Des chiffres qu'on ne manquera pas de rappeler lors du Conseil européen des 16 et 17 décembre, où les chefs d'État ou de gouvernement des Vingt-Sept se saisiront directement de la question.

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