Critique du néo-gaullisme

29 mars 2011

La mise en œuvre de la résolution 1973 du CSNUE a donné lieu à quelques tergiversations sur le rôle de l'Otan. C'est l'objet de notre seconde chronique diffusée par Radio Fréquence royaliste.

Le 17 mars, à la demande de la France, du Royaume-Uni, des États-Unis et du Liban, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 1973 – une résolution censée légitimer l'usage de la force pour protéger les populations civiles de Libye.

Aussitôt, une controverse est apparue quant à la contribution de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord. En dépit de l'activisme déployé par son secrétaire général, le Danois Anders Fogh Rasmussen, l'Otan est demeurée sur la touche tandis qu'une coalition internationale entamait ses opérations dans le ciel libyen. Cela n'était pas pour déplaire au locataire du Quai d'Orsay : « Les pays arabes ne veulent pas d'une opération sous le drapeau Otan », a martelé Alain Juppé. Il est vrai que l'étoile polaire « a mauvaise presse en Afrique et au Proche-Orient », comme l'a souligné, par exemple, Olivier Kempf, sur son blog consacré aux Études géopolitiques européennes et atlantiques (EGEA).

Cela étant, la bannière américaine bénéficie-t-elle d'une meilleure image ? Bien sûr que non. Or, faute de mobiliser d'emblée les moyens alliés, il a bien fallu confier la coordination des opérations à l'oncle Sam. Lequel n'a pas caché son impatience de céder les rênes. Jean-Dominique Merchet, qui n'a rien d'un atlantiste patenté, s'est interrogé sur son blog Secret Défense : « Quelles structures militaires sont capables de commander une opération multinationale dans la durée ? Soit les Américains, soit l'Otan d'une manière ou d'une autre », a-t-il répondu. « La France n'avait pas les outils de coordination éprouvés et tout le monde avait peur d'un accident », a renchéri Kardaillac. « On a concédé à Zébulon Ier (autrement dit, Nicolas Sarkozy) un "conseil politique" des pays combattants où chacun enverra un sous-fifre pour nous faire plaisir en écoutant l'oracle », a-t-il écrit sur le forum Vive le Roy. Allusion au "compromis" en application duquel une coalition d'États participe désormais au pilotage politique des opérations en partenariat avec l'Alliance atlantique.

Une telle issue apparaissait assez prévisible. C'est pourquoi les réticences exprimées par Alain Juppé semblent s'inscrire dans une certaine tradition gaullienne, en vertu de laquelle la France se devrait de jouer les empêcheur de tourner en rond, mais sans jamais envisager sérieusement la rupture du lien transatlantique. C'est un retour au néo-gaullisme que le président de la République avait mis en sourdine quelques années durant.

À vrai dire, l'ancien Premier ministre avait annoncé la couleur dès son retour au gouvernement. Alors qu'il occupait l'Hôtel de Brienne, Alain Juppé avait proclamé « notre ambition d'édifier une Europe politique ». Ce serait, selon lui, « un objectif réaliste », en dépit du constat, qu'il établit lui-même, selon lequel « l'idée de l'Europe comme pôle d'influence, sans même parler d'une Europe puissance, n'est pas partagée par tous ». « C'est essentiellement une idée française », a-t-il reconnu, « et qui ne fait d'ailleurs même pas l'unanimité chez nous ».

C'est un énième écho au plan Fouchet... Il s'agit, plus ou moins, d'appliquer à l'Europe la quête d'une pseudo-grandeur chère au général de Gaulle. Un vieux fantasme hexagonal dont on mesure l'inanité à l'heure où Paris et Berlin s'opposent sur la question libyenne. « On va avoir du travail pour préserver l'unité de l'UE », a remarqué un diplomate cité par Les Échos. Et alors ? De toute façon, l'Europe ne parviendrait à parler d'une seule voix qu'en sortant délibérément de l'histoire.

Si nous avons choisi d'évoquer ici cette posture néo-gaullienne, c'est parce qu'elle n'est pas sans exercer une certaine attraction sur les royalistes. En témoigne l'enthousiasme que suscita Dominique de Villepin bravant l'impérialisme américain à la tribune des Nations Unies, tandis que se dessinait une nouvelle invasion de l'Irak. L'arrogance du discours a flatté les sentiments, excité notre fibre chauvine, mais n'était-ce pas le masque de notre impuissance ? Dans l'espoir d'influencer les Américains, la nomination d'un Français a la tête du commandement allié pour la Transformation (en l'occurrence, le général Abrial) nous semble a priori plus efficace que ces vaines gesticulations.

On entretient par l'esbroufe l'illusion d'une puissance perdue, ou l'on espère son retour à la faveur d'une étincelle de volonté qui, une fois jaillie à la tête de l'État, suffirait à embraser la planète entière. La méfiance exprimée régulièrement à l'égard d'une Otan caricaturée ne s'explique pas autrement. À l'entretien du lien transatlantique, on oppose traditionnellement, et bien naïvement, l'approfondissement potentiel des relations avec Moscou. Ce faisant, on feint d'ignorer, par exemple, l'accueil favorable que la presse russe réserva au retour de la France dans les structures alliées intégrées.

Le réel s'avère complexe, mais les royalistes doivent trouver le courage de l'affronter s'ils veulent mener à bien l'un des premiers combats qui se présentent à eux, à savoir, celui de la crédibilité.

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Un commentaire pour "Critique du néo-gaullisme"

  1. Catoneo

    Le 1 avril 2011 à 12 h 36 min

    Juppé ne cesse de manger son chapeau. Réserve sur le CNT de Benghazi ? Sarkozy l'y envoie, direct ! Surtout pas l'OTAN ? L'OTAN prend l'affaire ! Armer les rebelles ? Rasmussen dit niet en attendant que les Arabes se bougent.

    Mais le volontarisme français dans l'affaire libyenne n'est pas pour me déplaire car nous sommes riverains de cette mer de tous les chocs civilisationnels.
    Entretemps, nous faisons la seule démonstration du Rafale qui vaille, il sort deux fois plus que les autres et l'Eurofighter Typhoon (EADS) est enfoncé. Notre chasseur polyvalent est désormais "warmint". Mais les Mirages aussi dans diverses versions, même économiques, font du bon travail. Et nos frégates aussi. C'est bon pour l'export.

    Certes il y a des bavures au sol, inévitables mais bien plus combattues par les EM qu'au Kosovo jadis.

    Le seul problème franco-français est que cet engagement va assécher complètement nos disponibilités budgétaires de défense au moment où la lutte contre les déficits est obligatoire.
    On va donc voir les limites infranchissables de notre diplomatie et constater l'impraticabilité de la posture universelle d'antan.

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