La France des cols bleu Marine

20 avril 2012

Chronique enregistrée pour RFR le dimanche 1er avril 2012.

Nos auditeurs savent-ils dans quelles conditions sont fabriqués les Iphone qu'ils trimballent dans leur poche ? Ils sont assemblés en Chine, dans une usine où l'on travaille souvent plus de quarante-neuf heures par semaine. C'est davantage que le plafond légal fixé dans l'empire du Milieu. Cela ressort des conclusions d'un audit réalisé par la Fair labor association, dont les conclusions ont été publiées jeudi dernier (le 29 mars 2012).

Que les fanatiques d'Apple se rassurent : ils ne sont pas coupables de contribuer à faire travailler des enfants. De toute façon, mon intention n'est pas de les accuser de quoi que ce soit. Je cherche plutôt à les mettre en garde contre l'avenir qui nous est réservé.

En effet, un candidat à l'élection présidentielle a proclamé son ambition de fabriquer des smartphones non pas en Chine, mais en France. Et je ne vous parle pas d'un candidat de seconde division. Bien au contraire : selon des analyses manifestement très sérieuses, ce candidat-là serait le mieux placé pour vaincre François Hollande au second tour. C'est un serviteur illustre de la France, l'incarnation même de la nation, la nouvelle Jeanne d'Arc ! Demain, les royalistes marcheront sur Reims aux côtés de Marine Le Pen.

En attendant, quand un Iphone est importé aux États-Unis, étant donné l'origine des différents composants, ce sont seulement 4 % de son prix qui reviennent à la Chine. 4 % : s'agit-il de la part que l'égérie populiste voudrait réserver à la France ? 4 %, contre 14 % à la Corée du Sud, 18 % à l'Allemagne, 36 % au Japon ?

Aux yeux d'un certain nombre d'économistes, tel Olivier Bouba-Olga, « on peut donc opposer deux stratégies en matière de politique industrielle » : d'une part, la stratégie popularisée par la campagne électorale, « qui vise à soutenir la production de biens "made in France" vendus en France » ; d'autre part, « la stratégie japonaise ou allemande, qui vise à être bien placé dans les processus de production de produits "made in monde" vendus... partout dans le monde ».

Prétendre que l'on serait plus ou moins patriote selon que l'on promeuve l'une ou l'autre de ces stratégies, c'est une belle ânerie, permettez-moi de le dire. Hélas, les royalistes se rendent volontiers complices d'une instrumentalisation démagogique du sentiment national. Je suis désolé de le proclamer à ce micro, mais le "patriotisme économique", à bien des égards, c'est à l'économie ce que le "bio" est à l'agriculture. C'est un gadget marketing, dont la mise en œuvre suppose une normalisation hasardeuse, pour des bénéfices vraisemblablement marginaux.

Érigé en politique, d'aucuns prétendent qu'il serait même « suicidaire ». Parce que si vous vous interdisez de délocaliser certaines activités, vous renoncez également à allouer de façon optimale les ressources dont vous disposez. Le problème se pose en termes similaires à propos des progrès techniques. Cela n'a pas échappé aux parlementaires de l'UMP, dont on connaît l'ultra-méga-super-libéralisme. J'en tiens pour preuve deux propositions de loi déposées il y a quelques mois : d'abord, celle du député Alain Moyne-Bressand, « visant à interdire la généralisation des caisses automatiques aux barrières des péages » ; ensuite, celle du sénateur Alain Houpert, visant à « assujettir aux prélèvements sociaux le chiffre d'affaires réalisé par les caisses automatiques ».  En Allemagne, on compte, paraît-il, trois fois plus de robots industriels que chez nous. Demandez-vous pourquoi l'économie d'outre-Rhin est réputée plus compétitive que la nôtre...

On prétend sauvegarder l'emploi en s'opposant à la technique ou à la mondialisation. Mais conserver, c'est dépérir ! Entasser du blé dans un grenier, stocker des aliments sous vide, cela permet de subsister quelques mois, voire quelques années. S'il convient de se préparer à affronter les disettes, cela ne saurait nous détourner du travail quotidien de la terre, ni des semis réguliers : sans cesse nous devons remettre l'ouvrage sur le métier ! C'est la vie, et nulle incantation volontariste n'y changera jamais quoi que ce soit.

Les cas de relocalisation en témoignent : ils ne concernent pas des emplois recrées à l'identique, mais ils résultent généralement d'un repositionnement de l'activité vers une offre de meilleure qualité. Par conséquent, si nos responsables politiques témoignaient d'un peu  de "patriotisme économique", ils commenceraient par sortir de la farandole courant de Florange à Petit-Couronne, où les candidats à l'élection présidentielle défilent pour visiter les usines du passé. Catoneo l'a martelé sur Royal Artillerie : « Plutôt que de lever le poing au ciel, nous devons développer de l'industrie à travers des métiers neufs et sans tarder, car les courbes ne s'inverseront pas. Innovons ! Découvrons ! Inventons ! »

Vincent Benard a lancé cet avertissement relayé par l'Institut Turgot : « Si nous ne corrigeons pas le tir, le déclin de notre système éducatif et notre fiscalité punitive de la prise de risque pourraient, dès le second tiers du présent siècle, cantonner un pays comme la France au rôle de pourvoyeur de cols bleus mal payés pour le compte de décideurs des pays émergents. » Je vous l'ai dit : on fabriquera des smartphones en France... Bien que ses concurrents ne s'en distinguent pas fondamentalement, au moins Marine Le Pen annonce-t-elle fièrement la couleur.

Rendez-vous sur le site de RFR pour découvrir les autres interventions :

http://www.radio-royaliste.fr/

Laissez un commentaire