Perspectives francophones

5 septembre 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

Tandis que s'ouvrent à Nice les Jeux de la Francophonie, l'Irsem propose un aperçu des perspectives ouvertes par cette communauté ayant la langue de Molière en partage.

Samedi prochain, 7 septembre 2013, s'ouvriront à Nice, sous la présidence de François Hollande, les VIIe Jeux de la Francophonie. Cet événement ravivera-t-il l'intérêt pour la francophonie, « qui est un atout considérable quelquefois négligé en France », selon le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius ? Dans sa dernière étude, l'Irsem (Institut de recherche stratégique de l'École militaire) en souligne justement la « profondeur stratégique ».

Un fort potentiel

« Dans ce contexte de déterritorialisation de la puissance et de déclassement de la sanctuarisation, la recherche d'influence (soft power) devient nécessairement complémentaire de la puissance pure », affirme Hugo Sada. « Celle-ci doit se construire et se déployer bien au-delà des cadres étatiques, et dans un système international caractérisé par la multiplication des acteurs stratégiques. ». La Francophonie serait « l'un de ces nouveaux acteurs stratégiques, encore relativement mineur, mais doté d'un fort potentiel ».

Dans le Maghreb, annonce Flavien Bourrat, « des possibilités existant de voir le français devenir [...] la langue régionale de coopération y compris en matière de défense et de sécurité ». « Du moment où elle n'est plus perçue comme l'instrument exclusif de projection de la politique française dans la région », la Francophonie « pourrait ainsi constituer la cheville permettant d'articuler et de consolider les liens entre le Maghreb et l'Afrique subsaharienne ». D'ores et déjà, précise Flavien Bourrat, « on constate que les relations denses et les échanges qu'entretiennent les pays du Maghreb avec leurs voisins africains francophones, notamment au Sahel [...], se font le plus souvent en français ». Cela étant, prévient-il, « le contexte de transition politique découlant des révolutions arabes pourrait donner une nouvelle vigueur aux querelles linguistiques et aux orientations idéologiques opposées à la francophonie – en particulier dans le secteur clef de l'éducation ». « Rachid Ghannouchi, leader du parti Ennahdha majoritaire au sein de l'actuel gouvernement tunisien, a ainsi déclaré le 26 octobre 2011 à Radio Express FM : "Nous sommes arabes et notre langue, c'est la langue arabe. On est devenu franco-arabe, c'est de la pollution linguistique." Au Maroc, où existe un fort clivage entre les médias arabophones et francophones, l'actuel gouvernement dominé par le Parti de la justice et du développement (PJD) a tenté de remettre en cause, à travers une réforme de l'audiovisuel, la diffusion à une heure de grande écoute du journal télévisé en français de la chaîne publique 2M. »  

En Afrique, tout particulièrement, les États francophones « présentent des spécificités notamment sur le plan organisationnel (les polices francophones sont fondées sur un système dual composé de la police et de la gendarmerie) ou procédural (tradition romano-germanique et coutumes locales) », souligne Frédéric Ramel. Aussi la Francophonie a-t-elle apporté une contribution indéniable à la réforme des "systèmes de sécurité" en République centrafricaine, en Guinée et en Guinée-Bissau, en collaboration avec les Nations Unies, plus habituées, jusqu'alors, à s'inspirer des traditions britanniques en la matière. Plus de la moitié des effectifs déployés par l'ONU se trouvent d'ailleurs en territoire francophone. Dans ces conditions, annonce Brice Poulot, « l'usage du français en contexte militaire ira croissant ».

Langue militaire

D'ores et déjà, précise-t-il, « les autorités militaires francophones des pays développés ont mis en place de nombreuses actions afin de conforter le rayonnement militaire du français à l'international ». Le "français langue militaire" (FLMI) « tient, depuis le début des années 2000, une place importante, notamment par l'action de la Direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du ministère des Affaires étrangères français, qui finance plus de dix mille formations par an ». Si le français participe « à l'affirmation des capacités opérationnelles des armées », il présente une autre vertu, celle « d'extraire un pays de la sphère d'influence d'un voisin trop puissant : le Brésil favorise par exemple l'apprentissage du français pour s'émanciper des États-Unis, tout comme l'Autriche, membre de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et acteur du FLMI, qui cherche ainsi à se démarquer de son voisin allemand ».

De plus, affirme Brice Poulot, « il existe un lien réel entre la francophilie d'une armée étrangère (ou du moins de son état-major) et la provenance de son matériel de défense », si bien que le FMLI pourrait « participer [...] à l'augmentation des exportations de matériel de défense des pays francophones ». Toutefois, nuance-t-il, « certains exemples à travers le monde nous interdisent tout triomphalisme et suggèrent que le travail à mener auprès des institutions est encore conséquent ». Ainsi la gendarmerie européenne a-t-elle « choisi l'anglais comme seule langue de travail alors qu'elle est composée uniquement de pays de langue latine, et que le modèle gendarmique constitue une spécificité organisationnelle par excellence des forces de police issues historiquement de la tradition ou de l'influence francophone ». Un paradoxe parmi d'autres : comme le rappellent Alexandra Veleva  et Niagalé Bagayoko, le français n'est aujoud'hui « ni la langue maternelle, ni même la langue d'usage de l'ensemble des membres de l'Organisation internationale de la Francophonie ».

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