Quand l'Action française dénonçait la jaunisse gaullienne

15 janvier 2014
Article publié dans L'Action Française 2000

En pleine Guerre froide, la reconnaissance par la France de la République populaire de Chine fut mal accueillie par l'Action française.

Dans son numéro du jeudi 23 janvier 1964, Aspects de la France dénonça « une politique dont le seul souci apparent » était « de prendre, en toutes circonstances, le contre-pied des États-Unis ». « L'insolence de M. De Gaulle ne fera qu'agacer les Américains et avivera leur désir de prendre ses distances avec un allié de jour en jour plus rétif », était-il déploré dans l'éditorial, signé "AF".

« Nous allons jaunir », se désolait Claude Chavin, prédisant qu'on nous ferait « payer au centuple les coups de boutoir, les crocs-en-jambe et les virages de notre politique extérieure ». Cela dit, nuançait-il, « les fautes » n'étaient « pas que de Paris ». Évoquant la crise du canal de Suez, il rappelait que « les Américains, à leur heure, avaient choisi Nasser ». À ses yeux, le président de la République n'en apparaissait pas moins comme le pendant occidental de Mao, semant la zizanie dans son propre camp. La soif de « grandeur » du général, tout comme sa quête d'« indépendance », lui inspiraient la plus grande circonspection : « Comment ne pas songer en même temps au Second Empire, à Napoléon III, à ses guerres au nom du principe des nationalités [...] tout cela finissant à Sedan  »

Mouvements d'humeur et de vanité

« M. De Gaulle sait fort bien qu'en piquant le colosse américain [...] il touche la fibre cocardière qui existe au cœur des Français », lisait-on encore à la "une" du journal : « La France, voyons, est une nation majeure, indépendante, qui ne veut être à la remorque d'aucune autre, si puissante soit-elle... Hélas, le mot a trop servi pour avoir gardé quelque vertu, surtout, comme l'écrit l'éditorialiste du Bulletin de Paris, "lorsqu'il s'agit d'une nation qui, comme nous, peut être en très peu de quarts d'heure à peu près anéantie par les fusées soviétiques et qui ne doit son existence qu'au bouclier américain". »

Alors que Paris venait de larguer l'Algérie, l'AF ne manifestait pas la moindre complaisance à l'égard du chef de l'État : « Le vrai courage », écrivaient nos prédécesseurs, « celui qui n'ignore pas les réalités, c'est le chancelier Erhard qui l'a eu, lorsqu'il a reconnu que l'Allemagne n'avait pas à rougir d'être protégée militairement par l'Amérique puisque cette protection est la garantie suprême de son existence. Nous ne croyons pas à l'habileté d'une politique qui, hier, amputait le territoire national de quinze départements et qui nous conduit aujourd'hui aux pires aventures. Nous nous refusons à confondre le courage et l'honneur avec des mouvements d'humeur et de vanité. » Dans quelle mesure les temps ont-ils vraiment changé ?

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