Vente forcée : qu'on en finisse avec la gabegie de la télévision publique !

4 octobre 2014

Coup de gueule poussé après l'annonce d'une nouvelle hausse de la contribution à l'audiovisuel public.

Diffuser Plus belle la vie, conforter la notoriété de l'inspecteur Derrick, garantir la présence à l'antenne de Nagui, offrir une tribune à Nicolas Sarkozy annonçant son retour dans l'arène politique... Autant de missions relevant manifestement du "service public", selon la formule honteusement consacrée.

De qui se moque-t-on ? Des chiffres et des lettres ou Questions pour un champion seraient-ils les seules portes susceptibles d'ouvrir l'accès à la culture ?

Pour un utilisateur de Freebox, par exemple, si les deux cents et quelque chaînes proposées d'office s'avèrent insuffisantes, l'accès à Mezzo, la chaîne du classique, coûte moins de 3 euros supplémentaires par mois ; celui à la chaîne Historie, moins de cinquante centimes. L'accès forcé aux chaînes du prétendu "service public", quant à lui, devrait bientôt coûter 136 euros par an aux malheureux possesseurs d'un poste de télévision vivant en métropole, selon les dispositions du projet de loi de finances pour 2015. Cela représente une nouvelle hausse de 3 euros, alors que la redevance avait déjà été augmentée de 2 euros en 2014, et même de 6 euros en 2013 ! Quant aux derniers résistants, dont nous sommes, réfractaires à l'achat d'un téléviseur, peut-être seront-ils bientôt soumis eux aussi à cet impôt ubuesque, dont le président Hollande envisage ouvertement d'élargir l'assiette.

« L'État français est le seul au monde, à part la Chine, à posséder et administrer directement onze chaînes de télévision et plus de cent stations de radios ! », s'indigne Thibault Doidy de Kerguelen. « Si on peut concevoir que l'État prenne à sa charge l'expression de la nation, la position de la France dans le monde, si on peut concevoir qu'il participe au financement d'un grand service public de formation, d'instruction et d'apprentissage par l'audiovisuel, l'amusement public et la ré-information des masses ne sont clairement pas de son ressort », explique-t-il sur Contrepoints. Nous sommes d'accord ! Selon lui, « leur suppression représenterait entre 3 et 4 milliards d'économie par an à la nation, soit la moitié du déficit de l'assurance maladie... » À chacun ses priorités !

Il nous faudrait vérifier ces chiffres. Quoi qu'il en soit, 136 euros arrachés chaque année à plusieurs millions de foyers forcés de se farcir la tronche de Laurent Ruquier (par exemple), c'est un scandale, une injure à la nation, un immense foutage de gueule... Nous le clamons d'autant plus sereinement que nous ne sommes pas assujetti, pour le moment du moins, à l'impôt qui en finance majoritairement le budget : qu'on bazarde au plus vite France Télévisions !

NB – France 24, la seule chaîne de télévision publique qui trouve vraiment grâce à nos yeux, n'est accessible sur la TNT que depuis peu... mais seulement en Île-de-France. Tout comme RFI en FM. L'une et l'autre étant financées par l'impôt, la moindre des choses ne serait-il pas d'en proposer l'accès aux contribuables, bien que ceux-ci n'en soient pas la cible prioritaire ? Ce serait d'autant plus souhaitable que l'information y est vraisemblablement traitée de façon plus nuancée que sur les chaînes mainstream. Du moins avons-nous pu l'observer en écoutant RFI de temps à autre. Un scandale de plus, donc !

Le mythe de l'obsolescence programmée : un privilège de riches

3 octobre 2014

Les conspirationnistes prônant la "dissidence", ainsi que les esprits fantaisistes en quête de "décroissance", sont-ils aussi loin du pouvoir qu'on l'imagine généralement ? Visiblement, un certain nombre de politiciens puisent aux mêmes sources intellectuelles.

Force est de le constater, à la découverte d'un amendement au projet de loi « relatif à la transition énergétique pour la croissance verte ». Déposé par le député Éric Alauzet, défendu par Cécile Duflot, il a été adopté en commission avec la bénédiction du gouvernement. Afin de lutter « contre l'obsolescence programmée des produits », il s'agirait d'assimiler à une tromperie « l'hypothèse d'une durée de vie du produit intentionnellement raccourcie lors de sa conception ».

« Je parle [...] de produits dont des ingénieurs ont révélé qu'ils ont, à la demande de leur direction, volontairement fragilisé les composants », a soutenu Cécile Duflot, selon laquelle « l'obsolescence programmée n'est pas un scoop ». Il est vrai que ce fantasme est largement partagé. « C'est une de ces idées qui tient une bonne place dans la conscience populaire, mais qui ne convainc guère les économistes, pour plusieurs raisons », exposées notamment par Alexandre Delaigue, enseignant à l'université de Lille I « Si les économistes sont sceptiques vis-à-vis de l'obsolescence programmée », précise-t-il, « c'est que cette stratégie apparemment subtile n'a en réalité aucun sens ». Nous renvoyons nos lecteurs à ses explications.

« Comme nous sommes des enfants gâtés par la société de consommation », poursuit-il, « nous voudrions que tout soit à la fois durable, esthétique, pratique, et peu cher ». Paradoxalement, peut-être le confort et la profusion nourrissent-ils la frustration des consommateurs, qui masquent leur responsabilité derrière un bouc émissaire, désigné en la personne d'un industriel cupide complotant contre leur pouvoir d'achat... L'obsolescence programmée, mais aussi l'idéologie de la décroissance, dont elle est peut-être un mythe fondateur, c'est un privilège de riches, une fantaisie intellectuelle vraisemblablement réservée aux Occidentaux.

« L'idée » de légiférer contre l'obsolescence programmée « me paraît d'autant plus intéressante que nous voulons changer de modèle », a déclaré Ségolène Royal. De quel modèle parle-t-on, au juste ? « Dans nos pays développés », explique Alexandre Delaigue, « les produits fabriqués en grande série ne coûtent pas cher, parce que nous disposons d'un immense capital productif ; par contre, le travail est très cher ». « La situation est inverse dans les pays en développement. Résultat ? Chez nous il est bien moins coûteux de racheter du matériel neuf que de consacrer du temps de travail à le réparer. » À l'inverse, au Ghana, par exemple, « le travail est abondant et ne coûte (et ne rapporte) presque rien ».

De ces deux modèles, quel est le plus enviable ?

NB – Que nos lecteurs ne se méprennent pas. La "culture du jetable" nous chagrine nous aussi. D'ailleurs, au moment de choisir un ordinateur, nous privilégions toujours les gammes professionnelles afin de bénéficier d'un accès aisé aux composants. En outre, nous avons bon espoir que la Toile contribue à diffuser les connaissances nécessaires à la réparation de produits jusqu'alors condamnés... Sans parler des opportunités offertes bientôt par la généralisation de l'impression 3D ! Mais quand il s'agit de politique, on ne saurait se satisfaire de bons sentiments.

Mise à jourC'est désormais la loi qui l'affirme, après avoir été adoptée en ces termes le 22 juillet 2015 : « L'obsolescence programmée se définit par l'ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d'un produit pour en augmenter le taux de remplacement. L'obsolescence programmée est punie d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. Le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 5 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. »

Dissuasion nucléaire : l'exception française

1 octobre 2014
Article publié dans L'Action Française 2000

Voilà tout juste cinquante ans que la dissuasion nucléaire française est opérationnelle. Bien que le contexte international ait été bouleversé, un relatif consensus politique s'est maintenu en sa faveur. Alain Juppé, Alain Richard ou Michel Rocard, par exemple, ne sont pas parvenus à l'ébranler. La dissuasion nucléaire, c'est « l'assurance vie » de la nation, martèlent à l'envi les présidents de la République successifs. Peut-être un prochain hôte de l'Élysée sera-t-il tenté, néanmoins, de renoncer à sa composante aérienne, la garantie apportée par la permanence à la mer d'un SNLE (sous-marin nucléaire lanceur d'engins) étant jugée suffisante. Un ancien ministre de la Défense s'est exprimé en ce sens dernièrement. Autant le dire d'emblée : ses arguments ne nous ont pas convaincu.

Vendredi prochain, 3 octobre 2014, seront célébrés les cinquante ans des Forces aériennes stratégiques (FAS). Créées par décret présidentiel le 14 janvier 1964, elles comprenaient à l'origine deux escadrons, déclarés opérationnels à l'automne suivant, dénommés Gascogne et Landes, chargés respectivement du bombardement et du ravitaillement. Aussitôt commencèrent les premières prises d'alerte : après avoir « retrouvé sa voix », selon la formule de Michel Debré saluant, en février 1960, le premier essai nucléaire français, Paris pouvait désormais la faire entendre aux quatre coins du monde, portée par un Mirage IV prêt à décoller à chaque instant de Mont-de-Marsan (Landes) armé d'une bombe AN-11.

Quinze fois Hiroshima

Au cours du demi-siècle écoulé, les Forces aériennes stratégiques ont été modernisées à plusieurs reprises, jusqu'à l'introduction du missile ASMP-A (air-sol moyenne portée amélioré) et la transformation en cours de l'escadron La Fayette sur Rafale – en attendant le remplacement des antiques ravitailleurs Boeing C-135 par des Airbus A330 MRTT (multi role tanker transport). Commandées depuis un centre d'opérations enterré au cœur d'une ancienne carrière de gypse à Taverny (Val-d'Oise), les FAS mettent en œuvre des charges nucléaires dont la puissance serait quinze fois supérieure à celle de la bombe d'Hiroshima ; la portée du missile ASMP-A est estimée à cinq cents kilomètres, tandis que sa précision serait inférieure à dix mètres.

« La France est le seul pays européen à détenir en propre cette capacité », se félicite l'armée de l'AIr. « Certains pays de l'Otan fournissent des vecteurs aériens pour pouvoir délivrer l'arme nucléaire, mais celle-ci restant la propriété exclusive des États-Unis, ils ne sont pas indépendants dans leur décision d'emploi éventuel. » Dans quelle mesure Paris doit-il s'enorgueillir d'une telle exclusivité ? « Est-ce que les Anglais se sentent moins bien protégés avec leur seule force sous-marine ? » La question a été posée, le 14 juillet dernier, par Hervé Morin, ancien ministre de la Défense. « On ne peut pas maintenir les deux composantes, aérienne et maritime, de notre dissuasion nucléaire », a-t-il déclaré dans un entretien au Journal du dimanche. « Dans le contexte budgétaire actuel », a-t-il expliqué, « ça ne peut plus être ceinture et bretelles ».

Aujourd'hui, soutient M. Morin, « ce dont on a besoin ce sont des drones, des avions de transport de troupes ». Mais si des économies étaient réalisées aux dépens de la dissuasion, bénéficieraient-elles aux forces conventionnelles ? Rien ne le garantit. Or, bien que les FAS soient habilitées à délivrer le feu nucléaire, elles n'y sont pas cantonnées. Comme le rappelait le général Pierre-Henri Mathe, lors d'un colloque en 2005, « les Mirage 2000N de l'escadron de chasse 02.004 La Fayette furent projetés dans les Balkans dans les années quatre-vingt dix et assurèrent la première mission de tir réel de l'Otan en Croatie en 1994 ». Plus récemment, l'escadron La Fayette a participé à l'opération Harmattan en Libye. « Mais la polyvalence ne se limite pas à l'action offensive », poursuivait le général Mathe. « En effet, dès les années soixante-dix, une nouvelle mission fut confiée au Mirage IV : la reconnaissance stratégique. C'est ainsi que les qualités développées pour la mission nucléaire (furtivité, rapidité, endurance...) furent utilisées pour des missions de reconnaissance. »

Bénéfices collatéraux

Autrement dit, l'exigence requise par la dissuasion semble bénéficier aux armées dans l'exercice des missions conventionnelles. Rendant compte d'un débat organisé au printemps dernier, le géopolitologue Olivier Kempf a émis l'hypothèse selon laquelle le nucléaire serait « structurant du modèle d'armée » : « sans lui », a-t-il suggéré sur son blog Egea, « pas de Rafale, de renseignement, de spatial, de Fremm [frégates multi-missions], d'Atlantique 2, autant de fonctions qui contribuent au combat des trois milieux ». En fait, constate-t-il, « le politique accepte de payer ces armes structurantes à cause du nucléaire ». Incidemment, la nation en tire vraisemblablement quelque profit. « Aujourd'hui encore, comment comprendre Ariane 5 sans le missile M5, les avancées décisives sur la connaissance de la matière comme l'identification récente du si nécessaire boson de Higgs sans la recherche fondamentale conduite par les programmes scientifiques liés aux Forces nucléaires stratégiques ? », se demandait l'amiral Jean Dufourcq, rédacteur en chef de la Revue Défense nationale, dans une chronique publiée en juillet 2012 par l'Alliance géostratégique. Selon lui, « la priorité accordée dans notre posture de défense à l'arme nucléaire a permis de doper sa capacité scientifique et industrielle ».

Voilà qui relativise le coût de la dissuasion nucléaire. Selon nos confrères du JDD, celui de sa composante arienne représenterait 300 à 400 millions d'euros chaque année. À titre de comparaison, le déficit public s'est élevé, en 2013, à 87,6 milliards d'euros... Ainsi, aux yeux du général Mathe, « se passer de cette composante serait une hérésie puisque ce serait se priver, pour un "coût limité", de la complémentarité qu'elle apporte, entre autres, dans les modes de pénétration ».

En effet, tandis que les SNLE (sous-marins nucléaires lanceurs d'engins) tirent des missiles balistiques de très longue portée, suivant une trajectoire parabolique, les chasseurs-bombardiers sont armés de missiles de croisière. Or, comme l'explique le colonel Duvert, dans un document publié sur le site Internet des FAS, « en étant capable de mettre en œuvre des modes de pénétration balistique et aérobie, ou les deux à la fois, on complique la tâche de l'adversaire éventuel en l'obligeant à diversifier ses moyens de défense, et l'on se préserve d'événements techniques intéressant l'une des deux composantes, qu'il s'agisse d'une éventuelle percée technologique de la défense ou d'un problème qui viendrait dégrader la disponibilité de nos moyens ». Par ailleurs, alors que les sous-marins se distinguent par leur discrétion, les avions peuvent faire valoir leur souplesse d'emploi, mais aussi leur visibilité. Le colonel  Duvert souligne leur « démonstrativité », qui « peut se définir par la possibilité offerte au président de la République de prouver sa détermination sans décider l'acte ultime » : « Ce peut être en ordonnant une montée en puissance ostensible (déploiements d'avions, convois de missiles au vu des satellites espions de l'adversaire,...), ou le décollage du raid stratégique pour sa mission en conservant la possibilité de rappeler les avions. » « C'est ainsi qu'en 1962, lors de la crise de Cuba, tous les moyens du Strategic Air Command furent déployés sur le sol américain et prirent l'alerte », rappelait le général Mathe. Selon lui, « cet événement fut la preuve flagrante que l'arme aérienne, par sa réversibilité et par sa démonstrativité, accompagne l'action politique ». « La mission de dissuasion fut dès son origine l'"intimidation" », soulignait-il. Or, « pour intimider de façon crédible, il faut se montrer et être vu ».

Le nucléaire, c'est Zeus

Hervé Morin le confirme à sa façon : « Le nucléaire, c'est Zeus », a-t-il déclaré au JDD, remarquant qu'il « fait partie de la symbolique du chef, surtout dans notre Ve République ». « L'arme nucléaire est, pour tout président de la République française prenant ses fonctions, un des symboles majeurs de sa responsabilité nationale », souligne l'amiral Dufourcq. « Le chef des armées dispose du feu nucléaire, en permanence, pour dissuader quiconque de s'en prendre aux intérêts vitaux de la France. Le faire savoir en endossant les capacités de la seconde frappe assurée est l'un des rituels de la prise de fonction. » Selon le rédacteur en chef de la RDN, « la capacité nucléaire d'un État reste toujours en 2012 un marqueur fort de son identité ». D'ailleurs, la singularité militaire de la France fait écho à sa singularité institutionnelle – l'une et l'autre étant vraisemblablement indisociables. À cet égard, peut-être la dissuasion nucléaire est-elle "structurante" non seulement d'un modèle d'armée, mais aussi d'un modèle politique.

Une remarque supplémentaire en faveur du maintien de la composante arienne, tirée d'un article publié voilà quelque temps par feue l'Alliance géostratégique : « Avec un seul SNLE à la mer en même temps, faire effectuer à celui-ci une frappe "pré-stratégique" ou d'ultime avertissement est impossible, sous-peine de révéler sa position et d'obérer de fait sa capacité à garantir une seconde frappe : une force stratégique purement sous-marine, dans le cadre de la doctrine et avec les moyens actuels, n'est pas possible. »

L'arme nucléaire est-elle obsolète au XXIe siècle ?

1 octobre 2014
Article publié dans L'Action Française 2000

Complément de l'article écrit à l'occasion des cinquante ans des Forces aériennes stratégiques.

Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, le "pouvoir égalisateur de l'atome" n'avait pas échappé à Charles Maurras. De son point de vue, explique Georges-Henri Soutou, la bombe atomique « permettait à une puissance comme la France de garder son indépendance et de manœuvrer à l'époque des superpuissance » (Entre la vieille Europe et la seule France, Economica, 2009). C'est pourquoi, selon Maurras, « un gouvernement digne du nom français devrait tendre à ce que la France eût à tout prix le secret de la bombe, et la bombe elle-même, coûte que coûte ». Une fois n'est pas coutume, la République semble l'avoir entendu !

Cinquante ans plus tard, soutient Hervé Morin, « notre théorie de dissuasion souffre d'un certain nombre de contradictions ». « Dans un contexte de Guerre froide », affirme-t-il, « la stratégie du faible au fort et [le] concept de non-emploi se mariaient dans une belle logique. Mais dans une stratégie inverse, du fort au faible, dans un contexte où on développe une arme d'ultime avertissement, quand on procède à des programmes de miniaturisation, on voit bien que l'arme nucléaire tend à sortir du concept de non-emploi pour aller doucement mais surement vers le concept d'emploi. » Dans ces conditions, « le nucléaire français, pour conserver sa pertinence, ne peut échapper à la révision de sa doctrine », avait confirmé le général Gambotti, dans un billet publié en 2009 sur Egea. Selon l'amiral Jean Dufourcq, « l'arme nucléaire a toujours sa place dans notre arsenal militaire et notre politique de défense mais celle-ci n'est plus désormais centrale, vitale, quoi qu'on dise avec une virile constance ».

Faut-il dès lors y renoncer, comme le réclame, par exemple, le général Norlain, qui la juge « inutile et coûteuse » ? « L'arme n'est pas simplement une réaction aux conditions de l'époque », répond Olivier Kempf. « Elle est aussi une arme identitaire qui assure la perpétuation de l'indépendance de la France. [...] Or, l'espérance de vie des nations se compte en siècles. C'est à cette aune-là qu'il faut mesurer l'âge de l'arme nucléaire comme de son utilité. La Guerre froide dura quarante-cinq ans. Cela ne fait que vingt-cinq ans que nous l'avons quittée. Les circonstances ne rassurent pas et n'incitent pas au plus grand optimisme. C'est peut-être une erreur de jugement et l'observateur de 2014 n'aperçoit peut-être pas le mouvement pacificateur et de concorde internationale à l'œuvre. À tout le moins n'est il pas des plus apparents. Il est trop tôt, bien trop tôt pour se séparer de l'arme. »

EIIL : quand la paranoïa islamophobe se mêle du vocabulaire

28 septembre 2014

Faut-il parler de "Daech" ou de "l'État islamique" ? Préférer une expression à l'autre peut donner lieu à des interprétations délirantes.

Depuis quelque temps, dans les communiqués du Quai d'Orsay, il n'est plus question de « l'État islamique », ni de « l'État islamique en Irak et au Levant » (EIIL), mais de  « Daech ». « C'est de la novlangue », a dénoncé Jean-Yves Le Gallou, lundi dernier (22 septembre 2014), au micro de Radio Courtoisie. Selon lui, ce choix aurait été fait « pour éviter d'utiliser le mot islamique dans un sens négatif ».

Curieuse interprétation, émanant d'une esprit devenu tordu à force de se complaire dans la « réinformation » nourrie, entre autres, par la haine de l'islam et la conviction délirante que nos élites lui seraient délibérément soumises.

Si l'on en croit Libération, effectivement, le gouvernement a « instamment prié la presse de cesser d'utiliser l'expression "État islamique" ». Mais cela parce qu'elle serait « trop valorisante ». Ce que confirme Wikipedia, dont les contributeurs estiment que "Daech", son substitut officiel, est « utilisée de manière péjorative ». Dans l'esprit de tout un chacun (sauf à l'extrême droite, donc) un "État" s'avère a priori éminemment plus respectable qu'un groupuscule terroriste. Est-il vraiment nécessaire d'expliquer pourquoi ?

« Nous avons décidé de ne plus employer telle quelle l'expression "État islamique" », a déclaré Michelle Leridon, directrice de l'information à l'AFP.  « Désormais », a-t-elle annoncé, « l'AFP utilisera l'expression "l'organisation État islamique" ou "le groupe État islamique" ». « Dans les titres des dépêches ou dans les "alertes" », a-t-elle précisé, « nous utiliserons si possible l'expression "jihadistes de l'EI" ». Quant au terme "Daech", « l'acronyme de l'EI en arabe qui a été choisi notamment par le gouvernement français pour désigner l'organisation », il est jugé « difficilement compréhensible pour le plus grand nombre ».

N'en déplaise aux "réinformateurs", force est de le constater, nos confrères sont loin de suivre toutes les directives du pouvoir politique. D'ailleurs, dans un sondage en ligne, Le Figaro a demandé à ses lecteurs s'ils jugeaient « suffisante la condamnation des musulmans de France » après l'assassinat d'Hervé Gourdel. Comme s'ils avaient à s'excuser ! La condescendance avec laquelle sont accueilles les condamnations en question nous inspire une réprobation morale, mais aussi une interrogation plus politique, teintée d'inquiétude : si les "porte-parole" de l'islam de France se soumettent trop ouvertement aux pressions d'une opinion publique islamophobe, ne risquent-il pas de perdre le peu de crédibilité dont ils bénéficient auprès de leurs coreligionnaires, et cela au profit des plus radicaux d'entre eux ?

La sarkophobie, symptôme des illusions démocratiques

23 septembre 2014

Tout sauf Sarkozy ! Le slogan en vogue au printemps 2012 retrouve toute son actualité, tandis que l'ancien chef de l'État vient d'annoncer qu'il briguerait la présidence de l'UMP.

Hier soir, par exemple, Henry de Lesquen et ses invités se sont déchaînés contre lui au micro de Radio Courtoisie. Le bilan qu'ils ont tiré de son quinquennat nous est apparu d'autant plus discutable qu'il se sont bien gardés de le mettre en perspective. Aussi ont-ils laissé entendre qu'un autre aurait fait mieux hier ; qu'un autre ferait beaucoup mieux demain. À l'image de François Hollande, peut-être ?

S'alarmer ainsi du retour de Nicolas Sarkozy, c'est entretenir l'espoir qu'un miracle sortira des urnes. C'est précipiter nos compatriotes vers de nouvelles désillusions, et nourrir la démagogie des politiciens qui les abusent. À chacun ses forfaitures...

Taux négatifs : qu'en pensent les conspirationnistes ?

18 septembre 2014

Les créanciers de Paris s'accommodent de taux peu rémunérateurs. Bizarre... Tous les aspects du complot juif mondial n'ont pas dû nous être révélés !

« Depuis la mi-juillet, la France emprunte de l'argent à court terme sur les marchés financiers à des taux d'intérêt négatifs », rapporte La Finance pour tous. « Le bon du Trésor à échéance d'un mois est en effet assorti depuis le 16 juillet d'un taux d'intérêt de - 0,01 %. Le bon du Trésor à échéance de trois mois présente le même taux depuis le 18 août. »

Il est vrai que l'inflation contribue à tirer les taux vers le bas : « elle se situe désormais à un niveau proche de zéro ». Par conséquent, « en termes réels (c'est à dire une fois pris en compte le taux d'inflation), la rémunération des prêteurs à court terme redevient ainsi positive ».

Cela étant, le plancher est quasiment atteint, et peut-être va-t-il bientôt céder : l'Allemagne ayant annoncé qu'elle ne souscrirait pas d'emprunt en 2015, les obligations françaises en seront d'autant plus demandées.

Cela nourrira-t-il quelque réflexion dans les milieux populistes et réactionnaires ? À l'image de Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan, nombreux sont ceux qui proposent une lecture fantasmée d'une loi votée en 1973. Ce faisant, ils entretiennent le mythe  selon lequel l'État s'endetterait sur les marchés financiers dans le seul but d'enrichir des banquiers véreux – juifs pour la plupart, cela va sans dire – avec la complicité des politiciens à leur botte, tel Georges Pompidou, transfuge de la banque Rotschild – comme par hasard !

Peut-être faudra-t-il songer à réviser cette histoire, à l'heure où les taux battent des records à la baisse. N'en doutons pas, moult esprits tordus sauront faire preuve de l'imagination nécessaire...

Fonds vautours : "politique d'abord" ?

17 septembre 2014
Article publié dans L'Action Française 2000

Les déboires de l'Argentine reflètent-ils la toute-puissance de la finance ? Peut-être faudrait-il plutôt s'interroger sur le primat du droit.

Tandis que Buenos Aires tente d'échapper à la pression des "fonds vautours", l'Assemblée générale des Nations Unies prévoit d'établir « un cadre juridique multilatéral applicable aux opérations de restructuration de la dette souveraine ». Une résolution a été adoptée à cet effet le 9 septembre 2014.

Portée par le Bolivie, avec le soutien de la Chine et de nombreux pays en développement, cette initiative semble avoir été fraîchement accueillie par les États les plus riches. Selon un communiqué de l'ONU, « à l'instar du représentant des États-Unis, qui s'est inquiété des incertitudes qu'un tel texte pourrait faire peser sur les marchés financiers, ceux de l'Union européenne, du Japon, de l'Australie et de la Norvège ont dit qu'ils ne pouvaient l'appuyer compte tenu de la précipitation avec laquelle il a été présenté ».

Paris et ses alliés auraient-ils fléchi, encore une fois, devant la toute-puissance de la finance, que François Hollande avait pourtant érigée en ennemi ? Dans le cas de l'Argentine, peut-être est-ce moins le primat de la finance que celui du droit qui est en cause – quoique cette situation contribue à la confiance des créanciers potentiels. Brossant le portrait d'Elliott, le principal fonds spéculatif en prise avec l'Argentine, Les Échos n'ont-ils pas décrit un organisme « procédurier à l'extrême », qui « détecte les failles juridiques dans les contrats de dette » ? Ainsi fonctionnent les "fonds vautours", qui rachètent des obligations dépréciées dans l'espoir d'obtenir le remboursement de leur valeur nominale.

Or, comme l'explique La Tribune, « un État peut choisir de se référer à une juridiction étrangère dans ses contrats de dette  », et cela indépendamment de la devise à laquelle il recourt. « Le droit de New York et le droit britannique sont les plus courants », précisent nos confrères, « car ils sont bien connus des investisseurs et sont censés mieux les protéger ». À certains égards, donc, Buenos Aires paie le prix de ses propres arbitrages. Bien que la mondialisation ait changé la donne, le politique n'a pas tout à fait perdu la main.

La prohibition en débat

17 septembre 2014
Article publié dans L'Action Française 2000

Interdire est une chose. Éradiquer en est une autre...

Un projet de loi autorisant l'ouverture de « salles de consommation contrôlée de stupéfiants » devrait être présenté le 1er octobre. Après que l'Insee eut intégré le trafic de drogues dans le calcul du PIB, s'agit-il d'un pas supplémentaire vers la banalisation d'un certain nombre de psychotropes ? Peut-être la France suivra-t-elle la tendance observée outre-Atlantique, où le Colorado et l'État de Washington ont autorisé l'usage "récréatif" du cannabis.

« Pourquoi, à propos des drogues, faudrait-il faire exception au principe que chacun peut mener sa vie comme il l'entend ? », se demandent, par exemple, les auteurs d'un Dictionnaire du libéralisme (sous la direction de Mathieu Laine, Larousse, 2012). « Pourquoi des mesures simples comme la diffusion d'une information fiable sur les propriétés de ces produits, une règlementation minimale de leur usage et une application stricte du principe de la responsabilité de leurs consommateurs à l'égard des tiers susceptibles d'être concernés ne suffiraient-elles pas, comme c'est aujourd'hui le cas pour l'alcool ? » Le bien commun exige de l'État qu'il se préoccupe de la santé publique, répondent naturellement leurs détracteurs. « La dépénalisation des activités liées à l'usage des drogues ne reviendrait de toute façon pas à vouloir les favoriser », est-il rétorqué à ces derniers. N'est-ce pas ignorer les vertus pédagogiques, sinon morales, que l'on prête à la loi ?

Étant donné le nombre de joints roulés à la vue de tout un chacun, force est de constater les limites de la législation en vigueur. Il est vrai que la volonté de l'appliquer semble faire défaut, en dépit des contrôles organisés ici ou là. Qu'en serait-il dans le cas contraire ? Nos libéraux ont beau jeu de rappeler « l'expérience malheureuse de la "prohibition" aux États-Unis ente 1920 et 1933 ». Comparaison n'est pas raison. Cela étant, peut-être y a-t-il quelque enseignement à en tirer ? Les pouvoirs publics seraient bien inspirés d'y réfléchir, alors qu'ils s'apprêtent à réprimer le recours à la prostitution. Une fois n'est pas coutume, peut-être marcheront-ils dans les pas de saint Louis, qui s'était résigné à tolérer cette pratique, après avoir tenté en vain de l'éradiquer...

Le parquet à la botte du Front national ?

12 septembre 2014

La hantise du déferlement migratoire n'épargne pas l'institution judiciaire.

Poursuivi alors qu'il hébergeait des sans-abri dans un local paroissial, le père Riffard a été relaxé, nous apprend Le Figaro.

Dans l'article de notre consœur Blandine Le Cain, un passage a plus particulièrement retenu notre attention : devant le juge, le représentant du parquet aurait dénoncé « l'appel d'air en faveur des filières d'immigration clandestine créé par cette situation ». Voilà qui peut surprendre dans la bouche d'un magistrat du ministère public : Christiane Taubira rédigerait-elle ses instructions sur les conseils de Marine Le Pen ?

Blague à part, force est de constater que la Justice n'est pas épargnée par la xénophobie diffuse qui gangrène plus ou moins le pays – cela avec la complicité des socialistes : à entendre le président Hollande, le salut de la France ne dépendrait-il pas du bon vouloir de l'Allemagne ? Puissent nos élites encourager nos compatriotes à compter d'abord sur eux-mêmes !