La nationalité en éternel débat

6 janvier 2016
Article publié dans L'Action Française 2000

Déchoir des Français de naissance de leur nationalité : telle est la mesure la plus controversée du projet de révision de la Constitution présenté par le gouvernement.

Tandis que l'exécutif socialiste est accusé d'empiéter sur les plates-bandes du Front national, l'opposition peine à faire entendre sa voix. Ainsi Nathalie Kosciusko-Morizet s'essaie-t-elle à défendre « la cohésion nationale » : « la France se divise sur la déchéance de nationalité », regrette-t-elle sur son blog. 85 % de nos compatriotes seraient pourtant favorables à la révision de la Constitution proposée par le gouvernement, selon un sondage Opinionway pour Le Figaro... Aussi cette question agite-t-elle surtout le pays légal ! L'enjeu apparaît d'autant plus symbolique que bien des dispositions permettent d'ores et déjà de déchoir un Français de sa nationalité.

Nationalité mal acquise

Hervé Mariton, quant à lui, appelle à débattre non pas de la déchéance, mais des conditions d'attribution de la nationalité. Selon lui, « le principe directeur doit être le droit du sang, naturellement enrichi par la vie » – autrement dit, par « la naturalisation ». « Aussi horribles que soient les actes commis par les enfants de France, je souhaite une nationalité qui soit irréfragable, irréversible », a-t-il expliqué au micro de France Inter. « Je souhaite que cette nationalité ne soit pas supposée mal acquise, qu'elle ne soit pas fragile pour les uns, moins fragile pour d'autres », a-t-il poursuivi.

Implicitement, le député de la Drôme semble récuser toute conception contractualiste de la nation. Une conception que nourrit, à certains égards, le projet de loi présenté par le gouvernement. Cela n'a pas échappé à Manuel Valls : accusé de trahir la gauche, le Premier ministre prétend au contraire la servir en défendant une « conception historique ouverte de la nation française, fondée sur l'adhésion à l'idéal républicain et sur la volonté commune de vivre-ensemble ». À l'inverse, s'exprimant sur Facebook, il a rejeté l'idée de « fonder la nationalité [...] sur ce qui par nature ne peut jamais être révoqué ».

Double allégeance

Ce faisant, peut-être croit-il nous rassurer, entretenant, à son corps défendant,  l'illusion que la France pourrait se débarrasser de ses brebis galeuses ? Un anthropologue s'en inquiète dans les colonnes du Monde : « cette proposition de déchéance de nationalité pose le postulat que l'engagement dans le terrorisme ne concerne que les immigrés de confession musulmane », déplore ainsi Dounia Bouzar. Avec quelque maladresse, il semble vouloir exprimer sa préoccupation quant aux conversions soudaines à un islam d'emblée radical. Un symptôme parmi d'autres du mal qui gangrène la France ?

En tout cas, plus encore que le droit du sol (dont l'application s'avère d'ailleurs relative), c'est la double nationalité qui semble mise en accusation. Parmi ses bénéficiaires, beaucoup ont reçu leur seconde nationalité en héritage, par le sang donc ; de ce point de vue, le droit du sol serait effectivement égratigné. Mais d'autres ont pu l'acquérir... À l'image de Gérard Depardieu, par exemple ! Dans quelle mesure les faveurs que lui accorde Vladmiir Poutine affaiblissent-elles les liens qui l'unissent à la France ? Incidemment, les suspicions associées à la critique d'une "double allégeance" pourraient donc faire l'objet d'une timide traduction juridique.

La hantise des apatrides

Il est vrai que le gouvernement n'envisage de retirer leur nationalité qu'à des Français qui demeureraient alors les ressortissants d'un pays tiers. Il n'est pas question de créer des apatrides, martèle-t-on à l'envi. De toute façon, nous dit-on, les engagements internationaux souscrits par la France le lui interdiraient. C'est précisément ce que conteste François-Xavier Berger, dans un article publié par Mediapart. Quoi qu'il en soit, peut-être cette hantise-là reflète-t-elle une conscience plus ou moins confuse des limites d'un certain idéal individualiste. Sur Contrepoints, Nafy-Nathalie rappelle opportunément ces propos d'Hannah Arendt : « Être déchu de sa citoyenneté, c'est être privé de son appartenance au monde. »

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