L'île Tromelin en sursis

5 février 2017
Article publié dans L'Action Française 2000

La ratification de l'accord de cogestion conclu entre Paris et Port-Louis est encore une fois reportée. Cependant, cela ne saurait garantir le respect de la souveraineté française outre-mer.

L'île Tromelin, située dans l'océan Indien, s'étend sur une petit kilomètre carré. Mais l'espace maritime qui lui est associé recouvre 280 000 kilomètres carrés – « une surface équivalente aux eaux métropolitaines sous juridiction française », souligne Gilbert Le Bris, député du Finistère, dans un entretien accordé au Fauteuil de Colbert. Cela traduit, à ses yeux, toute l'importance de ce territoire rattaché aux Terres australes et antarctiques françaises. Le mois dernier, il a orchestré la fronde faisant échec, une nouvelle fois, à la ratification d'un accord en application duquel la France et l'île Maurice en assureraient la cogestion.

Délicate police des pêches

Le Front national tout comme le Medef – entre autres – se sont réjouis de la reculade du Gouvernement. Mais qu'en est-il de Port-Louis ? Étonnamment, alors que ce traité a été signé en juin 2010, il n'en aurait toujours pas lancé la ratification, selon notre confrère Fabien Piliu, collaborateur de La Tribune. Cependant, il n'est pas indifférent au sort de Tromelin. Bien au contraire : il en revendique la souveraineté et prétend même octroyer des permis de pêche à ce titre. De fait, « le contrôle de cette zone a déjà fait l'objet de plusieurs frictions entre la France et la République de Maurice », comme le rapporte dans Les Échos notre consœur Justine Babin ; « notamment en 2004 lorsque deux navires de pêche japonais y furent arraisonnés après que les autorités françaises avaient découvert qu'ils disposaient de permis de pêches accordés par l'île Maurice ».

Il semblerait toutefois que Paris peine à se faire respecter. Selon Fabien Piliu, « les recours contre les thoniers étant longs, coûteux et administrativement compliqués, ils ne sont que rarement punis » ; c'est pourquoi, poursuit-il, « une cogestion de ces ressources avec la France pourrait permettre de résoudre ce problème de pillage […] sans perdre la main sur les ressources potentielles en pétrole et en gaz ». Autrement dit, à travers cet accord, peut-être Paris espère-t-il sauvegarder une souveraineté en passe de devenir fantoche… Au passage, notre confrère rappelle qu'« un accord autorise déjà les Mexicains à pêcher une certaine quantité de poissons dans la ZEE de Clipperton ».

Quoi qu'il en soit, prévient Gilbert Le Bris, « les gouvernements mauriciens affirment constamment que le traité de cogestion sur Tromelin […] n'est qu'une première étape dans l'optique mauricienne de recouvrer une souveraineté pleine et entière sur Tromelin ». En 2015, à la tribune des Nations unies, Sir Anerood Jugnauth, Premier ministre mauricien, s'était dit optimiste : « nous savons pouvoir compter sur la noblesse de la France et ses idéaux de justice et de fraternité pour que la République de Maurice puisse exercer sa souveraineté effective sur Tromelin », avait-il déclaré. Un simple effet de manche ?

La France manque de navires

Saluant le "sursis" accordé à Tromelin, Gilbert Le Bris et ses collègues frondeurs ont encouragé la France « à éventuellement engager des négociations avec la République de Maurice pour établir un nouvel accord plus respectueux de la pleine souveraineté française ». À quoi bon ? Port-Louis campera vraisemblablement sur ses positions. Quant à Paris, il se fourvoierait en se réfugiant dans une approche strictement juridique. En effet qu'est-ce que la souveraineté sans la puissance ? « Hormis une station météorologique et une piste sommaire d'aviation, le passage régulier d'un patrouilleur de la Marine nationale, un territoire comme Tromelin est tout sauf une charge financière pour la collectivité nationale », martèle Gilbert Le Bris. Il faudra bien consentir quelque effort pour protéger l'Outre-mer. « De l'avis de tous ceux qui s'intéressent de près aux affaires maritimes, le renouvellement des patrouilleurs et autres avisos […] est plus qu'urgent », constate Laurent Lagneau, animateur du blog Zone militaire. « Cela revêt pour moi une grande importance », a déclaré à ce sujet l'amiral Christophe Prazuck, chef d'état-major de la Marine nationale ; « ce qui est laissé vide sera pillé », a-t-il souligné devant une commission du Sénat. Au moins sommes-nous prévenus.

NB – Dans le différend opposant Paris et Port-louis quant à la souveraineté qu'ils revendiquent chacun sur l'île Tromelin, il semblerait que Moscou ait pris parti en faveur du second. « Il est fort logique que la Russie attaquée juridiquement sur ce qui s'est passé en Crimée prenne la peine de soulever à nouveau les contestations touchant la souveraineté française sur certaines de ses possessions », commente Gilbert Le Bris, dans son entretien au Fauteuil de Colbert. Quelle est exactement la position de Moscou ? Sollicitée à ce sujet, l'ambassade de Russie à Paris ne nous a pas répondu. Affaire à suivre.

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