6 mai 2015
Article publié dans L'Action Française 2000
Le Royaume-Uni semble envisager de quitter l'Union européenne.
Mais non de rompre avec toute forme d'engagement multilatéral. Aperçu
des perspectives qui s'offrent à lui.
Sortira, sortira pas ? La question se pose à propos
de la Grèce, susceptible de quitter l'Union économique et monétaire (la
zone euro). Mais aussi à propos du Royaume-Uni, dont le Premier
ministre sortant, David Cameron, s'est engagé à soumettre à référendum
le maintien de son pays dans l'Union européenne (UE). À condition, bien
sûr, que les conservateurs soient reconduits au pouvoir à l'issue des
élections organisées ce jeudi 7 mai 2015. L'histoire se
répétera-t-elle ? En 1975, déjà, en application d'une promesse
de campagne, alors que le Royaume-Uni venait d'y adhérer deux ans plus
tôt, sa participation à la Communauté économique européenne (CEE) avait
fait l'objet d'une consultation populaire ; 67 % des
voix s'étaient protées sur le "oui".
Scénario catastrophe
En 2017, en revanche, une victoire du "non" serait
vraisemblable, au grand dam de la majorité des chefs d'entreprise
britanniques, hantés par les scénarios catastrophistes échafaudés dans
la perspective d'un "Brexit". Dans le pire des cas, rapporte La Tribune,
selon le think tank allemand Bertelsmann
Stiftung, « la perte du PIB par habitant du Royaume-Uni
pourrait atteindre 14 %, soit 313 milliards d'euros
[...], en 2030, comparé au scénario où il serait resté dans
l'Europe ». Cependant, le libre-échangisme a toujours la cote
outre-Manche, y compris chez les eurosceptiques :
« le Royaume-Uni doit être plus mondial et moins
régional », proclame ainsi David Campbell Bannerman, un député
conservateur, cité par Euractiv ;
« nous avons une alternative claire à l'UE »,
explique son collègue Christopher Cope : « l'adhésion
à l'OMC ».
S'il quittait effectivement l'UE, peut-être Londres
envisagerait-il également son retour dans l'Association européenne de
libre-échange (AELE), créée en 1960 sous son impulsion. À l'époque,
c'était une alternative à "l'Europe des Six"... « L'AELE
constitue une "autre Europe" non négligeable », comme le
souligne Philippe Chassaigne, dans une contribution au Dictionnaire
critique de l'Union européenne (Armand Colin, 2008). Elle
compte aujourd'hui quatre États membres : l'Islande, le
Liechtenstein, la Norvège et la Suisse. Trois d'entre eux sont associés
à l'Union européenne via l'Espace économique
européen (EEE) – la Suisse fait exception, ses rapports avec l'UE étant
gouvernés par des accords bilatéraux. Or, cela les expose à l'influence
de Bruxelles, dont les Britanniques s'indignent précisément des
oukases...
L'exemple de l'AELE
Il y a deux ans, par exemple, comme le rappelle Euractiv,
la Commission européenne s'était « plainte de la Norvège, car
elle imposait des taxes supplémentaires sur les biens importés de l'UE
et que plus de quatre cents directives n'avaient pas été
mises en place dans le pays, entravant ainsi le marché unique de
l'UE ». « C'est ainsi que les directives de la
Commission européenne qui concernent le marché de l'EEE sont aussi
valables en Norvège », comme l'explique Hans Otto Froland, dans un
autre article du Dictionnaire critique de l'Union européenne.
Cela représente « un défi indéniable à l'idée même de
souveraineté », quoique les États membres de l'AELE disposent
« du droit formel de leur opposer un veto ». Oslo ne
se serait-il tenu en marge de l'UE que pour mieux s'y soumettre à
travers l'AELE et l'EEE ? En partie seulement : pour
la Norvège, il s'agissait de conserver un certain contrôle sur la
pêche, qui occupe une place singulière dans sa tradition nationale.
À vrai dire, nul État ne saurait s'affranchir raisonnablement
du moindre engagement multilatéral. Souvent montrée en exemple par les
souverainistes, la Russie de Vladimir Poutine n'a-t-elle pas créé cette
année l'Union économique eurasiatique (où elle occupe certes un poids
prépondérant) ? Il appartient à chaque État de piocher les
bonnes cartes au regard de ses intérêts. Dans cette perspective, même
le carcan de l'Union européenne se prête parfois à quelque
souplesse : par exemple, tous ses membres ne participent pas à
l'Espace Schengen (Irlande et Royaume-Uni), par ailleurs ouvert à des
pays tiers (Islande, Liechtenstein, Norvège et Suisse – encore eux). En
son sein, deux États ont manifesté dernièrement quelque velléité de
rébellion. Athènes entend, entre autres, préserver sa relation avec
Moscou. Quant à Budapest, il envisage de rétablir la peine de mort. Au
risque de se voir privé de voix au Conseil des ministres ? On
n'en est pas encore là. Mais peut-être Viktor Orban peut-il
s'enorgueillir d'avoir assaini les finances de son pays tout en se
montrant réfractaire à suivre les conseils de l'UE ou du FMI. Preuve
que des marges de manœuvre subsistent au sein même de "l'Europe". Reste
à les mettre à profit... sans parler d'en créer de nouvelles !
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12 mars 2015
L'Europe ne fonctionne pas, mais ses détracteurs les plus
virulents ne sont pas là pour le dire.
Avant-hier, mardi 10 mars, la
Commission européenne a officialisé le délai de deux ans imparti à la
France pour remettre un peu d'ordre dans ses finances publiques,
conformément aux règles censées régir le fonctionnement de l'Union
économique et monétaire (UEM).
S'agit-il d'une nouvelle humiliation ? François
Hollande est « tenu en laisse par Bruxelles », a
dénoncé Nicolas Duont-Aignan ; « la
Commission européenne dicte la politique de la France », vient
de confirmer aujourd'hui le Front national. Décidément, les
souverainistes se plaisent à croire qu'ils vivent dans cette Europe
fédérale qu'ils prétendent honnir ! Les sanctions vont
pleuvoir sur Paris, préviennent-ils. À la faveur de quel
miracle ? Nul ne le sait. Or, depuis que l'euro a été
substitué en franc, Paris s'est montré coutumier des dérapages
budgétaires, sans que les mécanismes institutionnels et juridiques
censés maintenir les États dans les clous n'aient jamais été tout à
fait mis en œuvre.
Cet échec apparaît d'autant plus criant à l'heure où le marché
n'est plus en mesure d'assurer sa fonction régulatrice, la Banque
centrale européenne ayant entrepris de tirer les taux vers le bas.
Autrement dit, l'aléa moral aidant, le laxisme risque fort de présider
quelque temps encore à la gestion des finances publiques. L'escroquerie
inflationniste s'avérant impraticable prou cause de monnaie unique,
précisément, cela pourrait très mal finir.
Bref, l'Europe ne fonctionne pas. On le savait déjà, mais
force est de constater que les souverainistes ne sont pas là pour
le dire. C'est normal : ils sont à peu près les seuls à croire
le contraire.
NB – Nous reprenons à notre compte ce
constat fait par Charles Wyplosz sur Telos :
« Le juridisme du pacte de stabilité n'a pas résisté aux
arbitrages politiques. [...] Un pays souverain peut dire non aux
injonctions de la Commission, s'il l'ose et s'il en a les
moyens. » À lire également, chez
nos confrères d'Euractiv, à propos des
recommandations budgétaires formulées par la Commission
européenne : « Jusqu'ici, les États membres ne se
sont [...] pas empressés de les traduire en mesures nationales. En
2013, seuls 9 % des recommandations ont été entièrement
concrétisées. Pour 2014, ce chiffre est encore moins élevé
selon la Commission, les Vingt-Huit n'ont mis en place, entièrement ou
presque, que douze des cent cinquante-sept recommandations établies
l'an passé, soit environ 7,5 %. » C'est dire la
réalité de la dictature de Bruxelles fantasmée par nos petits camarades
souverainistes...
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5 juillet 2014
Considérations sur la dimension intergouvernementale de
l'Union européenne.
« L'Allemagne et le Royaume-Uni sont les meilleurs
ennemis de Bruxelles », rapporte
Euractiv. « Les deux pays sont
ceux qui ont adopté le plus souvent des votes opposés »,
expliquent nos confrères. « Dans 16 % des
cas », précisent-ils, Berlin et Londres « ont adopté
des positions contradictoires lors des réunions qui regroupent les
ministres européens ».
Autrement dit, les deux États s'opposant le plus souvent au
sein du Conseil s'accordent tout de même dans 84 % des cas.
Ces chiffres ne devraient-ils pas interpeller les
souverainistes ? Ils donnent matière à s'interroger sur le
mythe d'une Europe imposant son diktat aux États. N'en déplaise aux
idéologues volontaristes, ceux-ci, à commence par la France, semblent
bel et bien consentants...
À la veille des élections européennes, des européistes ont
d'ailleurs regretté le poids qui leur était conféré par le traité de
Lisbonne. « Donner un chef » au Conseil européen,
c'était « lui donner plus de pouvoir », a
regretté, par exemple, l'écologiste belge Isabelle Durant.
« Garder la présidence tournante aurait garanti le respect de
l'intérêt commun et de la méthode dite communautaire »,
a-t-elle expliqué à Euractiv. De son point de
vue, résument nos confrères, Herman Van Rompuy a brossé « une
caricature de la nouvelle méthode de travail introduite par le traité
de Lisbonne. Dans un souci de recherche de consensus, il fait valoir
l'intérêt de chaque État membre au lieu de faire avancer la cause
européenne ».
Entre les européistes qui rêvent d'une Europe fédérale, et les
souverainistes qui en font des cauchemars, la différence n'apparaît pas
bien grande en définitive !
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22 juin 2014
S'inscrivant dans un vaste complot mondialiste, l'Union
européenne serait le promoteur zélé de l'"Europe des régions", selon la
thèse popularisée notamment Pierre Hillard. À cette aune, il est
piquant d'apprendre que la NVA, le principal parti indépendantiste
flamand, va finalement rejoindre un groupe eurosceptique au Parlement
européen.
« Ce choix est loin d'être anodin, puisque le parti
de Bart De Wever va siéger non seulement aux côtés des conservateurs
britanniques, du Parti démocratique civique tchèque, du PiS polonais
(Droit et Justice dirigé par Jaroslaw Kaczynski), mais aussi des
anti-euros allemands de Alternativ für Deutschland ou de l'extrême
droite des "Grecs indépendants", du Parti populaire danois et des
"Vrais Finlandais" », rapporte
notre confrère Jean Quatremer. De son point de vue,
« l'affaire est d'autant plus surprenante qu'il s'agit là d'un
véritable coming out d'un parti qui affichait
jusqu'ici son europhilie ».
De fait, cela relève vraisemblablement d'un choix
opportuniste, guidé par des calculs de politique intérieure, davantage
que d'un véritable enracinement idéologique. Cela étant, on rappellera
que la Ligue du Nord, tout comme le Vlaams Belang, se sont alliés au
Front national, dont l'ambition serait, précisément, de
« bloquer l'Europe »...
Quant à la Commission européenne, elle s'est montrée pour le
moins réservée, tandis que la Catalogne sollicitait une adhésion
automatique à l'UE dans la perspective de son indépendance.
« L'UE fonctionne sur la base des traités, applicables
seulement dans les États membres qui les ont adoptés et
ratifiés », a
martelé Jose Manuel Barroso. « Si une partie du
territoire d'un État membre cesse de faire partie d'un État pour
devenir un nouvel État indépendant, les traités ne seront plus
d'application dans cette région », a-t-il expliqué.
Bref, n'en déplaise aux conspirationnistes, à l'approche des
référendums annoncés à l'automne en Catalogne et en Écosse, les
"eurocrates", comme ils disent, semblent peu enclins à soutenir les
velléités indépendantistes menaçant l'unité des États européens. Rien
d'étonnant à cela : en dépit de l'accroissement des pouvoirs
du Parlement européen, c'est toujours à ceux-ci qu'ils doivent leur
fauteuil.
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15 mai 2014
Article publié dans L'Action Française 2000
Bien qu'elle nourrisse l'euroscepticisme, la dénonciation du
"déficit démocratique" de l'Union européenne contribue
vraisemblablement au renforcement de sa dimension fédérale.
Les élections européennes du 25 mai prochain seront
les premières organisées sous l'égide du traité de Lisbonne. En
conséquence, à l'issue du scrutin, soixante-quatorze députés, et non
plus soixante-douze, se partageront les prébendes au nom du peuple
français. Par ailleurs, s'il appartiendra toujours aux chefs d'État ou
de gouvernement de l'Union européenne (UE) de s'accorder sur un
candidat à la présidence de la Commission, celui-ci devra être présenté
à la nouvelle assemblée « en tenant compte des
élections ».
Partis transnationaix
Les partis transnationaux n'ont pas manqué de s'engouffrer
dans la brèche juridique ainsi ouverte, désignant leurs propres
candidats à la succession de José Manuel Barroso : l'Allemand
Martin Schulz pour le PSE (Parti socialiste européen), le
Luxembourgeois Jean-Claude Juncker pour le PPE (Parti populaire
européen). Le moment venu, le Conseil européen se laissera-t-il dicter
son choix ? Le cas échéant, un nouveau rééquilibrage
institutionnel sera intervenu au sein de l'Union. Aux dépens des États,
donc, mais au bénéfice de la démocratie.
De fait, l'accroissement régulier des pouvoirs du Parlement
européen répond à la nécessité qu'il y aurait à combler le
« déficit démocratique » dont souffrait l'UE. Les
souverainistes ne sont pas les derniers à dénoncer ce phénomène. Si
« l'élection au suffrage universel du Parlement européen dès
1976 n'a guère comblé ce déficit démocratique », explique le
Front national, par exemple, c'est « surtout parce qu'il
n'existe pas de "peuple européen" », mais aussi « en
raison du faible pouvoir dont cette enceinte dispose ». De là
à réclamer que ceux-ci augmentent encore, il n'y a qu'un pas que le FN
semble franchir à demi-mot.
Ambiguïtés du FN
Alors qu'une vague populiste menace de submerger l'Europe,
d'autres ambiguïtés caractérisent le discours anti-européen du Front
national. Parmi les partenaires étrangers avec lesquels il envisage un
rapprochement figure la Ligue du Nord, selon laquelle l'Union
européenne serait la « propriété des Allemands, des Français
et des grands financiers ». Autrement dit, de l'aveu même de
ses propres amis, Marine Le Pen œuvrerait contre l'influence de
Paris ! Que les sécessionnistes italiens aient tort ou raison,
ce constat illustre, en tout cas, le caractère essentiellement national
des rhétoriques électorales, dont les campagnes européennes sont loin
d'être affranchies.
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18 avril 2014
Quand les partenaires du FN l'accusent implicitement d'œuvrer
contre l'intérêt de la France.
Tout comme leurs prédécesseurs à Matignon et l'Élysée, Manuel
Valls et François Hollande seraient les serviteurs non seulement
dociles, mais zélés, de Berlin et Washington, nous répète-t-on à
longueur de journée.
Cette conviction de souffrir des élites perverses, qui
agiraient délibérément contre l'intérêt de leur propre pays, n'est pas
propre aux souverainistes français. Pour la Ligue du Nord sévissant de
l'autre côté des Alpes, par exemple, « l'Union européenne
serait ainsi la "propriété des Allemands, des Français et des grands
financiers" », comme le rapporte une
note de la Fondation Robert Schuman.
Or, le parti sécessionniste italien figure parmi les
partenaires privilégiés... du Front national.
En toute logique, donc, si la Ligue du Nord accepte de
collaborer avec le FN, c'est précisément dans le but de servir Rome aux
dépens de Paris.
Autrement dit, selon ses propres amis, Marine Le Pen
serait l'incarnation hexagonale du "parti de l'étranger".
CQFD.
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18 avril 2014
À l'approche des élections européennes, Contrepoints
publie une
analyse signée Tmatique à laquelle nous souscrivons dans une
très large mesure. Extraits.
« Quels que soient les avis sur le fonctionnement ou
les attentes de l'Union européenne, le soit-disant diktat de Bruxelles
n'est qu'un fantasme entretenu par des partis politiques qui se servent
de l'ignorance de leurs électeurs pour obtenir les voix qui leur font
défaut dans leur ascension au pouvoir », résume Tmatique. Plus
précisément, « le diktat de Bruxelles n'est qu'un recours à un
responsable imaginaire qui les dédouane de véritables solutions
économiques et politiques pour la France, voire d'un bon diagnostic sur
la situation de la France ».
Par conséquent, « dire "non" à Bruxelles n'est qu'un
raccourci vide de sens qui cache d'autres ambitions ». En
effet, « la présence de ces députés opposés à l'UE n'a jamais
altéré le fonctionnement de l'UE mais elle leur permet de bénéficier
des largesses financières de l'Union européenne ».
De toute façon, « lors de ces élections européennes,
le débat pour ou contre l'UE n'a pas lieu d'être car ce ne sont pas les
députés européens qui peuvent faire sortir un pays de l'UE ».
Autrement dit, « vouloir lier ces élections de députés
européens à des élections législatives en France c'est usurper
l'expression "républicaine" qu'ils défendent, par la remise
en cause de la légitimité des députés nationaux déjà élus ».
En définitive, conclut Tmatique, « voter pour des députés
pique-assiettes c'est une acceptation de l'immobilisme, pas un
rejet ».
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19 décembre 2013
Article publié dans L'Action Française 2000
Les chefs d'État ou de gouvernement de l'Union européenne se
penchent sur la défense. Sans doute nous promettront-ils encore monts
et merveilles, à défaut de construire une Europe militaire
véritablement tangible.
François Hollande croit-il au Père Noël ? L'opération
Sangaris lancée en Centrafrique « ne devrait rien coûter à la
France », a-t-il assuré à l'antenne de France 24,
RFI et TV5 Monde. Les 19 et
20 décembre 2013, le Conseil européen se réunira à Bruxelles.
À l'ordre du jour de ce sommet figure la Politique de sécurité et de
défense commune (PSDC) – une première depuis 2008. À cette occasion,
donc, le chef de l'État proposera que soit créé un fonds susceptible de
financer pareille intervention. « Ce sont toujours les mêmes
qui assurent la défense des autres mais, contrairement aux mercenaires
classiques, rémunérés pour leurs services, ils le font en assumant tous
les coûts, y compris humains », proteste Arnaud Danjean,
président de la sous-commission Sécurité et Défense du Parlement
européen. Ses jérémiades n'y changeront rien. Au contraire :
elle participent d'une arrogance française susceptible d'exaspérer nos
partenaires, déjà indisposés par le fantasme hexagonal d'une "Europe
puissance".
Européisme ingénu
Mme Maria Eleni Koppa, député grec au Parlement
européen, cultive, ingénument, l'européisme inhérent à sa fonction.
« Malheureusement », observe-t-elle avec dépit,
« le manque de confiance et les égoïsmes nationaux continuent
à peser sur l'avenir de la PSDC, et finalement sur la construction
européenne elle-même ». Comment pourrait-il en être
autrement ? Les intérêts des États – ou ceux de leurs
dirigeants – demeurent les moteurs les plus puissants de la politique
internationale – y compris en Europe. De fait, aux yeux de Paris, les
"progrès" de l'Europe militaire se justifient par la nécessité de
« pallier l'insuffisance de certaines capacités
nationales », selon les termes employés à l'automne dernier
par l'amiral Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées (CEMA).
« Au Mali, nous aurions pu agir seuls, mais pas aussi
vite », a-t-il souligné ; « le concours de
moyens de renseignement britanniques et américains a été précieux, et
30 % de nos besoins de transport ont été assurés par nos
partenaires nord-américains et européens ». De son point de
vue, « les initiatives de type European Air Transport Command
(EATC) pour l'aviation de transport doivent être soutenues dans les
domaines où nos insuffisances sont les plus criantes ». Son
fonctionnement « peut être comparé à un
covoiturage », explique l'Hôtel de Brienne :
« Par exemple, lorsqu'un avion français se rend en
Afghanistan, il peut revenir avec des soldats allemands, ce qui évite
un voyage à vide. »
Outre la France, quatre États ont intégré le Commandement
européen du transport aérien (Allemagne, Pays-Bas, Belgique,
Luxembourg), créé en marge de l'Union européenne. Tout comme la Force
de gendarmerie européenne (Eurogendfor) ou l'Organisation conjointe de
coopération en matière d'armement (Occar). D'autres projets devraient
voir le jour prochainement sans requérir l'aval de Bruxelles. Par
exemple, un rapprochement est envisagé entre Paris, Londres, Rome et
Amsterdam, dont les armées mettront chacune en œuvre des drones Reaper
d'origine américaine. La formation des pilotes, voire le "maintien en
condition opérationnelle" (MCO) des appareils, pourraient faire l'objet
d'une mutualisation. À plus long terme, Dassault, EADS et
Finmeccanica pourraient produire un drone en commun. Comme le
rapportent Les Échos, les industriels s'y engageraient
« à la condition non négociable qu'un des trois pays
potentiellement intéressés - Allemagne, France et Italie - assume le
rôle de contractant unique au profit des deux autres, histoire d'éviter
les foires d'empoigne de la plupart des projets européens d'armement
précédents ». Allusion, notamment, aux déboires du programme
A400M.
L'union fait la faiblesse
Selon notre confrère Jean-Dominique Merchet, auteur d'un petit
livre dénonçant « la grande illusion » de la défense
européenne, l'industrie d'armement serait « victime de l'idée
que plus on embarque de partenaires [...], mieux c'est » -
idée dont le seul mérite serait d'être "européenne"... « On
peut faire, demain, des Airbus de la défense dans d'autres
domaines », tempère Christian Mons, président du Conseil des
industries de défense françaises, cité par Nicolas Gros-Verheyde,
animateur du blog Bruxelles 2.
« Mais encore faut-il avoir un marché commun et non des
marchés fragmentés », poursuit-il. « Aujourd'hui, il
n'y a pas une demande unique. Chaque état-major conçoit son besoin, en
fonction de ses impératifs. » Aussi les échafaudages
juridiques seront-ils sans grande incidence sur les coopérations à
venir. « Depuis l'adoption du traité de Lisbonne »,
se désole Arnaud Danjean, « nous nous battons pour que les
instruments qui y sont prévus soient mis en œuvre, avant de passer à
une nouvelle étape. Ainsi la façon dont pourrait se concrétiser la
coopération structurée permanente, prévue par le traité, ne fait même
pas l'objet d'une réflexion ; quant aux groupements tactiques
(battlegroups) qui, eux, existent maintenant physiquement, ils ne sont
jamais utilisés. » L'"Europe de la défense", dans son
acception la plus stricte (la PSDC), peut certes s'enorgueillir de
quelques succès, à commencer par l'opération Atalante luttant contre la
piraterie au large de la Somalie. La France vient d'en reprendre le
commandement, confié le 6 décembre au contre-amiral Bléjean, dont
l'état-major navigue ces jours-ci à bord du Siroco.
À l'origine, cependant, Paris et Madrid ont dû batailler pour
convaincre leurs partenaires européens de l'opportunité d'un tel
engagement. « La prise de conscience au niveau européen est
toujours lente », observe Nicolas Gros-Verheyde.
« Car il y a toujours des pays concernés au premier chef et
d'autres qui le sont moins. Mais la pression des événements joue
souvent en faveur de la mobilisation. »
Changer de perspective
Conscient de ces difficultés, François de Rugy, député Vert de
Loire-Atlantique, se dit « malheureusement assez sceptique sur
la capacité de l'Union européenne à mettre en œuvre une politique de
défense ». En effet, a-t-il expliqué lors d'une discussion en
commission, « la défense pose la question du commandement,
donc de la décision politique, et donc des institutions politiques qui
permettent de prendre des décisions, que ce soit en urgence ou à plus
long terme ». Nous partageons son scepticisme, mais sans en
être malheureux. De notre point de vue, son affliction procède d'une
erreur de perspective. L'"Europe" n'est jamais qu'un instrument parmi
d'autres, ici au service de la sécurité nationale. Si, à titre
personnel, à la différence de souverainistes plus radicaux, nous lui
reconnaissons quelque mérite, c'est sans illusion sur sa portée. Le
16 décembre dernier, alors que les ministres des Affaires
étrangères se réunissaient au siège du Conseil de l'Union européenne,
les militaires travaillant dans le bâtiment auraient été priés de
laisser leur uniforme au vestiaire. C'est dire la considération de l'UE
pour le métier des armes !
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31 octobre 2013
Des conspirationnistes prêtent à Paris et à quelques-uns de
ses partenaires la volonté d'envahir la Grèce.
Voilà que l'Union européenne prépare, paraît-il, l'invasion de
la Grèce ! Cette annonce circule sur la Toile francophone,
apparemment à l'initiative du Comité Valmy, relayé par quelques
souverainistes à la crédulité confondante.
Dans ce tissu d'âneries, il est question de la Force de
gendarmerie européenne (FGE). Également dénommée Eurogendfor, celle-ci
nous est présentée comme « l'armée privée de l'UE ».
Double méprise : d'une part, les effectifs qui lui sont
rattachés ne sont pas des mercenaires, mais des militaires ;
d'autre part, elle a été créée en marge de l'Union européenne, ce que
Mme Élisabeth Guigou avait d'ailleurs regretté lors d'un débat
à l'Assemblée nationale.
« On prépare [...] pour la première fois »
son engagement, rapportent les imbéciles du Comité Valmy. Or, la FGE a
déjà été déployée à trois reprises, en Bosnie-Herzégovine, en
Afghanistan ainsi qu'en Haïti. Au regard de ses missions, force est de
constater qu'elle n'a pas été créé dans le seul but de mater
« des adolescents musulmans immigrés en France »,
n'en déplaise à ces ignares ! Ceux-ci évoquent une
« unité d'intervention spéciale de trois mille
hommes », alors qu'elle ne compte, en réalité, qu'une
trentaine de permanents. « La FGE [...] possède une capacité
initiale de réaction rapide d'environ huit cents personnels sous un
délai de trente jours », précise
l'Hôtel de Brienne. En fait, chaque opération donne lieu à
une "génération de force", sur la base d'un catalogue recensant des
capacités déclarées par les États.
Soucieux de nous révéler le dessous des cartes, nos
conspirationnistes en herbe soutiennent que la Force de gendarmerie
européenne a été « fondée en secret – ni vu, ni
connu ». Dans les colonnes de L'Action Française
2000, nous l'avons pourtant déjà évoquée au moins à trois
reprises (en février
2010, juillet
2010 et mars
2011)... et toujours sur la base de documents officiels.
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5 juillet 2013
Article publié dans L'Action Française 2000
L'Union européenne prévoit d'intensifier ses échanges
commerciaux avec les États-Unis. À cet effet, un traité de
libre-échange transatlantique pourrait être adopté. Aperçu des enjeux
des négociations à venir.
Producteurs et acteurs ont obtenu gain de cause :
"l'exception culturelle" française est sauvegardée. Vendredi
14 juin 2013, après treize heures de débats, les ministres
européens du Commerce ont fini par s'accorder : ils ont défini
le mandat en vertu duquel la Commission européenne négociera, au nom
des Vingt-Huit, un traité de libre-échange avec les États-Unis. Comme
prévu, les services audiovisuels seront exclus des discussions.
Réactionnaire
José Manuel Barroso s'en est ému, jugeant
« totalement réactionnaire » cette aversion pour la
mondialisation. Ce faisant, le président de la Commission européenne a
conforté l'image d'un gouvernement protégeant l'Hexagone des assauts de
la concurrence. Auparavant, Paris n'avait-il pas encouragé Bruxelles à
hausser le ton contre Pékin ? Les Échos
l'avaient annoncé le 13 juin : « Le
protectionnisme progresse partout dans le monde. »
« Sur les douze derniers mois, 431 mesures
protectionnistes ont été mises en place. Et 183 autres sont
programmées. C'est le pire résultat observé depuis le début de la
crise », précise notre confrère Richard Hiault, citant le
rapport annuel de Global Trade Alert.
Cela étant, n'en déplaise à M. Montebourg,
« nous ne sommes pas en crise avec Bruxelles », si
l'on en croit Thierry Repentin, ministre délégué chargé des Affaires
européennes. Son collègue du Redressement productif a beau multiplier
les rodomontades, « ces discussions n'auront pas beaucoup de
répercussions », a-t-il déclaré à nos confrères d'Euractiv.
D'ailleurs, un projet de loi autorisant la ratification d'un accord de
libre-échange entre l'Union européenne et la Corée du Sud vient d'être
présenté en conseil des ministres le 19 juin. C'est dire
combien doivent être relativisées les velléités protectionnistes du
gouvernement.
Avec sa bénédiction, Bruxelles négocie d'ores et déjà des
accords de libre-échange avec la Moldavie, le Japon, le Canada...
Autrement dit, bien que les discussions multilatérales soient enlisées
à l'OMC, le libre-échangisme a toujours la cote. Washington, quant à
lui, négocie en ce sens avec neuf pays de l'Asie pacifique. Ce serait
même sa priorité. « Le risque existe donc pour l'Europe
d'apparaître comme demandeuse et dans ce cas de figure, d'avoir à faire
plus de concessions », s'inquiète Seybah Dagoma, député PS de
Paris.
Monts et merveilles
« La politique commerciale est l'un des principaux
leviers de croissance » dont dispose l'Europe,
affirme-t-elle dans un rapport parlementaire. De fait, Bruxelles promet
monts et merveilles : à la faveur d'un accord transatlantique,
545 euros supplémentaires bénéficieraient chaque année aux
familles européennes, selon une étude commandée par la Commission
européenne. Étant donné la complexité des phénomènes en jeu, la
multiplicité des interactions à l'œuvre, on reste circonspect quant à
la fiabilité de telles prévisions. « Les conséquences
économiques d'un accord de libre-échange transatlantique sont
potentiellement considérables pour les deux partenaires, mais aussi
pour le monde entier », prévient Mme Dagoma.
Les droits de douane sont déjà faibles de part et d'autre de
l'Atlantique, souligne-t-elle dans son rapport, « même s'il
subsiste [...] des "pics tarifaires", voire des restrictions
quantitatives aux échanges ». Dans ces conditions,
explique-t-elle, « la baisse, voire la suppression, des tarifs
douaniers existants ne sont pas l'enjeu principal de la négociation à
venir ». Celle-ci portera plutôt sur la réduction des
barrières non tarifaires : la convergence des règlementations et autres
procédures d'homologation. Cela s'annonce laborieux. « En
pratique, la fragmentation de la compétence normative et la délégation
de l'évaluation de la conformité au secteur privé qui caractérisent le
modèle américain pourraient constituer les obstacles les plus
importants. »
Agriculture
L'agriculture requiert une attention particulière. Pas
seulement en raison des suspicions pesant sur les OGM, le bœuf aux
hormones ou les poulets lavés à l'eau de Javel en provenance des
États-Unis. « Un point majeur de l'accord devrait être
l'occasion d'offrir une reconnaissance et une protection effective de
nos principales indications géographiques » (IG), explique
Éric Adam, dans une analyse publiée sur Telos. « Le marché
américain présente un potentiel d'exportation important, en particulier
pour les fromages et les vins », confirme Seybah Dagoma.
Toutefois, prévient-elle, « ce développement des exportations
ne sera possible que si les usurpations cessent. C'est particulièrement
le cas des produits qui subissent la concurrence des produits dits semi
génériques tolérés aux États-Unis, comme le California
Champagne. » En la matière, des avancées ont récemment été
obtenues en Chine, où les champagnes français ne sont plus confondus
avec d'autres mousseux.
Ces perspectives doivent-elles nous réjouir ?
« Ravi que l'on défende l'exception culturelle »,
Nicolas Dupont-Aignan s'étonne néanmoins que « dans notre
pays, les ouvriers n'aient pas la chance d'être défendus comme les
acteurs ». « J'aimerais que l'on étende le
protectionnisme qui a sauvé le cinéma français au reste de l'économie,
au lieu de se contenter de défendre un pré carré », a-t-il
déclaré lors d'un débat en commission parlementaire. De son point de
vue, « il ne s'agit pas d'aménager cet accord transatlantique,
mais de le combattre ainsi que ses présupposés ». En
filigrane, on devine des équivoques économiques, mais aussi politiques,
voire philosophiques.
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