Eurogendfor attaque la Grèce

31 octobre 2013

Des conspirationnistes prêtent à Paris et à quelques-uns de ses partenaires la volonté d'envahir la Grèce.

Voilà que l'Union européenne prépare, paraît-il, l'invasion de la Grèce ! Cette annonce circule sur la Toile francophone, apparemment à l'initiative du Comité Valmy, relayé par quelques souverainistes à la crédulité confondante.

Dans ce tissu d'âneries, il est question de la Force de gendarmerie européenne (FGE). Également dénommée Eurogendfor, celle-ci nous est présentée comme « l'armée privée de l'UE ». Double méprise : d'une part, les effectifs qui lui sont rattachés ne sont pas des mercenaires, mais des militaires ; d'autre part, elle a été créée en marge de l'Union européenne, ce que Mme Élisabeth Guigou avait d'ailleurs regretté lors d'un débat à l'Assemblée nationale.

« On prépare [...] pour la première fois » son engagement, rapportent les imbéciles du Comité Valmy. Or, la FGE a déjà été déployée à trois reprises, en Bosnie-Herzégovine, en Afghanistan ainsi qu'en Haïti. Au regard de ses missions, force est de constater qu'elle n'a pas été créé dans le seul but de mater « des adolescents musulmans immigrés en France », n'en déplaise à ces ignares ! Ceux-ci évoquent une « unité d'intervention spéciale de trois mille hommes », alors qu'elle ne compte, en réalité, qu'une trentaine de permanents. « La FGE [...] possède une capacité initiale de réaction rapide d'environ huit cents personnels sous un délai de trente jours », précise l'Hôtel de Brienne. En fait, chaque opération donne lieu à une "génération de force", sur la base d'un catalogue recensant des capacités déclarées par les États.

Soucieux de nous révéler le dessous des cartes, nos conspirationnistes en herbe soutiennent que la Force de gendarmerie européenne a été « fondée en secret – ni vu, ni connu ». Dans les colonnes de L'Action Française 2000, nous l'avons pourtant déjà évoquée au moins à trois reprises (en février 2010, juillet 2010 et mars 2011)... et toujours sur la base de documents officiels.

Les Antigones sèment l'inflation

29 octobre 2013

C'est bien connu : sous la coupe de Créon prospèrent des banquiers perfides... Les Antigones se sont choisi un nouvel ennemi, hélas très consensuel.

Quoiqu'elles soient moins affriolantes que leurs homologues venues d'Ukraine, les Antigones nous sont sympathiques, d'autant que leur manifeste était bien tourné. Hélas, depuis leur coup d'éclat au Lavoir moderne, elles se dispersent, voire s'égarent. Les voilà au faîte de l'indignation la plus convenue, maintenant qu'elles s'attaquent à l'économie.

« Danser devant une banque », nous expliquent-elles, « c'est opposer des liens humains aux liens marchands ». Curieuse conception du commerce : jusqu'à présent, jamais nous n'avions pris notre boulanger pour un animal ; ni même notre banquier ou notre assureur – lequel est d'ailleurs un ami, preuve que cette dichotomie s'avère purement rhétorique.

« Depuis 1973 », prétendent les Antigones, « notre pays n'emprunte plus à sa propre banque centrale pour financer l'école de nos enfants, nos hôpitaux, nos routes, payer nos soldats, construire les quelques grands projets que nos dirigeants envisagent encore ». C'est méconnaître la substance de cette loi, dont la portée est largement exagérée à la faveur de quelque exégèse conspirationniste popularisée par le Front national et ses affidés. « Non, notre pays emprunte à des banques privées », poursuivent-elles. « Évidemment pas à taux zéro, mais variant entre 3,5 et 7 %. » Ces temps-ci, c'est beaucoup moins, mais il est vrai qu'une flambée prochaine de l'OAT nous paraît vraisemblable. « Ces intérêts colossaux représentent une grande partie de la dette de notre pays », déplorent les Antigones. Aussi faudrait-il « abroger la loi de 1973 », nous disent-elles, ignorant manifestement que celle-ci l'a déjà été – du moins formellement – il y a vingt ans.

Notre argent sera bientôt « ponctionné, taxé, volé, réquisitionné pour le remboursement de la dette, autrement dit des banques », préviennent encore les Antigones. En réalité, les banques sont loin d'être les seules à souscrire des obligations d'État. Outre les compagnies d'assurance, par l'entremise des fonds de pension, d'humbles retraités figurent parfois parmi leurs détenteurs. De fait, les «  les apparatchiks du système », comme elles disent, arborent de multiples visages.

N'en déplaise aux Antigones, « il n'y a pas de repas gratuit ». Si d'aventure leur "solution miracle" se trouvait mise en œuvre, leur épargne serait également ponctionnée, non par une taxe supplémentaire, mais par l'inflation. À ce propos, rappelons la mise en garde de Jacques Bainville : il n'y a « rien de plus terrible que la liberté donnée à l'État d'imprimer du papier-monnaie », écrivait-il dans L'Action Française du 2 novembre 1925.

Cela étant, nous rejoignons les Antigones quand elles dénoncent la « collectivisation des pertes ». À nos yeux, plus qu'un scandale moral, c'est une aberration économique.

La faute à Schengen

24 octobre 2013

De la mystique souverainiste appliquée à l'immigration.

Dans notre entourage, un camarade s'interroge : « Depuis les accords de Schengen, une des étapes constitutives de "l'Europe" qui fit disparaître tous contrôles aux frontières, comment pourrions-nous efficacement lutter contre l'invasion clandestine ? »

Nous ne saurions lui répondre. À vrai dire, étant donné les différences de niveau de vie observées de part le monde, nous doutons qu'aucune politique puisse annihiler l'immigration clandestine. Parlons du Kosovo, puisque la jeune Leonarda vient d'y être envoyée sous le feu des projecteurs : apparemment, le revenu moyen des habitants y serait quinze fois moindre qu'en France ! Or, l'ancienne province de Serbie n'est pas le plus pauvre État du monde, loin s'en fait. Dans ces conditions, que pèsent les « pompes aspirantes » chères au Front national ? Pour une femme résignée à faire le trottoir en Europe, peut-être la CMU ne sera-t-elle jamais qu'une maigre consolation.

Quoi qu'il en soit, l'immigration clandestine n'est pas un phénomène propre à l'espace Schengen. Le Royaume-Uni a beau s'en tenir à l'écart, il n'en est pas moins confronté au phénomène. En outre, il semblerait que l'écrasante majorité des immigrés clandestins pénètrent dans l'Hexagone en toute légalité. Preuve qu'un rétablissement des contrôles aux frontières suffirait à changer la donne... Comme toujours, l'"Europe" a bon dos.

TSCG : à ratifier sans état d'âme !

7 octobre 2012

Quelques mots sur le Pacte budgétaire européen... et sur ses opposants.

Une opération de communication se conclut ces jours-ci au Parlement, où le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l'Union économique et monétaire (TSCG) est en passe d'être ratifié. Cet accord, intergouvernemental et non communautaire, se résume à l'expression d'un engagement solennel en faveur d'un assainissement progressif des finances publiques - un engagement souscrit à l'intention plus particulière de l'opinion allemande, afin de parer à son aversion pour la "solidarité budgétaire", raison pour laquelle il est censé contribuer à "sauver l'euro".

Ramener les finances publiques à l'équilibre, plutôt que de faire payer aux générations futures non pas les investissements consentis en leur faveur, mais les gaspillages d'un État inutilement dispendieux, voilà un objectif dont la poursuite devrait apparaître impérieuse aux yeux de tous. Hélas, ce serait oublier ces idéologues chaussés de grosses lunettes volontaristes, pas loin de proclamer que l'or pousse sur les arbres, tandis qu'ils exhortent l'État à pointer au guichet de la Banque de France, quitte à plonger la nation dans le chaos monétaire. Que des royalistes appellent à délivrer de nouveaux assignats, voilà une situation tristement ironique. Jacques Bainville nous avait pourtant mis en garde : il n'y a « rien de plus terrible que la liberté donnée à l'État d'imprimer du papier-monnaie », écrivait-il dans L'Action Française du 2 novembre 1925.

En vérité, la France n'a rien à gagner à ratifier ce traité, mais elle aurait tout à perdre à s'y refuser, étant donné qu'elle s'orienterait délibérément vers la banqueroute le cas échéant. D'aucuns s'excitent au motif qu'il appartiendra à la Cour de justice de de l'Union européenne (CJUE) de vérifier qu'une "règle d'or" budgétaire aura bien été introduite dans le droit national. Pas de quoi fouetter un chat : les juges de Luxembourg ne seront pas censés statuer sur le fond. En outre, le traité entretient le flou quant au "déficit structurel" qu'il conviendrait de combler, ainsi que sur les "circonstances exceptionnelles" qui permettraient de se soustraire à cet impératif.

Dans ces conditions, la marge d'appréciation conférée à Paris demeurera des plus large. L'immixtion potentielle du juge national dans un domaine jusqu'alors plus ou moins réservé à la Commission pourrait même jouer à la défaveur de Bruxelles. « On comprend pourquoi l'exécutif européen n'est pas très très enthousiaste sur ce texte », relève notre confrère Nicolas Gros-Verheyde. « Celle-ci garde la main sur le mécanisme de correction. Mais elle pourra aussi devoir rendre des comptes et justifier sa position de façon plus étayée que jusqu'ici... »

Cela, certains ne le voient pas, préférant s'honorer de résister à l'édification d'un État européen dont chaque traité multilatéral négocié sur le Vieux-Continent devrait nécessairement constituer une nouvelle pierre. D'ailleurs, on s'amuse de constater le sérieux avec lequel ils accueillent les propositions européistes les plus fantasmatiques, à l'image de celles formulées tout récemment par le "groupe des onze" : élection du président de la Commission par les citoyens de l'Union, définition d'une politique étrangère commune à la majorité qualifiée, création d'une armée communautaire, etc. Ce projet, c'est une « blague », comme l'a observé Jean-Louis Bourlanges, aujourd'hui (dimanche 7 octobre 2012), à l'antenne de France Culture. Ces élucubrations sans lendemain sont légions. Pour être, avec notre confrère Jean Quatremer qu'ils citent très volontiers, les seuls à ne pas s'en lasser, les souverainistes ont l'outrecuidance de revendiquer le monopole du patriotisme. Voilà précisément ce qui les rend insupportables !

Face à la mondialisation, mobiliser les ambitions

20 avril 2011

Troisième chronique enregistrée pour RFR. SI nous versons délibérément dans la polémique, c'est en toute amitié pour nos camarades, dont la variété des opinions nous chagrine d'autant moins que les options électorales ont toujours été les plus diverses à l'AF.

L'UMPS n'en a plus pour longtemps ! En effet « l'union des patriotes » est en marche. Emporté par la "vague bleu Marine", Paul-Marie Coûteaux s'attèle à sa réalisation afin de constituer « un gouvernement de salut public incluant toutes les forces qui refusent le fatalisme mondialiste ».

C'est, à n'en pas douter, un renfort de poids pour Marine Le Pen. La notoriété du Front national est certes sans commune mesure avec celle du Rassemblement pour l'indépendance de la France. Sauf, peut-être, aux yeux de quelques royalistes (dont nous avons été) qui se sont flattés d'entre-apercevoir grâce à lui les arcanes du pouvoir. Le RIF s'est d'ailleurs enthousiasmé de voir l'AFP faire écho à son appel – preuve que cela n'était pas gagné d'avance. Reconnaissons toutefois qu'en pareille circonstance, nous n'aurions pas boudé notre plaisir.

Sont donc appelés à se rassembler les « patriotes », c'est-à-dire, dans le cas présent,  visiblement, les souverainistes, pourfendeurs de l'Union européenne et des multiples avatars du multilatéralisme (Otan, OMC, etc.). Le terme "patriote" apparaît employé dans une acception pour le moins restrictive, ou plutôt exclusive : quid, par exemple, de nos camarades de l'Alliance royale ? Tout patriotisme leur serait-il étranger ? L'attachement à son pays ne se mesure pas à l'aune des convictions politiques.

La mobilisation des "volontaires patriotes" ne va pas sans quelque connotation révolutionnaire. De fait, le souverainisme cultive une certaine nostalgie du jacobinisme... Cela étant, ayant été formé à l'école d'Action française, nous ne récusons pas le principe du "compromis nationaliste". Reste son objet.

Or, fédérer quelques grincheux contre une Europe méconnue ne suffit pas à tracer un cap. Considérons l'expérience britannique : les Tories ont beau vociférer contre l'Union européenne, ils n'ont pas songé un instant à en claquer la porte depuis leur retour au pouvoir. C'est tout naturel : l'exercice des responsabilités se heurte à des réalités volontiers négligées par l'opposition. A fortiori quand celle-ci est privée de toute culture de gouvernement, à l'image du Front national.

N'en déplaise aux esprits romantiques, l'action politique est loin de se réduire à quelques coups d'éclats annoncés avec fracas. Elle s'inscrit dans un système – par analogie à la mécanique newtonienne. Un système où de multiples forces interviennent. Inertie oblige, on n'en modifie pas l'équilibre d'un claquement de doigts.

Parmi les forces en jeu, il y a les représentations de l'opinion, avec lesquelles interagissent les discours politiques. En la matière, les ressorts exploités par le Front national et ses alliés potentiels sont-ils fondamentalement différents de ceux privilégies par l'UMP ou le Parti socialiste ? À bien y réfléchir, cela n'est pas évident.

Prenons quelques exemples : attribuer directement à l'immigration la responsabilité du chômage, c'est promouvoir la conception malthusienne de l'emploi à l'œuvre dans la réforme des 35 heures ; promettre aux contribuables de nationalité française qu'ils seront les bénéficiaires exclusifs des aides sociales, c'est souscrire aux sollicitations permanentes de l'État-providence ; fustiger le droit d'ingérence, qui sert de prétexte aux opérations militaires, c'est encourager la France à sortir de l'histoire ; enfin, dénoncer la loi du marché, par nature immuable, c'est entretenir les illusions volontaristes  condamnant le politique à sa déchéance.

À ce titre, appeler à lutter contre la mondialisation, voire le mondialisme, nous apparaît significatif. Passer d'un terme à l'autre, c'est laisser entendre qu'un architecte est à l'œuvre dans la construction du "village global". C'est faire beaucoup d'honneur à Jacques Attali ! C'est aussi légitimer la frilosité de la nation confrontée à la nouvelle donne internationale.

Si le PS et l'UMP s'accordent sur un relatif attentisme, alors leurs détracteurs se livrent, somme toute, à des menées défaitistes. Ils pourraient louer le génie de la France, parier sur l'inventivité de son peuple, galvaniser les énergies pour affronter la concurrence des pays émergents. Mais que nous proposent-ils, sinon de bâtir un bunker dont les fondations reposeraient vraisemblablement sur du sable ?

À cette « union des patriotes », la raison comme les sentiments nous font préférer la mobilisation des ambitions – fussent-elles mercantiles ! – afin qu'aux quatre coins du monde soient portées les couleurs de la France.

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Le « crépuscule de l'euro »

1 décembre 2010

La crise des dettes souveraines suscite l'attente d'une "divine surprise". Mais l'enthousiasme des souverainistes appelle selon nous quelques nuances.

Emboîtant le pas a la Revue critique, le Centre royaliste d'Action française ouvre son blog à François Renie, qui annonce le « crépuscule de l'euro ». De fait, la l'éclatement de l'Union économique et monétaire (UEM) n'est plus un tabou. Depuis quelque temps, les analystes se succédant au micro de BFM Radio (devenue BFM Business) évoquent ouvertement cette perspective.

Cela dit, l'auteur a-t-il dressé un tableau fidèle du mécontentement social attisé par la crise et les mesures d'austérité ? Les rues d'Athènes « accueillent toujours les mêmes foules imposantes », affirme-t-il, signalant que « le gouvernement socialiste de M. Papandréou vient de subir un échec aux élections locales ». À l'opposé, Jean Quatremer estime que « les Grecs sont résignés » : « Non seulement les manifestations ne font pas le plein, mais le PASOK, le parti socialiste grec, au pouvoir depuis octobre 2009, vient de remporter haut la main les élections municipales et régionales dont le second tour a eu lieu le 14 novembre. [...] Sur treize régions, huit (dont l'Attique, région la plus peuplée) vont au PASOK qui réussit même l'exploit d'arracher à la droite Athènes et Thessalonique, les deux principales villes du pays. » Certes, l'abstention refléterait la grogne populaire, « mais pas au point de remettre en cause la rigueur ». D'ailleurs, « en Attique, deux candidats (un de droite, un de gauche) ayant mené campagne contre le mémorandum UE-FMI ont été éliminés ». Notre confrère nous aurait-il menti ?

Nous sommes peu enclin à le croire, étant donné le manque de mesure – voire les relatives approximations – dont semble témoigner son détracteur. Selon lui, « la Commission et le directorat européiste de l'Union » auraient annoncé « une prochaine révision des traités européens, dans le sens, naturellement, d'un durcissement des critères de convergence ». Or, le projet de révision, officialisé à l'issue du Conseil européen des 28 et 29 octobre, porte uniquement sur la pérennisation du Fonds européen de stabilisation financière. L'institution d'un "semestre budgétaire", par exemple, s'inscrit dans le cadre du droit primaire existant.

Enfin, bien que l'euro soit plus au moins calqué sur le mark, l'influence de l'Allemagne n'est pas sans limite. Berlin « détient [...] tous les pouvoirs de fait au sein de la BCE », soutient François Renie. Or, Axel A. Weber, le président de la Bundesbank, est entré en conflit ouvert avec Jean-Claude Trichet, après qu'il fut mis en minorité par le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne décidant le rachat de titres obligataires. L'auteur promet encore « une offensive sans précédent de Berlin [...] pour mettre l'ensemble de l'économie européenne sous contrôle », annonçant que la France, « selon son habitude, suivra les injonctions allemandes [sans] broncher ». C'est oublier l'accueil qui fut réservé outre-Rhin au compromis franco-allemand arrêté à Deauville le 18 octobre. « Le gouvernement allemand a spectaculairement échoué dans sa volonté de faire du Pacte de stabilité un nouvel instrument de discipline budgétaire », commentait alors le Financial Times Deutschland. Il est vrai que la stricte automaticité des sanctions a été refusée par Paris. Quant à la suspension des droits de vote au Conseil, elle a été renvoyée aux calendes grecques par le Conseil européen. C'était prévisible et, pour cette raison, le soutien français accordé à cette revendication n'apparaît pas forcément comme un reniement idéologique.

Cela étant, la France est-elle bien inspirée de négocier les marges de manœuvre qui la précipiteront vers la banqueroute ? En pratique, le poids de la dette entrave le pays bien davantage que le carcan juridique européen, qui n'est somme toute qu'un outil dont la pertinence de l'emploi devrait être évaluée en fonction d'objectifs préalablement définis.

PS - Au lieu de cela, on nous propose un vague projet institutionnel, dont l'auteur regrette certes qu'il ne soit pas davantage abouti. Ce serait « une Europe des ingénieurs et des créateurs, des producteurs et des artistes et non plus l'Europe des énarques et des juristes que nous connaissons aujourd'hui ». Comme si l'une était exclusive de l'autre ! Tandis qu'il imagine que l'UE se fonde « sur la chimère d'un "État européen" », l'auteur néglige la multiplicité des coopérations internationales d'ores et déjà mises en œuvre sans l'intervention de Bruxelles. Parmi celles que nous avons croisées récemment figurent la convention Schengen originelle, le Triangle de Weimar, l'Initiative 5 + 5 Défense, Eurogendfor, le Commandement européen de transport aérien (EATC), l'Agence spatiale européenne... Autant de projets échafaudés indépendamment les uns des autres, ce qui rend d'autant plus inconséquentes les incantations en faveur d'une « Europe des nations ».

Humour souverainiste

11 octobre 2010

Une fois n'est pas coutume, le RIF s'engage dans un combat gagné d'avance.

Les souverainistes ne manquent pas d'humour. Las d'accumuler les déconvenues, le Rassemblement pour l'indépendance de la France (RIF) s'est lancé dans un combat gagné d'avance : il appelle à signer une pétition contre l'impôt européen, dont les esprits censés savent bien que l'instauration n'est pas pour demain (voir, par exemple, notre article consacré au « spectre d'un impôt européen »).

« Avec le traité de Lisbonne, l'Union européenne a acquis la personnalité juridique étatique », proclament Jean-Paul Bled, Alain Bournazel, Nicolas Lacave, et Nicolas Smeets. « Elle a donc aujourd'hui la capacité de prélever l'impôt directement, sans passer par les États membres », affirment-ils sans craindre de verser dans la désinformation.

Faut-il le leur rappeler ? La Communauté européenne dispose de la personnalité juridique depuis belle lurette. Quant au traité de Lisbonne, il maintient la définition des ressources de l'Union sous la coupe des États. En effet, selon l'article 311 du TFUE : « Le Conseil, statuant conformément à une procédure législative spéciale, à l'unanimité et après consultation du Parlement européen, adopte une décision fixant les dispositions applicables au système des ressources propres de l'Union. Il est possible, dans ce cadre, d'établir de nouvelles catégories de ressources propres ou d'abroger une catégorie existante. Cette décision n'entre en vigueur qu'après son approbation par les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. » C'est pourtant clair !

Des règles du jeu (2)

16 juillet 2010

Réfutation d'un préjugé souverainiste.

Dans un précédent billet, nous avions ms en doute l'idée, chère aux Manants du Roi, selon laquelle l'ouverture par la France du marché des jeux en ligne procéderait d'un nouveau diktat européen.

Dans un nouvel arrêt rendu le 8 juillet, la Cour de Justice de l'Union européenne a constaté « que des considérations d'ordre culturel, moral ou religieux peuvent justifier des restrictions quant à la libre prestation des services par des opérateurs de jeux de hasard, notamment dans la mesure où il pourrait être considéré comme inacceptable de permettre que des profits privés soient tirés de l'exploitation d'un fléau social ou de la faiblesse des joueurs et de leur infortune. Selon l'échelle des valeurs propre à chacun des États membres et eu égard au pouvoir d'appréciation dont ceux-ci disposent, il est donc loisible à un État membre de limiter l'exploitation des jeux de hasard en confiant celle-ci à des organismes publics ou caritatifs. »

Cela semble pourtant clair !

Coûteaux tacle Debray

1 juillet 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Commentaire du dernier ouvrage de Paul-Marie Coûteaux.

Préfaçant leur réédition, Régis Debray a jugé que les discours de guerre du général De Gaulle – et particulièrement l'appel du 18 juin – n'étaient pas « de ceux qui ont fait l'histoire de ce siècle ». Grâce à leur auteur, tout au plus « l'affaire France » se serait-elle « bien terminée » : « Sortir un jour ou l'autre de l'histoire est un sort banal », conclut Debray. « En sortir par le haut n'était pas donné à tout le monde. Alléluia. »

C'est un véritable blasphème aux yeux de Paul-Marie-Coûteaux. « Vous déraillez », lance-t-il à celui qui fut son « modèle ». « La France reste l'une des cinq ou six premières puissances du monde », rétorque-t-il dans un opuscule publié à son intention. Le chantre du souverainisme y propose une interprétation spirituelle de l'appel du 18 juin, esquissant la thèse qu'il développera dans son prochain ouvrage. « La réalité du jour, en juin 40, c'est le désastre, nul n'en disconvient », reconnaît-il. S'inspirant très librement de Platon, il n'en affirme pas moins que la « vérité » était tout autre, élaborant une dialectique au service de l'espérance.

Avouons-le, notre esprit quelque peu "terre à terre" s'y montre réfractaire. Notre réaction a-t-elle été conditionnée par notre formation à l'école d'AF ? Selon Paul-Marie Coûteaux, en tout cas, son maître « ne vit dans les beaux discours de Londres qu'un déluge de romantisme juvénile... » Loin d'être unanimement rejeté dans nos rangs, le principe gaullien selon lequel « l'intendance suivra » participe lui aussi, selon nous, du déni de réalité. Gardons-nous d'y voir un écho au "Politique d'abord" de Maurras, pour qui « la route doit être prise avant que d'arriver à son point terminus ; la flèche et l'arc seront saisis avant de toucher la cible ; le moyen d'action précédera le centre de destination ». C'est à peu près l'inverse que proclame l'autre Charles.

« La France peut toujours redevenir ce qu'elle fut souvent », poursuit Paul-Marie Coûteaux, à savoir « le caillou glissé dans la chaussure des mastodontes ». Comme en 2003, où Paris se distingua à la tribune des Nations Unies, exaspérant son allié américain sans parvenir – ni même chercher ? – à infléchir sa volonté d'envahir l'Irak. Comme en 2005, où le rejet du traité établissant une constitution pour l'Europe précéda l'adoption du traité de Lisbonne qui en reprenait la plupart des dispositions. Autant de "non" censés prouver « que l'histoire continue » ! Des "non" sans conséquence, dont seuls les amateurs d'esbroufe devraient apprécier la valeur.

La « grandeur » louée par les gaullistes se réduit somme toute à quelques apparats de puissance – notion à laquelle Paul-Marie Coûteaux semble d'ailleurs préférer celle de souveraineté, en dépit de son caractère essentiellement juridique et formel. Il ne craint pas d'inscrire son combat contre l'Union européenne dans la continuité de la Résistance. Une posture de tartuffe ? Celle d'un croisé, émancipé des rigueurs matérielles ! « Dans la fameuse formule "Toute ma vie je me suis fait une certaine idée de la France", le mot essentiel est idée ; elle surplombe toute l'épopée. »  À ce petit jeu-là en effet, tout n'est qu'affaire de foi.

Paul-Marie Coûteaux :  De Gaulle, espérer contre tout - Lettre ouverte à Régis Debray ;  Xenia, 19 juin 2010, 93 pages, 10 euros.

Des règles du jeu

22 juin 2010

L'ouverture par la France du marché des jeux en ligne nourrit de nouvelles critiques à l'encontre de l'UE, où l'on relève quelques approximations.

Faut-il « sortir de l'Union européenne » ? « Oui, plus que jamais ! » proclame Karim Ouchikh, dans un article publié par Les Manants du Roi et repris jeudi dernier, 17 juin, par le Centre royaliste d'Action française. En cause : une affaire « à l’importance toute symbolique » où « les lâchetés se conjuguent », paraît-il, « aux renoncements pour priver la France, là encore, de sa capacité à se gouverner elle-même ».

« L'ouverture du marché des paris et du poker sur Internet ne doit absolument rien au libre arbitre de nos gouvernants », affirme l'auteur – ni à l'évolution des technologies ou des pratiques, passée sous silence. « Depuis plusieurs années, rappelle-t-il, la France fait l'objet de très fortes pressions de la part des autorités de Bruxelles pour libéraliser ce marché prospère et aligner sa réglementation en matière de jeux sur celle de l'Union européenne ».

L'observation s'avère en partie inexacte, étant donné qu'une telle réglementation n'existe pas. C'est l'interprétation du droit primaire (les traités) qui est en cause, « Dans sa décision inédite rendue en 2003 (arrêt Gambelli), poursuit Karim Ouchikh, l'envahissante Cour européenne de Justice s'est clairement prononcée pour la libre prestation des services de jeux d'argent en ligne. » C'est méconnaître la nonce caractérisant parfois la jurisprudence européenne, dont témoigne un arrêt tout récent de la CJUE. Laquelle admet qu'« une restriction à la libre prestation des services [...] peut être justifiée, notamment par des objectifs de protection des consommateurs, de prévention de la fraude et de l'incitation des citoyens à une dépense excessive liée au jeu ainsi que de prévention de troubles à l'ordre social ».

L'UE s'en trouve-t-elle lavée de ses velléités libérales ? Loin s'en faut. Gageons que les souverainetés les plus conséquents finiront par trouver refuge chez Jean-Luc Mélenchon...