Une culture d'influence

15 juillet 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Vilipendé par ses prédécesseurs, Bernard Kouchner s'enorgueillit de réformer l'action culturelle extérieure de l'État, dont les lycées français à l'étranger demeurent un formidable instrument.

Deux anciens ministres des Affaires étrangères – « et non des moindres », de l'avis même du principal intéressé – ont invectivé Bernard Kouchner dans les colonnes du Monde du 6 juillet : « Cessez d'affaiblir le Quai d'Orsay », ont-ils lancé à leur successeur. « Nous sommes inquiets des conséquences pour la France d'un affaiblissement sans précédent de ses réseaux diplomatiques et culturels », ont déclaré Alain Juppé et Hubert Védrine. « Nous restons, et resterons, le deuxième réseau du monde derrière les États-Unis, et loin devant les pays émergents cités par les auteurs de cette tribune », a aussitôt répondu l'accusé, qui ne se résout pas « à idéaliser le passé au point de croire qu'on ne peut pas gagner en efficacité ».

L'Institut français

Cette controverse aura gâché la fête pour Bernard Kouchner, qui célébrait l'adoption par la chambre basse, le 5 juillet, du projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État. « Il s'agit de l'aboutissement de la plus ambitieuse réforme menée par la France dans le domaine de la diplomatie d'influence depuis des décennies », proclame-t-on fièrement au Quai d'Orsay.

La création de l'Institut français en est la mesure phare. « Cet établissement, que devrait présider Xavier Darcos, sera chargé de promouvoir dans le monde notre création artistique, nos industries culturelles, nos idées, notre langue, nos savoirs. Il s'appuiera sur nos cent quarante-trois centres culturels à l'étranger auquel il donnera son nom. Avec lui, la France disposera de la "marque" qui, à l'heure de la mondialisation, faisait défaut à sa diplomatie d'influence. » La loi crée deux autres établissements publics censés rationaliser l'existant : « Campus France sera chargé de promouvoir la mobilité internationale des étudiants et de renforcer l'attractivité de notre enseignement supérieur. France expertise internationale devra renforcer les capacités de notre pays à projeter son expertise dans les pays émergents ou en développement, comme dans les organisations internationales. »

S'exprimant devant les députés le ministre des Affaires étrangères a promis « un effort permanent de mise en cohérence avec le réseau des Alliances françaises ». « Les deux réseaux devront développer les actions communes, rapprocher leur label et rendre leurs cartes parfaitement complémentaires. Nous avons déjà discuté d'un logo commun et avons retenu une proposition. Une convention, la première du genre, sera signée très rapidement entre l'Institut français et les Alliances françaises » – lesquelles contribuent à diffuser la langue de Molière depuis le XIXe siècle.

Un outil irremplaçable

Jusqu'à présent, la "diplomatie d'influence" de la France s'appuyait sur les centres et instituts culturels, les Instituts français de recherche à l'étranger, les services de coopération et d'action culturelle (SCAC) des ambassades, mais aussi son réseau d'enseignement – « un outil d'influence irremplaçable à l'égard des familles du pays d'implantation comme des étrangers tiers, du fait du lien indéfectible ainsi créé avec la France, sa langue, sa culture et ses valeurs », selon Mme Geneviève Colot, auteur d'un rapport sur « le rayonnement de la France par l'enseignement et la culture » enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 12 janvier, Elle y recensait quatre cents soixante et un établissements scolaires répartis dans plus de cent trente pays et appartenant à trois catégories distinctes (homologués, conventionnés et en gestion directe). Plus de 82 000 Français et 91 000 étrangers étaient inscrits dans des établissements en gestion directe ou conventionnés en 2008-2009, le réseau poursuivait son extension.

Un fragile équilibre menacé par la gratuité

Le député s'était toutefois inquiété de « deux faiblesses majeures » : l'entretien du patrimoine immobilier des lycées français à l'étranger, « dont l'État se désengage », et la croissance des charges de personnel – conséquence, notamment, « d'une forme de "normalisation" de la rémunération des personnels employés à l'étranger, qui se traduit par le paiement de cotisations sociales de plus en plus élevées, là encore sans que l'État compense suffisamment ce surcoût aux établissements ». En résumé, Mme Colot pointait la « situation de fragile équilibre dans laquelle se trouve cet ensemble remarquable » : « Il s'en faut de peu que le réseau ne devienne victime de son succès, victime d'un effet de ciseau entre son attractivité croissante. » Laquelle s'accroît à mesure que la scolarité gratuite s'étend à de nouveaux niveaux (au bénéfice des seules familles françaises toutefois). Sans doute faudra-t-il renoncer à cette mesure promise par Nicolas Sarkozy au nom de l'égalité républicaine. 

Un commentaire pour "Une culture d'influence"

  1. Catoneo

    Le 15 juillet 2010 à 17 h 13 min

    La gratuité de la scolarité dans les lycées français de l'étranger n'est pas qu'une question de chiffres. Si cette mesure (réservés aux ressortissants français) a accru les inscriptions, ce qui va dans le but de rechercher du rayonnement pour l'enseignement français, sa suppression aura mécaniquement l'effet inverse.
    Les expatriés, qui dès lors paieront (à nouveau) pour la scolarisation de leurs enfants, réfléchiront à deux fois en comparant les offres tarifées des autres systèmes scolaires et des espaces concurrents qu'ils ouvrent. C'est humain.

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