Star Wars suscite des polémiques rebelles

14 décembre 2016
Article publié dans L'Action Française 2000

Critiqué, avant même sa sortie, par les partisans les plus virulents de Donald Trump, Rogue One – A Star Wars Story semble inspiré par les études de genre et l'apologie de la "diversité".

Alors que Dark Vador vient de faire son retour au cinéma, son ombre plane sur la vie politique américaine. Son nom se trouve régulièrement associé à celui de Donald Trump. Un conseiller du président élu, Steve Bannon, s'est lui-même placé sous son patronage, selon des propos, au demeurant confus, rapportés par le Hollywood Reporter (18 novembre 2016). Cela n'a pas échappé à Christopher Suprundec, grand électeur républicain, qui s'en est offusqué dans le New York Times (5 décembre), tout en annonçant qu'en dépit des usages, il n'accorderait pas sa voix à Donald Trump. C'était quelques jours avant la sortie de Rogue One, le nouveau Star Wars, ce mercredi 14 décembre 2016 en France. « Je n'emmènerai pas mes enfants le voir pour célébrer le mal, mais pour leur montrer que la lumière peut en triompher », a-t-il expliqué. Chris Weitz, coscénariste du film, s'est risqué lui aussi à galvaniser la résistance au trublion républicain. Sur Twitter, le 11 novembre, détournant le logo de l'Alliance rebelle, il lui a associé le slogan suivant : « La Guerre des étoiles contre la haine ». À ses yeux, « l'Empire est une organisation de suprématistes blancs ». À laquelle s'oppose, selon son collègue Gary Whitta, « un groupe multiculturel mené par une femme courageuse » – les héros de Rogue One. Les partisans les plus virulents de Donald Trump, affiliés au mouvement Alt-Right, ne s'y sont pas trompés : ils appellent au boycott du film. Aussi Bob Iger, P-DG de la Walt Disney Company, propriétaire de Lucasfilm, a-t-il tenté d'éteindre l'incendie : « en aucune façon, il ne s'agit d'un film politique », a-t-il déclaré à nos confrères du Hollywood Reporter (12 décembre).

Revendications féministes

Kathleen Kennedy, productrice, présidente de Lucasfilm, n'en revendique pas moins un certain engagement. Tout particulièrement vis-à-vis des femmes : « j'espère que nous avons une influence sur la façon dont elles sont vues tant dans les divertissements que dans l'industrie hollywoodienne », a-t-elle déclaré, comme le rapporte 20 Minutes (5 décembre). Les études de genre semblent avoir influencé l'écriture du rôle principal de Rogue One. Celui-ci n'aurait pas été conçu pour un homme ou pour une femme, au dire du réalisateur, Gareth Edwards ; « Jyn est une personne qui se trouve être une fille », a-t-il expliqué dans un entretien à Vulture (9 décembre). Échafaudant les théories les plus fantaisistes, certains fans s'imaginent d'ailleurs que Rey, l'héroïne du Réveil de la Force (un autre épisode de la saga), serait la réincarnation d'Anakin Skywalker… Quoi qu'il en soit, comme l'explique l'actrice Felicity Jones, il n'était pas question de « sexualiser » le personnage qu'elle incarne. Autrement dit, le bikini de la princesse Leia reste au placard. « On ne voit même pas les bras de Jyn », a-t-elle souligné dans un entretien à Glamour (29 novembre). Faisant la promotion du film, elle n'en a pas moins mis en scène sa féminité sur un plateau de télévision, retirant ses chaussures à talons hauts tandis qu'elle mimait un combat l'opposant à l'animateur Jimmy Fallon (The Tonight Show, NBC, 30 novembre).

Bons sentiments intéressés

Son personnage est le chef de file d'une équipe bigarrée. Diego Luna, un Mexicain, interprète du capitaine Cassian Andor, y voit « un beau message pour le monde dans lequel nous vivons », comme le rapporte Polygon (2 décembre). « La diversité nous enrichit et nous rend plus forts », a-t-il expliqué à The Wrap (5 décembre). Ce discours convenu, plein de bons sentiments, n'exclut par quelque considération plus terre-à-terre. « Nous vivons dans un monde de cinéma globalisé », a souligné Donnie Yen, un Chinois, interprète de Chirrut Îmwe, dans un entretien à Première (12 décembre). Dans les bandes-annonces destinées à l'Empire du Milieu, son personnage est d'ailleurs plus particulièrement mis en avant. Évoquant sur Écran large (12 décembre) « le "multicultularisme" du casting », Jacques-Henry Poucave soutient qu'il est « bien plus motivé par la nécessité pour le film de cartonner partout dans le monde que par la volonté d'attaquer les pauvres petits caucasiens ». Comme l'écrivait Charles Maurras, dans un tout autre contexte, « les idées […] sont toujours le masque des intérêts » (L'Action Française, 8 novembre 1937).

Le droit et la force

7 décembre 2016
Article publié dans L'Action Française 2000

Quelques citations de Charles Maurras, apôtre de la Realpolitik.

La justice internationale s'incarne aujourd'hui dans l'Organisation des Nations unies, la Cour pénale internationale, la Cour européenne des droits de l'homme… Autant d'institutions s'inscrivant à bien des égards dans la continuité de la Société des nations (SDN), établie en 1920 en application du traité de Versailles.

La SDN vue par l'AF

Sa création fut accueillie avec circonspection par l'Action française. « Nous n'avons jamais rien auguré d'excellent de la Société des nations », rappelait Charles Maurras dans L'Action Française du 12 décembre 1937. « Elle pouvait avoir, néanmoins, certains avantages », concédait-il. De son point de vue, « la Société des nations avait un sens tant qu'elle exprimait l'assemblée des nations victorieuses » de la Grande Guerre. Or l'Allemagne y fut admise en 1926, au grand dam du Martégal : « du moment que l'assassin venait trôner au milieu de ses juges », déplorait-il, « sa volonté de ne rien expier et d'échapper à toute vindicte, s'étalait, s'affichait en long et en large, et littéralement s'imposait ».

Les intérêts gouvernent

De fait la SDN, s'avérait bien impuissante à faire régner sa loi : dans L'Action Française du 19 avril 1935, Charles Maurras parlait d'« un fouet tout théorique, idéal et moral » administré aux Allemands. Lesquels s'en plaignaient certes, mais sans vraiment en souffrir selon lui. Il se méfiait de l'invocation de la morale, du droit et plus généralement des idées sur la scène internationale : « les idées y sont toujours le masque des intérêts », écrivait-il dans L'AF du 8 novembre 1937. « La politique étrangère est réglée par de grands intérêts, souvent d'ailleurs assez mobiles ou variables », expliquait-il encore dans dans le numéro du 20 juillet 1943.

En pratique, de toute façon, le droit international ne s'applique que si les rapports de force lui laissent le champ libre. Les Philippines viennent d'en faire l'expérience l'été dernier, à l'occasion d'un différend territorial les opposant à la Chine : bien qu'un tribunal international ait tranché en faveur de Manille, Pékin n'en a cure.

Décryptage d'un impérialisme juridique

2 novembre 2016
Article publié dans L'Action Française 2000

Considérations sur l'extraterritorialité de la législation américaine.

Le nouveau locataire de la Maison-Blanche sera désigné mardi prochain, 8 novembre 2016. Quelle que soit l'issue de cette élection, le Vieux-Continent continuera-t-il de subir la volonté de Washington ? Il apparaît « nécessaire de faire valoir auprès des États-Unis que certaines pratiques sont devenues abusives et que la France ne les acceptera plus », martèle une mission parlementaire présidée par Pierre Lellouche.

Américain par accident

En cause : « l'extraterritorialité de la législation américaine ». BNP-Paribas en a fait les frais voilà deux ans, pour avoir violé des embargos financiers décrétés outre-Atlantique contre Cuba, l'Iran ou le Soudan. Alors qu'Alstom était poursuivi pour corruption, peut-être cette procédure a-t-elle contribué au rachat de sa branche énergie par General Electric. Quant aux Français nés aux États-Unis, américains par accident, l'oncle Sam leur fait les poches ; afin d'échapper à un impôt ubuesque, ils peuvent certes renoncer à la nationalité américaine, mais encore faut-il y mettre le prix : « potentiellement 15 000, voire 20 000 euros », selon Karine Berger, rapporteur.

La fronde du Congrès

Ces exemples sont-ils la traduction d'un impérialisme délibéré ? Comme l'observent les députés, « les États-Unis ont une "politique juridique extérieure", ce qui n'est sans doute pas le cas de la plupart des autres États ». Ils n'en sont pas moins fragilisés par leurs faiblesses institutionnelles : ainsi que le rapporte la mission d'information, « l'un des meilleurs moyens pour le Congrès de bloquer la politique étrangère de l'exécutif [...] est d'adopter des lois qui, par leur portée extraterritoriale, sont de nature à empêcher cette politique d'atteindre ses objectifs » – comme avec l'accord de juillet 2015 sur le nucléaire iranien. Au printemps dernier, Jack Lew, secrétaire au Trésor, s'est lui-même inquiété de ces dérives : « toutes les critiques habituelles en Europe sont présentes dans la bouche du ministre américain », soulignent les parlementaires : « les risques diplomatiques et économiques, l'agacement qui touche même les proches alliés, le risque de remise en cause du rôle du dollar ».

Les autorités américaines « sont prêtes à la coopération internationale si leurs interlocuteurs répriment efficacement et sévèrement la corruption », croient savoir les députés. Il est vrai que « d'après les statistiques de l'OCDE sur la répression de la corruption transnationale, la justice américaine est indéniablement beaucoup plus "activiste" que celles de la plupart des pays européens ». La France semble décidée à changer la donne, comme en témoigne le projet de loi « relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ». Il est question, notamment, d'introduire en droit français un mécanisme de transaction pénale. D'ores et déjà, la collaboration transatlantique se trouve facilitée par le parquet national financier, créé en 2014. Mais quand elles répondent aux sollicitations de la justice américaine, les entreprises françaises sont censées le faire sous le contrôle des autorités nationales, en application de la loi du 26 juillet 1968 (dite « loi de blocage »).

Culture du renseignement

De toute façon, « la mission considère que la seule coopération ne permettra pas de résoudre les problèmes apparus depuis quelques années ». Autrement dit, « un rapport de force doit être instauré ». Ses membres jugent « nécessaire que notre pays dispose en matière de renseignement économique d'outils permettant, sinon d'être "à armes égales" avec les services américains [...], du moins d'être plus crédible ». Or, rapporté au PIB, l'effort de renseignement français serait sept fois moindre que l'effort américain. « Au-delà même de la question de la très grande disparité des moyens [...], les travaux de la mission ont mis en lumière une différence de culture considérable, pour le moment, entre les États-Unis et notre pays », concluent les parlementaires. Il pourrait même « falloir dix ou quinze ans pour parvenir en France au même degré de collaboration et de partage de l'information économique entre services (notamment de renseignement et des grandes administrations économiques et financières) qu'aux États-Unis ». Vaste chantier en perspective.

Les algorithmes au volant

2 novembre 2016
Article publié dans L'Action Française 2000

Demain, les voitures seront autonomes, pilotées par des algorithmes et leur intelligence artificielle.  Cette perspective soulève bien des questions.

Dans les embouteillages ou sur autoroute, le conducteur d'une voiture à la pointe de la technologie (ou du marketing...) peut désormais lâcher le volant. Mais c'est de façon plus discrète, sinon sournoise, que des algorithmes prennent d'ores et déjà les commandes. Comme à bord de la BMW 330e iPerformance, une berline équipée d'un moteur hybride : « la voiture gère [...] la réponse des deux moteurs en fonction du trafic et du profil de la route », rapporte notre confrère Romain Heuillard ; « elle utilisera ainsi le moteur électrique en montée avant une descente dans laquelle elle pourra profiter de la récupération d'énergie », explique-t-il sur Clubic (25 mars 2016).

Objectif 2025

Ce n'est qu'un début. « La révolution va venir par étapes », annonce Carlos Ghosn, président de Renault, dans un entretien au Figaro (6 octobre). « Concernant la voiture sans chauffeur », précise-t-il, « elle n'arrivera probablement pas avant 2025 ». De toute façon, souligne-t-il, « pour que le régulateur franchisse le pas et autorise ces véhicules, il faudra que toutes les conditions soient réunies, notamment en matière de responsabilité ». C'est un défi lancé aux juristes. Voire aux philosophes : en cas d'accident jugé inéluctable, qui faudra-t-il protéger en priorité ? « Clarifier ces questions de droit et d'éthique à long terme demandera un grand débat international », prévient Mercedes, dans un communiqué cité par Numerama (18 octobre) ; selon la marque à l'Étoile, ce serait « le seul moyen de parvenir à un consensus global et de promouvoir l'acceptation des résultats ».

Les constructeurs automobiles travaillent donc à concrétiser la promesse de la voiture autonome. Tout comme les spécialistes du numérique. Ceux-ci finiront-ils par supplanter ceux-là dans le contrôle de leur propre industrie ? Dans l'immédiat, Apple ayant renoncé à construire sa propre voiture, les uns et les autres semblent enclins à poursuivre leurs recherches main dans la main : Renault et Nissan ont annoncé en septembre dernier un partenariat avec Microsoft sur la voiture connectée, prélude à la voiture autonome ; quant à Fiat et Chrysler, par exemple, ils collaborent timidement avec Google. L'économie hexagonale tirera-t-elle quelque bénéfice ce cette révolution ? Nos confrères d'Industrie et Technologies ont recensé par moins de « vingt technologies made in France qui permettent de lâcher le volant ».

Faire comme un homme

Beaucoup d'investissements ont été consacrés au développement des capteurs. Mais « la conduite requiert des capacités cognitives [...] de haut niveau, exigeant en outre un apprentissage », comme l'explique Denis Gingras, professeur à l'université de Sherbrooke au Québec, cité par le Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA, 4 octobre). « Aujourd'hui, les algorithmes vérifient qu'ils ne rencontrent pas d'obstacles prédéfinis : pas de piéton, pas de camion, pas de moto, pas de mur, etc. », souligne Jen-Hsun Huang, directeur général de Nvidia, cité par L'Usine digitale (28 septembre) ; « mais quand on conduit », poursuit-il, « on n'énumère pas de liste de ce genre, on voit juste que la route est libre ». Voilà précisément ce à quoi devront parvenir les intelligences artificielles.

Celles-ci éviteront probablement des accidents aux automobilistes. Mais peut-être les placeront-elles également sous surveillance. Ainsi Tesla a-t-il annoncé que ses voitures autonomes seraient soumises à des conditions d'utilisation : « pas question pour les taxis d'imaginer revendre leur licence pour devenir propriétaire d'une voiture autonome lucrative, qui irait chercher et déposer toute seule les clients », résume Guillaume Champeau sur Numerama (21 octobre). Ce faisant, le constructeur de Palo Alto entend privilégier sa propre plate-forme de covoiturage, faisant concurrence à Uber. Ses clients seront-ils prêts à le tolérer ? C'est possible : parmi les acheteurs de livres numériques, par exemple, beaucoup demeurent fidèles à Amazon en dépit des contraintes que celui-ci leur impose. Quoi qu'il en soit, « le véhicule autonome va bouleverser l'industrie automobile dans son business model », prévient François Jaumain, associé spécialiste des transports chez PWC, cité par le CCFA (27 octobre) ; « le volume des ventes comme indicateur de performance va laisser sa place, peu à peu, aux kilomètres parcourus », annonce-t-il notamment.

Libérer le code source

Peut-être une garantie de transparence dissiperait-elle un certain nombre d'inquiétudes suscitées par l'émergence de la voiture autonome. Dans l'idéal, les intelligences artificielles appelées à la piloter ne devraient-elles pas constituer un "bien commun" ? Au moins devront-elles s'accorder sur un langage commun : conscients de cette nécessiter, Ford et Jaguar-Land Rover travaillent déjà à faire communiquer leurs véhicules. Udacity, une entreprise californienne, cultive une tout autre ambition : voilà qu'après avoir développé un logiciel de conduite autonome, elle va le diffuser en "open source", comme le rapporte Industrie et Technologies (27 octobre). Un exemple à suivre !

Féminisme diplomatique

19 octobre 2016
Article publié dans L'Action Française 2000

Faciliter l'accès à la contraception et à l'avortement dans le monde : tel est l'objectif de la France, qui a présenté une stratégie à cet effet.

L'action extérieure de la France « sur les enjeux de population, de droits et santé sexuels et reproductifs » fait l'objet d'une « stratégie » pour 2016-2020 qui vient d'être présentée le 4 octobre 2016. « Aujourd'hui encore », déplorent Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères et du Développement international, et André Vallini, secrétaire d'État chargé du Développement et de la Francophonie, « plus de trois cent mille femmes dans le monde meurent chaque année de complications liées à la grossesse ou à l'accouchement » ; ce serait même la première cause de mortalité des adolescentes en Afrique. « Il ne s'agit pas seulement de donner accès à des services de planification familiale ou à des produits contraceptifs », expliquent-ils, « mais de soutenir des politiques de développement fondées sur les droits individuels, à travers l'amélioration de la législation et des politiques familiales et l'évolution des normes sociales ».

Priorité donnée à l'Afrique

Huit pays retiennent plus particulièrement l'attention du Quai d'Orsay : Bénin, Côte d'Ivoire, Guinée, Mali, Niger, Sénégal, Tchad et Togo. En 2014, dans un cadre bilatéral, 55 millions d'euros ont été consacrés à la « santé sexuelle et reproductive ». Les sommes transitant via des canaux multilatéraux sont plus importantes : 330 millions d'euros cette année-là. Le ministère des Affaires étrangères (MAE) rapporte, par exemple, que « la France finance des projets au Cameroun, au Sénégal et au Togo qui visent à lutter contre les violences liées au genre en milieu scolaire » ; « ces projets contribuent au déploiement d'environnements scolaires sûrs, inclusifs et propices à l'égalité entre les filles et les garçons », se félicite-t-il, sans autre précision.

Long d'une trentaine de pages, son « rapport de stratégie » s'avère tout aussi indigent quant à l'exposé des motifs susceptibles de légitimer pareille politique. S'agit-il de promouvoir des valeurs ? Le Gouvernement hésite à l'assumer, récusant toute volonté d'« ingérence » ; « garantir des droits sexuels et reproductifs [...] c'est sauver des vies », se justifie-t-il. S'agit-il plutôt de contribuer au développement de l'Afrique ? « La pression démographique qui pèse sur les secteurs sociaux (éducation, emploi, santé) et sur la gestion du foncier (géographie et dynamique du marché agricole) est un facteur d'instabilité (conflits sociaux, migrations internes, insécurité alimentaire) et fragilise la gouvernance des États », souligne effectivement le MAE.

Enjeux démographiques

« La croissance démographique [...] est bien sûr une promesse pour l'avenir, mais aussi un facteur de risque pour la stabilité du continent où la prévalence des grossesses adolescentes est la plus importante du monde », expliquent encore Jean-Marc Ayrault et André Vallini. Cela étant, « plus aucune politique de population ne peut freiner ce qui se passe en Afrique », prévient Dominique Kerouedan, docteur en médecine, titulaire de la chaire "Savoirs contre pauvreté" du Collège de France en 2012-2013. De son point de vue, « l'enjeu est plutôt de se préparer et accompagner les pays à assimiler le passage de un à deux milliards d'habitants sur le continent, dont une immense partie est composée de jeunes ». Bien qu'il prétende le contraire, le Gouvernement « n'a jamais eu aucune action sérieuse ni financement conséquent sur ces sujets », nous a-t-elle affirmé. En définitive, peut-être ce semblant de stratégie contribuera-t-il surtout à rassembler le Gouvernement, sa majorité et ses électeurs dans un combat qui leur est cher...

Le féminisme en voiture

6 octobre 2016
Article publié dans L'Action Française 2000

Femme au volant, mort au tournant ? Une délégation du Sénat s'attaque à ce cliché.

Le Mondial de l'automobile de Paris a ouvert ses portes au public samedi dernier, 1er octobre 2016. Sans Alpine ni Mazda, Volvo ou Ford. Mais toujours en présence de jolies hôtesses. Jean-Claude Girot, commissaire général du salon, l'a pourtant assuré : « s'il est vrai qu'il y a quelques années, il n'y avait que des femmes qui [...] étaient là essentiellement pour la représentation, aujourd'hui ce n'est le plus cas ». Du moins a-t-il tenté d'en convaincre la délégation aux droits des femmes du Sénat.

Statistiques à l'appui

Celle-ci s'est penchée sur l'automobile, y voyant « un enjeu de lutte contre la précarité, d'orientation professionnelle et de déconstruction des stéréotypes », selon l'intitulé du rapport présenté par Chantal Jouanno (UDI-UC) et Christiane Hummel (LR). « Les clichés sexistes associés à l'inaptitude des femmes en matière de conduite sont largement démentis par les statistiques », soulignent-elles. Mais la hantise des discriminations interdit désormais aux assureurs d'en tirer quelque conséquence tarifaire. « La délégation regrette cette évolution qui a pénalisé les jeunes conductrices » ; mais peut-être y contribue-t-elle elle-même...

Constatant la moindre réussite des femmes à l'épreuve pratique du permis de conduire, Chantal Jouanno et Christiane Hummel l'expliquent par « la déstabilisation des jeunes candidates que pourrait entraîner le sexisme » et par « l'impact de l'intériorisation des stéréotypes ». Aussi moniteurs et inspecteurs devraient-ils être formés à les déconstruire, tandis que « des équipes paritaires d'enseignants » devraient voir le jour. Curieusement, aucune mention n'est faite de l'initiative prise à Villefranche-sur-Saône, où les responsables d'une auto-école s'étaient vantés, l'été dernier, de contrevenir aux canons de la mixité...

Aujourd'hui, les trois quarts des femmes ont leur permis en poche, mais cela n'a pas toujours été le cas. Les rapporteurs ne manquent pas de le rappeler : « en 1967, les femmes ne sont encore que 22 % à conduire, soit trois fois moins que les hommes » ; « il faut attendre 1981 pour qu'une femme sur deux détienne le permis de conduire, et 2007 pour que cela soit le cas de près de 75 % d'entre elles ». Sans surprise, la délégation du Sénat met en cause « la crainte des hommes de voir les femmes s'émanciper et échapper à la sphère privée par le biais de l'automobile, qui symbolise à ses débuts le désir de vitesse, de réduction des espaces et la connaissance de nouveaux horizons ». Une crainte qui prit parfois l'apparence d'une bienveillance suspecte.

Relecture de l'Histoire

Dans cette perspective, l'Histoire apparaît d'autant plus perverse que l'accès à la conduite ne fut concédé aux femmes que pour les maintenir asservies : « les trajets des femmes sont plus courts, plus segmentés et plus fréquents » ; « le travail domestique y joue un rôle prépondérant », déplorent Chantal Jouanno et Christiane Hummel. Celles-ci relèvent qu'« une polémique durable a eu lieu sur le genre du substantif "automobile" : masculin entre 1905 et 1920, et féminin seulement après 1920 sur prescription de l'Académie française ». Elles y voient un « élément révélateur de la volonté d'exclure les femmes du monde automobile ». La relecture de l'historie via le prisme de la "guerre des sexes" se prête manifestement aux interprétations les plus hardies.

NB – En illustration, une publicité comme on n'en fait plus !

Faire un islam bien français

14 septembre 2016

Soucieux de "franciser" l'islam, le Gouvernement va créer une nouvelle fondation. Cette expérience sera-t-elle plus fructueuse que les précédentes ?

La France « s'enorgueillit que l'islam soit la deuxième religion du pays ». Du moins le Premier ministre, Manuel Valls, l'a-t-il prétendu dans les colonnes du Huffington Post (5 septembre 2016). Cette religion n'en demeure pas moins étrangère à la nation aux yeux des pouvoirs publics : dans un entretien à La Croix (28 août 2016), Bernard Cazeneuve n'a-t-il pas exprimé sa volonté de « réussir la construction d'un islam de France » ? Cela « dans le respect des valeurs de la République », ce qui rend la tâche d'autant plus ardue... « C'est une cause nationale », martèle Jean-Pierre Chevènement. C'est à lui qu'il appartiendra de présider la Fondation pour l'islam de France, créée à cet effet.

Un aveuglement sidérant

À l'automne 1999, alors qu'il était ministre de l'Intérieur et jetait les bases du Conseil français du Culte musulman (CFCM), il semblait faire preuve d'humilité : « le temps est passé où l'État pouvait, en une telle matière, dicter sa volonté », avait-il reconnu. Dans un rapport d'information (5 juillet 2016), les sénateurs Nathalie Goulet et André Reichardt se montrent dubitatifs quant à la capacité de l'État à façonner l'islam. D'autant qu'il pourrait être tenté de choisir des interlocuteurs adhérant à sa propre conception de l'islam, cela « au risque de conforter une illusion ».

Il est vrai que les pouvoirs publics n'ont pas toujours fait preuve d'une grande clairvoyance – c'est le moins que l'on puisse dire. Comme le rappelait Solenne Jouanneau, maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Strasbourg, dans un entretien à La Vie des idées (26 mai 2015), « dans les années 1970, Paul Dijoud, secrétaire d'État aux travailleurs immigrés, considérait même qu'il existait un intérêt à favoriser le maintien de la pratique religieuse chez les étrangers, celle-ci étant de nature à favoriser le retour de ces derniers ». Par ailleurs, comme le soulignent les rapporteurs du Sénat, « jusqu'à la fin des années 1980, l'État français abordait ses relations avec la "communauté musulmane" à travers le prisme des pays d'origine de la plupart des musulmans vivant dans notre pays ».

Dans les années quatre-vingt-dix, cependant, l'État entreprit de « donner un "visage" à l'Islam de France ». Il se tourna d'abord vers la Grande Mosquée de Paris, à laquelle il accorda, quelque temps durant, le monopole du contrôle des abattages rituels. Mais il fit preuve « d'inconstance au gré des changements de ministre de l'intérieur ». De ces tâtonnements émergea finalement le CFCM. Lequel apparaît, aux yeux des parlementaires, « comme le champ des luttes d'influence qui se jouent entre les fédérations et, à travers elles, plusieurs pays étrangers ». Sa légitimité s'avère très contestée : parmi les représentants d'associations musulmanes auditionnés par Nathalie Goulet et André Reichardt, « plusieurs d'entre eux ont opposé les "bledards"en situation de responsabilité dans les instances dirigeantes des fédérations musulmanes aux musulmans nés en France, développant leurs actions par des structures de terrain ».

Un produit de l'intégration

Les temps changent. « Avant les années 1990 », par exemple, « les boucheries halal étaient rares », rappelle Florence Bergeaud-Blackle, anthropologue, dans un entretien au Point (31 août 2016). « Certains musulmans fréquentaient les boucheries casher », explique-t-elle ; « d'autres abattaient à la ferme, mais d'autres encore, et on a tendance à l'oublier, considéraient également comme licite la viande des boucheries conventionnelles ». Autrement dit, l'islam d'aujourd'hui n'est plus celui d'hier. Il est le produit paradoxal d'une certaine intégration. « L'islam qui est pratiqué en France est un islam profondément français », affirme même Solenne Jouanneau. « Car l'islam pratiqué en France n'est pas un islam hors sol », explique-elle ; « il se nourrit de la confrontation des musulmans aux structures juridiques, socio-culturelles, politiques de la société française ». Pour le meilleur ou pour le pire : n'est-il pas question, ces jours-ci, du dévoiement, au profit du terrorisme islamiste, du féminisme occidental ?

NB – Il s'agit d'une version légèrement plus longue de l'article publié dans L'Action Française 2000.

Le pari sportif du Quai d'Orsay

3 août 2016
Article publié dans L'Action Française 2000

La dimension politique du sport est régulièrement soulignée à l'occasion des Jeux olympiques. Cependant, les diplomates lui portent un intérêt croissant.

Vendredi prochain, 5 août 2016, s'ouvriront au Brésil les XXXIe Jeux olympiques de l'ère moderne. Entre 2010 et 2020, la plupart des grandes manifestations sportives se seront tenues dans des pays dits "émergents" – dix sur treize, selon le décompte proposé par les députés Valérie Fourneyron (PS) et François Rochebloine (UDI) dans un rapport enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 8 juin 2016. Faut-il s'en étonner ? Comme le remarque Valérie Fourneyron, « le sport est un révélateur de la marche du monde » ; « il permet aux États de se mettre en scène ». De son point de vue, les Jeux de Sotchi, organisés en Russie à l'hiver 2014, s'inscrivaient dans la « diplomatie des muscles » mise en œuvre par Vladimir Poutine. Quant aux États-Unis, qui traquent la corruption dans les instances internationales du sport, ils lui semblent « fidèles en cela à leur idéologie de la "destinée manifeste", mélange de doctrine interventionniste, de volonté de se poser en justiciers du monde et de diffuser un modèle de démocratie libérale ». Le Qatar n'est pas en reste : « le sport accompagne une politique de diversification d'investissements en apportant une dimension de prestige essentielle aux ambitions de l'Émirat », observe-t-elle avec François Rochebloine.

Un catalyseur de changements

Les États ou les villes qui accueillent de tels événements en attendent des retombées économiques. Cela « malgré des chiffrages épars » dont les rapporteurs jugent la fiabilité « inégale ». Attention aux déconvenues : « il n'y a pas eu à Londres plus de touristes lors des Jeux de 2012 qu'en temps ordinaire », soulignent les députés. Cela étant, « c'est dans une dynamique de long terme que l'impact touristique doit être appréhendé ». Tout comme la construction des infrastructures. À ce titre, « Barcelone est devenue le modèle de régénération urbaine réussie grâce aux Jeux, avant d'être détrônée par Londres vingt ans plus tard ». Ainsi les JO de 2012 ont-ils été « utilisés à des fins de développement territorial de l'Est londonien, déshérité ». La construction du stade de France, à l'approche de la Coupe du monde de football de 1998, s'est elle-même inscrite dans le développement plus général de la plaine Saint-Denis. En résumé, « les grandes compétitions internationales constituent des catalyseurs de changements pour une ville, un territoire ; et à plus grande échelle, pour un pays ».

Des opportunités à saisir

Bien des opportunités sont à saisir. S'agissant du Japon, par exemple, « il est notable que si Paris devait être sélectionné pour accueillir les Jeux en 2024, l'intérêt se trouverait accru de construire des partenariats avec des entreprises françaises » ; dans cette perspective, préviennent les rapporteurs, « il convient d'entretenir la dynamique actuelle en capitalisant sur l'image du charismatique entraîneur de la sélection nationale de football Vahid Halilhodzik (ancien joueur du FC Nantes, ancien entraineur du PSG) et en systématisant les invitations de hautes personnalités japonaises aux grandes manifestations sportives organisées en France ». En Amérique latine, « le sport est un excellent point d'entrée, parce qu'il est populaire, outil de cohésion sociale et que les sports par lesquels il est possible de développer une diplomatie d'influence sont assez peu ou pas pratiqués aux États-Unis (football, rugby notamment) ou plus européens qu'américains (cyclisme) » ; « ce raisonnement vaut aussi pour le handball en Afrique », précisent les députés. Selon eux, il s'agit aussi d'« atteindre les cœurs et les esprits des populations sans mettre en jeu l'État (concept de "public diplomacy") ».

Ambassadeur pour le sport

La France saura-t-elle y parvenir ? Le ministère des Affaires étrangères et du Développement international (MAEDI) « a clairement intégré le sport comme un vecteur d'influence potentiellement intéressant », se félicitent les rapporteurs. Un ambassadeur pour le sport a même été nommé en 2013. Mais les ressources mises à sa disposition semblent dérisoires : « La ligne budgétaire est de l'ordre de 8 000 euros de voyages annuels ! » La situation demeure « brouillonne », comme en témoigne la préparation de l'Euro 2016, où « des tiraillements sont apparus entre le MAEDI qui assure le pilotage politique et le ministère de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique qui détient les moyens ». Rattachée aujourd'hui au ministère des Sports, la Délégation interministérielle aux grands événements sportifs (DIGES) devrait être placée auprès du Premier ministre, selon les recommandations des députés : ce serait « une des clés de l'amélioration du dispositif national, que tout le monde décrit comme éclaté et illisible ».

Apprendre à jouer collectif

Il faut « que les acteurs publics soient rassemblés et entraînent les acteurs non étatiques pour former une véritable "équipe France" », martèlent les rapporteurs. À l'exception notable de celles réunies dans le "Cluster Montagne", nos entreprises « ne jouent pas toujours "collectif" » déplorent-ils. Or, « la diplomatie sportive française ne peut exister sans parvenir à susciter cette alchimie qui existe spontanément dans certains pays malgré la concurrence commerciale ». Selon les parlementaires, il « revient à l'État de structurer et rassembler les acteurs », comme il s'y essaie au Japon, « un pays laboratoire pour la diplomatie économique française en matière de sport ».

Puissance et influence

L'« État stratège » cher au Front national sera-t-il édifié sous la houlette d'un gouvernement socialiste ? Sans doute Valérie Fourneyron et François Rochebloine partagent-ils avec Marine Le Pen une certaine bienveillance à l'égard de de l'intervention publique : « les résultats sont beaucoup plus facilement au rendez-vous quand l'État est à la manette », écrivent-ils notamment. Cependant, dans le cas présent, il ne s'agit pas de protéger les entreprises françaises exposées à la concurrence étrangère, mais de les accompagner dans la compétition internationale. Les rapporteurs disent avoir mené un « travail de pédagogie sur le concept de puissance telle qu'elle s'exerce aujourd'hui dans le monde ». Selon Valérie Fourneyron, précisément, « la puissance de la France au XXIe siècle résultera de la conjugaison intelligente des différents leviers de l'influence ». Incidemment, loin de combattre la mondialisation, elle propose de mieux y intégrer la France.

Cartes postales – Le 24 juillet 2016 s'est achevée la cent-troisième édition du Tour de France. Dans leur rapport évoqué ci-dessus, les députés Valérie Fourneyron et François Rochebloine proposent un vibrant éloge de cette compétition. Il y voient « un monument du sport mondial et un ambassadeur de la France à l'étranger ». Le Tour de France est diffusé dans cent-quatre-vingt-douze pays, précisent-ils ; « c'est la troisième diffusion audiovisuelle mondiale » ! « Au-delà du spectacle sportif », se félicitent les parlementaires, « le Tour de France assume un rôle de promotion de la France, de son patrimoine et de ses régions, de la beauté et de la diversité des paysages français » ; en effet, « ce sont chaque jour des cartes postales de la France qui passent sur des millions d'écrans ».

Euro radin – Alors que la France accueillait l'Euro 2016 de football, l'État a acheté vingt mille places « à vocation sociale ». Cela « sans rabais », déplorent les députés Valérie Fourneyron et François Rochebloine. Les pouvoirs publics auraient bénéficié de quatre-vingts places gratuites. Un nombre très insuffisant aux yeux des parlementaires. C'est « inacceptable », écrivent-ils dans leur rapport.

Lectures d'été – À l'approche des Jeux olympiques, « les enjeux du sport » – « économie, géopolitique, société, identité » – sont à la une de la revue Conflits (n° 10, été 2016, 9,90 euros). On y trouve notamment un entretien avec Pascal Boniface, auteur du livre JO politiques – Sport et relations internationales, paru en juin dernier (éditions Eyrolles, 202 pages, 16 euros). C'est aussi l'occasion de relire les Lettres des Jeux olympiques de Charles Maurras, préfacées par Axel Tisserand, publiées en poche en 2004 (éditions Flammarion, 183 pages, 8,90 euros).

Détricoter la Toile islamiste

3 août 2016
Article publié dans L'Action Française 2000

Facebook et Twitter sont pointés du doigt tandis que leurs services sont mis à profit par les propagandistes islamistes.

Tandis que se multiplient les attentats terroristes, certains de nos confrères ont annoncé qu'ils ne diffuseraient plus ni les noms, ni les photographies des islamistes responsables de ces forfaits. Les députés Marine Brenier (LR) et Meyer Habib (UDI) ont même déposé une proposition de loi afin d'y contraindre tous les médias. De leur point de vue, « refuser un nom et un visage aux terroristes, c'est leur refuser la victoire » ; « il faut cesser d'entretenir le phénomène malsain de starification des criminels », ont-ils expliqué, soulignant toutefois que cela n'empêcherait pas « d'accomplir un véritable travail d'enquête et de fond sur les profils des terroristes ». Dans les colonnes du Monde, Patrick Eveno, président de l'Observatoire de la déontologie de l'information, s'étonne que « des élus garants des libertés fondamentales se rallient à cette demande de censure, quand ils ne la suscitent pas » ; de toute façon, cela lui semble « illusoire au temps des réseaux sociaux ».

Des blocages administratifs sans conséquence

Dans un rapport enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 13 juillet dernier (2016), Kader Arif, député (PS) de la Haute-Garonne, déplore, à ce propos, « la facilité avec laquelle il a pu accéder en quelques clics aux publications françaises de Daech ». « Chaque jour », précise-t-il, « trois nouvelles vidéos rattachées à Daech sur des réseaux comme Facebook ou Youtube sont diffusées, leur publicité étant assurée notamment sur Twitter ». Un « djihadiste facilitateur » affirme d'ailleurs qu'il « attrape partout sur Facebook » !

En réaction, les pouvoirs publics ordonnent des blocages administratifs, en application de la loi du 13 novembre 2014. Avec un résultat mitigé : « en plus des nombreuses possibilités de contournement des blocages, les sites terroristes effectivement bloqués ne sont en fait pas du tout visités », observe le rapporteur ; de mars à décembre 2015, moins de cinq cents tentatives de connexion auraient ainsi été mises en échec. Comme le rappelle Kader Arif, la loi du 24 juillet 2015 prévoit, quant à elle, la mise en place de « dispositifs techniques d'interception automatique visant à repérer au sein du flux massif de données de communications les métadonnées identifiant des comportements suspects en matière de terrorisme ». Or, déplore-t-il, « les plateformes semblent très réticentes envers le développement de tels outils, estimant qu'il est difficile de qualifier en amont des contenus terroristes et qu'une contextualisation du contenu est nécessaire ».

D'un contexte à l'autre

Selon le contexte, en effet, un même contenu pourra être diffusé à des fins d'apologie ou de dénonciation. « Il est ainsi mentionné dans les conditions générales d'utilisation de certains de ces réseaux sociaux, que les contenus apologétiques en matière de terrorisme ou de violences ne peuvent être retirés que lorsqu'ils ne sont pas accompagnés d'un commentaire de l'auteur de la publication désapprouvant formellement ces contenus » ; faut-il le regretter avec le rapporteur ? Tous les contributeurs de la "réinfosphère" ne partagent pas son avis. En février dernier, la mésaventure de l'abbé Guy Pagès y avait suscité l'indignation : prétendant lutter contre l'islam à la lumière des atrocités commises en son nom, ce prêtre avait mis en ligne des images insoutenables, si bien que les serveurs hébergeant son site Internet avaient été saisis ; cela « sous les auspices des nouvelles dispositions légales relatives à la lutte contre le terrorisme », si l'on en croit son témoignage rapporté par Riposte laïque.

En tout cas, aux yeux du rapporteur, il apparaît « nécessaire de renforcer le contrôle sur les réseaux sociaux, qui [...] ne jouent pas toujours le jeu ». En février, Twitter a révélé qu'il avait suspendu cent vingt-cinq mille comptes depuis le milieu de l'année dernière. Il emploierait à cet effet une centaine de personnes. C'est « extrêmement peu compte tenu le volume de contenus et de signalements des utilisateurs », dénonce Kader Arif. Selon lui, « ce manque de moyens humains peut expliquer qu'une vidéo comme celle revendiquant les meurtres de Magnanville le 14 juin 2016, postée sur Facebook Live en direct, n'ait été [...] retirée de Facebook que onze heures après sa diffusion ».

Censure pudibonde

Ce manque de réactivité peut sembler trancher avec la fermeté qu'observe Facebook à l'égard des utilisateurs coupables de braver le puritanisme américain. Les Femen en ont déjà fait les frais, par exemple, tous comme leurs détracteurs accompagnant d'une illustration sans floutage ni artifice la dénonciation de leurs manifestations "topless". La censure d'une reproduction de L'Origine du monde, le célèbre tableau de Gustave Courbet, a même suscité une bataille judiciaire dont l'un des enjeux a été de déterminer si les institutions françaises étaient compétentes pour juger Facebook. Cela renvoie à « la nature même des outils numériques, c'est-à-dire leur caractère transnational », que ne manque pas de souligner le rapporteur. Selon lui, « la coopération internationale doit donc être accrue sur ces sujets », en premier lieu au niveau européen, « afin d'éviter de donner la possibilité aux acteurs de jouer entre les différents pays pour se protéger des blocages techniques mis en œuvre localement ».

Mais si Facebook et Twitter sont aujourd'hui des outils fondamentaux de la propagande djihadiste, cela n'a pas toujours été le cas, comme le rappelle Marc Hecker, chercheur au Centre des études de sécurité de l'Ifri (Institut français des relations internationales) : « Nombre de djihadistes se montrent méfiants à l'égard des grands réseaux sociaux, créés aux États-Unis et soupçonnés par les radicaux d'être mités aux services de renseignement américains. La donne change réellement à partir de 2012, année où le djihad en Syrie commence à attirer un flux important de volontaires étrangers. Parmi eux se trouvent des centaines puis des milliers de jeunes occidentaux, habitués à utiliser Facebook, Twitter et Youtube. » McDonald's finira-t-il par ouvrir un restaurant dans les territoires conquis par l'État islamique ? Ironie mise à part, l'islamisme apparaît à bien des égards comme un produit typique de la mondialisation.

Face à Bruxelles, la France se rebiffe

20 juillet 2016
Article publié dans L'Action Française 2000

L'Europe communautaire et sa politique commerciale n'ont pas la cote. Sans les remettre radicalement en cause, le Gouvernement en tient compte et infléchit son discours.

Le référendum en faveur du Brexit annonce-t-il le détricotage de l'Union européenne (UE) ? Dans l'immédiat, tenant compte de la défiance qu'elle inspire, le Gouvernement français s'est manifestement décidé à infléchir son discours, sinon sa politique. « Quand l'Europe n'est pas le bon niveau de décision, alors elle doit s'effacer, et laisser les États décider », a ainsi déclaré Manuel Valls, devant quelque deux cents militants socialistes réunis à Belleville-sur-Mer le 26 juin, comme le rapporte Euractiv. Dans ce contexte, la politique commerciale, censée relever de la compétence exclusive de l'UE, s'avère particulièrement exposée aux critiques. Sans doute la hantise des poulets américains traités au chlore n'aura-t-elle rien arrangé... Au point où en sont les discussions, « il ne peut pas y avoir d'accord de traité transatlantique », a même prévenu le Premier ministre.

Accord avec le Canada

Un "Accord économique et commercial global" (AECG ou CETA) n'en a pas moins été conclu dernièrement avec le Canada. Sa version définitive a été validé le 13 mai par le Conseil européen des chefs d'État ou de gouvernement, plus de neuf ans après l'ouverture des discussions. Paris a salué « un accord ambitieux, équilibré et mutuellement bénéfique ». D'autant que « le Gouvernement de Justin Trudeau s'est rallié à la proposition européenne de Cour de justice des investissements ». « Porté par la France, ce nouveau dispositif rompt définitivement avec l'ancien système d'arbitrage privé », s'est félicité le Quai d'Orsay. Matthias Fekl, secrétaire d'État chargé du Commerce extérieur, de la promotion du Tourisme et des Français de l'étranger, en a fait la promotion devant ses homologues du G20 le 10 juillet ; ce dispositif aurait « vocation, à terme, à devenir une cour multilatérale des investissements », explique le ministère des Affaires étrangères.

La mixité controversée

Chacun des États membres de l'Union européenne devra ratifier l'accord conclu avec le Canada. Pourtant, « sur le plan juridique, seule l'UE est compétente sur les domaines couverts par l'accord CETA », si l'on en croit la Suédoise Cécilia Malmström, commissaire européen au Commerce. Bruxelles se serait résigné à le considérer comme un accord "mixte" sous la pression de Paris et Berlin. C'est d'autant plus remarquable que l'accord d'association avec l'UKraine s'était heurté, en avril dernier, à l'écueil d'un référendum consultatif organisé aux Pays-Bas... « Si nous ne sommes pas capables de ratifier l'AECG, à l'avenir, avec qui pourrons-nous négocier ? », s'inquiète un fonctionnaire européen, cité par Les Échos ; « ce serait la fin de la politique commerciale unique », prévient-il. « Ce qui se joue, c'est le maintien de la compétence de la Commission en matière de commerce », confirme la Néerlandaise Marietje Schaake, député au Parlement européen ; or, poursuit-elle, « si cela lui échappait, chaque pays européen serait amené à négocier des accords commerciaux de son côté et c'en serait alors fini du marché commun ». Lequel constitue le principal pilier de l'Union européenne...

De toute façon, « la France s'était engagée à ce que le Parlement ait le dernier mot », a rappelé Matthias Fekl. « Les parlementaires français auront donc à se prononcer par un vote sur la ratification ou non du CETA », s'est-il félicité. De son point de vue, « c'est une question de principe essentielle pour assurer l'adhésion des citoyens européens aux politiques commerciales conduites en leur nom ». Le cas échéant, pourquoi s'abrite-il encore une fois derrière Bruxelles ? Rien n'interdirait au Gouvernement de solliciter l'avis du Parlement à l'approche des réunions du Conseil des ministre de l'UE, où les textes européens sont soumis à son approbation ; au Danemark et en Finlande, par exemple, il en a même l'obligation ! Quoi qu'il en soit, force est de le constater : sous la pression populiste, on dirait bien que l'Europe communautaire recule à petits pas.

NB – Le Parlement français n'est pas le seul à tenter de faire entendre sa voix au niveau européen. Dans le cadre du débat sur le travail détaché, les Parlements de onze États  (Danemark, Bulgarie, Hongrie, Croatie, République tchèque, Pologne, Estonie, Roumanie, Lituanie, Lettonie et Slovaquie) ont adressé un "carton jaune" à la Commission. Une première depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Comme le rappelle Euractiv, « cette procédure, instaurée par le traité de Lisbonne, permet aux parlements  d'un pays de contester la compétence de l'UE sur un projet législatif européen ». Cependant, dans le cas présent, il s'agit de défendre une position vraisemblablement opposée à celle de Paris.