L'île Tromelin en sursis

5 février 2017
Article publié dans L'Action Française 2000

La ratification de l'accord de cogestion conclu entre Paris et Port-Louis est encore une fois reportée. Cependant, cela ne saurait garantir le respect de la souveraineté française outre-mer.

L'île Tromelin, située dans l'océan Indien, s'étend sur une petit kilomètre carré. Mais l'espace maritime qui lui est associé recouvre 280 000 kilomètres carrés – « une surface équivalente aux eaux métropolitaines sous juridiction française », souligne Gilbert Le Bris, député du Finistère, dans un entretien accordé au Fauteuil de Colbert. Cela traduit, à ses yeux, toute l'importance de ce territoire rattaché aux Terres australes et antarctiques françaises. Le mois dernier, il a orchestré la fronde faisant échec, une nouvelle fois, à la ratification d'un accord en application duquel la France et l'île Maurice en assureraient la cogestion.

Délicate police des pêches

Le Front national tout comme le Medef – entre autres – se sont réjouis de la reculade du Gouvernement. Mais qu'en est-il de Port-Louis ? Étonnamment, alors que ce traité a été signé en juin 2010, il n'en aurait toujours pas lancé la ratification, selon notre confrère Fabien Piliu, collaborateur de La Tribune. Cependant, il n'est pas indifférent au sort de Tromelin. Bien au contraire : il en revendique la souveraineté et prétend même octroyer des permis de pêche à ce titre. De fait, « le contrôle de cette zone a déjà fait l'objet de plusieurs frictions entre la France et la République de Maurice », comme le rapporte dans Les Échos notre consœur Justine Babin ; « notamment en 2004 lorsque deux navires de pêche japonais y furent arraisonnés après que les autorités françaises avaient découvert qu'ils disposaient de permis de pêches accordés par l'île Maurice ».

Il semblerait toutefois que Paris peine à se faire respecter. Selon Fabien Piliu, « les recours contre les thoniers étant longs, coûteux et administrativement compliqués, ils ne sont que rarement punis » ; c'est pourquoi, poursuit-il, « une cogestion de ces ressources avec la France pourrait permettre de résoudre ce problème de pillage […] sans perdre la main sur les ressources potentielles en pétrole et en gaz ». Autrement dit, à travers cet accord, peut-être Paris espère-t-il sauvegarder une souveraineté en passe de devenir fantoche… Au passage, notre confrère rappelle qu'« un accord autorise déjà les Mexicains à pêcher une certaine quantité de poissons dans la ZEE de Clipperton ».

Quoi qu'il en soit, prévient Gilbert Le Bris, « les gouvernements mauriciens affirment constamment que le traité de cogestion sur Tromelin […] n'est qu'une première étape dans l'optique mauricienne de recouvrer une souveraineté pleine et entière sur Tromelin ». En 2015, à la tribune des Nations unies, Sir Anerood Jugnauth, Premier ministre mauricien, s'était dit optimiste : « nous savons pouvoir compter sur la noblesse de la France et ses idéaux de justice et de fraternité pour que la République de Maurice puisse exercer sa souveraineté effective sur Tromelin », avait-il déclaré. Un simple effet de manche ?

La France manque de navires

Saluant le "sursis" accordé à Tromelin, Gilbert Le Bris et ses collègues frondeurs ont encouragé la France « à éventuellement engager des négociations avec la République de Maurice pour établir un nouvel accord plus respectueux de la pleine souveraineté française ». À quoi bon ? Port-Louis campera vraisemblablement sur ses positions. Quant à Paris, il se fourvoierait en se réfugiant dans une approche strictement juridique. En effet qu'est-ce que la souveraineté sans la puissance ? « Hormis une station météorologique et une piste sommaire d'aviation, le passage régulier d'un patrouilleur de la Marine nationale, un territoire comme Tromelin est tout sauf une charge financière pour la collectivité nationale », martèle Gilbert Le Bris. Il faudra bien consentir quelque effort pour protéger l'Outre-mer. « De l'avis de tous ceux qui s'intéressent de près aux affaires maritimes, le renouvellement des patrouilleurs et autres avisos […] est plus qu'urgent », constate Laurent Lagneau, animateur du blog Zone militaire. « Cela revêt pour moi une grande importance », a déclaré à ce sujet l'amiral Christophe Prazuck, chef d'état-major de la Marine nationale ; « ce qui est laissé vide sera pillé », a-t-il souligné devant une commission du Sénat. Au moins sommes-nous prévenus.

NB – Dans le différend opposant Paris et Port-louis quant à la souveraineté qu'ils revendiquent chacun sur l'île Tromelin, il semblerait que Moscou ait pris parti en faveur du second. « Il est fort logique que la Russie attaquée juridiquement sur ce qui s'est passé en Crimée prenne la peine de soulever à nouveau les contestations touchant la souveraineté française sur certaines de ses possessions », commente Gilbert Le Bris, dans son entretien au Fauteuil de Colbert. Quelle est exactement la position de Moscou ? Sollicitée à ce sujet, l'ambassade de Russie à Paris ne nous a pas répondu. Affaire à suivre.

Mayotte dans l'impasse

18 février 2016
Article publié dans L'Action Française 2000

La Cour des comptes se penche sur l'île aux Parfums. Pointant les ratés de la départementalisation, elle souligne l'ampleur des défis à relever, à commencer par celui de l'immigration.

Mayotte est devenue officiellement le cent unième département français voilà bientôt cinq ans, le 31 mars 2011. Cela en application d'une réforme « mal préparée », selon l'analyse de la Cour des comptes présentée le mois dernier. En tout cas, au sein même de l'outre-mer français, l'île aux Parfums cultive une triste singularité. « Malgré d'incontestables améliorations dans le domaine socio-économique », soulignent les magistrats de la rue Cambon, « le chômage demeure le plus élevé des DOM (36,6 %) et le PIB par habitant, bien qu'ayant augmenté de 65 % entre 2005 et 2011, ne s'élève qu'à 7 900 euros, contre 31 500 euros au niveau national et 18 900 euros à La Réunion ».

Manque d'infrastructures

Or, les opportunités de développement économique seraient « encore hypothétiques ». Certes, l'inauguration d'un nouveau terminal aéroportuaire pourrait ouvrir des perspectives en matière touristique, mais « à la condition, non remplie à ce jour, que se développent des infrastructures hôtelières adaptées ». Malheureusement, « pour le département comme pour les communes, les dépenses d'investissement servent [...] de variable d'ajustement, alors même que les besoins en équipements demeurent très importants ». L'accès à l'eau, par exemple, s'avère insuffisant. Quant aux écoles, elles accueillent des élèves rencontrant davantage de difficultés que leurs camarades de métropole : « 67 % des élèves de CE1 et 75 % des élèves de CM2 possèdent des acquis "insuffisants ou fragiles" en français (contre 21 et 26 % respectivement en métropole) ».

Des milliers de clandestins

Relativement pauvre, la population mahoraise n'en demeure pas moins en forte croissance. Évaluée à quelque deux cent vingt mille habitants au 1er janvier 2014, elle a triplé depuis 1985. La moitié des habitants ont moins de dix-sept ans et demi. Mais « la population d'origine mahoraise » y serait « aujourd'hui minoritaire », comme le martèle l'ancien député Mansour Kamardine, dans un entretien au Figaro. Selon l'Insee, les étrangers régulièrement installés à Mayotte représenteraient 40 % de la population. Mais qu'en es-il des clandestins ? Ils pourraient être « plusieurs dizaines de milliers », rapporte la Cour des comptes. Près de vingt mille auraient été interpellés et éloignés en 2014. Mais sans doute ne représentent-ils « qu'une partie des flux réels », souligne la Rue Cambon. Dernièrement, davantage de bateaux de passeurs ont été interceptés. De plus, en septembre dernier, un nouveau centre de rétention administrative est entré en service. Toutefois, prévient la Cour des comptes, « le traitement de la question migratoire impose de renforcer la coopération avec l'environnement immédiat de Mayotte, et notamment avec l'Union des Comores ». Depuis 2013, un Haut Conseil paritaire réunit ainsi des représentants français et comoriens. Cela permettrait « un début de coopération sur le contrôle de la circulation maritime dans la zone ». Cependant, Moroni souhaite-t-il vraiment travailler en ce sens ? N'oublions pas que l'Union des Comores conteste toujours la souveraineté française sur Mayotte.

Déséquilibres régionaux

Confrontée à tous ces défis, l'île aux Parfums serait « au bord de la guerre civile », prévient Mansour Kamardine. George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer, ne veut pas y croire ; elle se montre rassurante. En tout cas, quels que soient les efforts consentis pour endiguer les flux migratoires, Mayotte restera confrontée à la pression inhérente aux déséquilibres régionaux. « En effet, l'écart de développement avec le reste de l'archipel rend Mayotte particulièrement attractive », comme le souligne la Rue Cambon. Attractive au sein de l'archipel des Comores, elle le sera plus encore à mesure qu'elle comblera son retard de développement économique au sein de la République française. S'agirait-il de résoudre la quadrature du cercle ?

Outre-mer : la France s'étend sur l'océan

5 mars 2014
Article publié dans L'Action Française 2000

À la faveur du droit international, Paris convoite des ressources maritimes situées au-delà de sa zone économique exclusive, notamment dans l'Atlantique Nord, autour de Saint-Pierre-et-Miquelon.

La délimitation des frontières Amaritimes « est bien l'un des enjeux du XXIe siècle », préviennent les députés Jean-Claude Fruteau (PS), Paul Giacobbi, Annick Girardin et Roger-Gérard Schwartzenberg (affiliés tous les trois au PRG). Dans une proposition de résolution, dont l'Assemblée nationale devait discuter en séance publique mardi dernier,  18 février 2014, ils appellent « à la reconnaissance des droits légitimes de la France sur le plateau continental de Saint-Pierre-et-Miquelon ». Au risque de froisser Ottawa, Paris en revendique l'extension, en application du droit international.

Montego Bay

Comme l'expliquent les parlementaires, la convention des Nations unies sur le droit de la mer, signée à Montego Bay en 1982 et ratifiée par la France en 1996, « a ouvert la possibilité pour les États côtiers d'étendre leur juridiction sur les ressources se trouvant sur son plateau continental, c'est-à-dire sur les fonds marins et leur sous-sol, et ce, au-delà des deux cent milles marins constitués par la zone économique exclusive de base ». En mai 2009, une lettre d'intention a donc été déposée auprès de la Commission des limites du plateau continental (CLPC), émanation de l'ONU. « Depuis lors les éléments constitutifs de notre revendication se sont renforcés », se réjouissent les députés. « En juillet 2011, une campagne scientifique a été menée au large de l'archipel par le navire le Suroit dans le cadre du grand programme Extraplac, conduit par l'Ifremer, afin de préparer les dossiers de revendication devant la CLPC. Les résultats scientifiques de cette campagne sont probants et montrent que le plateau continental de Saint-Pierre-et-Miquelon répond bien géologiquement aux critères juridiquement exigés par le droit international pour permettre l'extension d'un plateau continental au-delà de la limite des deux cents milles marins. »

De quoi nourrir quelque espoir de revanche ? « Saint-Pierre-et-Miquelon est la seule collectivité d'outre-mer française située en Amérique du Nord, à vingt-cinq kilomètres de Terre-Neuve au Canada », rappellent les parlementaires. « Peuplé de 6 311 habitants, Saint-Pierre-et-Miquelon a toujours vécu, depuis le XVIe siècle, de la pêche jusqu'à ce que la diminution des ressources halieutiques et un arbitrage désastreux intervenu en 1992 entre le Canada et notre pays, arbitrage donc les conséquences nous furent particulièrement défavorables – il fut vécu comme une injustice dans l'archipel –, aient condamné ce petit territoire à ne plus pouvoir exploiter les richesses de la mer, compromettant gravement sa survie économique et, à terme, la pérennité même de la présence de nos compatriotes sur ces îles. »

Parfum de revanche

« Aujourd'hui, une nouvelle chance est offerte à Saint-Pierre-et-Miquelon et, plus largement, à notre pays », se félicitent Jean-Claude Fruteau, Paul Giacobbi, Annick Girardin et Roger-Gérard Schwartzenberg. Le président de la République semble décidé à la saisir. Le 24 juillet dernier, il avait promis que « la France défendrait les intérêts de l'archipel concernant l'extension du plateau continental au large de Saint-Pierre-et-Miquelon ». « Le cap est donc clairement fixé », se félicitent les députés. « Reste à déposer concrètement ce dossier de revendication auprès de la CLPC, ce qui incombe au gouvernement. » Affaire à suivre.

De Cayenne à Bruxelles

7 mars 2013
Article publié dans L'Action Française 2000

L'adoption d'un nouveau cadre financier pluriannuel pour l'Union européenne pourrait affecter la Guyane française, « en quête de singularité » vis-à-vis de Bruxelles, selon l'intitulé d'un rapport parlementaire.

Couramment vilipendée en raison du libéralisme censé l'inspirer, l'Union européenne n'en pratique pas moins la redistribution à l'échelle du Vieux-Continent, voire au-delà, dans ses régions ultrapériphériques (RUP), parmi lesquelles figure la Guyane française. Entre 2007 et 2013, plus de 500 millions d'euros de subventions lui auront été attribués par Bruxelles. Une somme investie, entre autres, dans la réfection d'un aérodrome et l'extension du réseau d'eau potable. Toutefois, « malgré les progrès réalisés durant les dernières décennies, la Guyane manque encore de certains équipements structurants », selon les sénateurs PS Georges Patient et Simon Sutour, auteurs d'un rapport d'information déposé le 20 février 2013. D'autant que « la vulnérabilité des infrastructures au climat tropical rend les projets d'investissements particulièrement coûteux et peu rentables ».

Au regard du PIB par habitant (53 % de la "base européenne" en 2009, selon les données d'Eurostat), la Guyane compte, sans surprise, parmi les territoires les moins favorisés de l'Union. De fait, soulignent les rapporteurs, « elle se retrouve en-deçà des performances des autres départements d'outre-mer français (67 % pour la Réunion, 66 % pour la Guadeloupe et 73 % pour la Martinique) et bien loin derrière les autres régions ultrapériphériques que sont les Açores avec 75 % du PIB communautaire, Madère avec 105 % et les Canaries avec 87 % ». De ce point de vue, la situation de la Guyane est comparable à celle des régions de Roumanie, de Bulgarie et de Pologne. Mais ses perspectives de développement sont tout autres.

Un budget en baisse

En effet, « la préfecture de Guyane fait le constat d'un territoire triplement enclavé : une région européenne participant au marché commun, mais handicapée par les surcoûts liés à l'éloignement ; un territoire recouvert à plus de 90 % par la forêt, rendant l'accès aux communes de l'intérieur difficile et les besoins en infrastructures de transport énormes ; l'unique territoire européen sur le continent sud-américain, mais séparé de lui par deux fleuves et sur lequel s'applique une réglementation plus contraignante que celle de ses voisins ». De quoi justifier, aux yeux de Cayenne, la pérennité du soutien communautaire.

En dépit de l'élargissement de l'Union européenne à l'Est, « un financement satisfaisant » avait été maintenu jusqu'à présent, estiment les rapporteurs. À l'avenir, cependant, les régions ultrapériphériques pourraient faire les frais de l'accord survenu lors du dernier Conseil européen, où fut adopté un projet de budget pour les six prochaines années. « Alors que le montant de l'aide spécifique pour les RUP était de 35 euros par habitant et par an lors de l'exercice précédent, celui-ci serait de 30 euros pour la période 2014-2020. Cela représente une diminution de 15 % de cette aide, alors que le budget total de l'Union ne subirait qu'une baisse limitée à 3,5 % », déplorent MM. Patient et Sutour. L'annonce « d'une nouvelle initiative pour lutter contre le chômage des jeunes » ne compenserait qu'en partie cette « déception ».

Multiples aberrations

Cependant, l'ampleur de la manne financière est loin d'être seule en jeu. La Guyane, comme les autres régions ultrapériphériques de l'Union, réclame l'assouplissement des critères auxquels doivent satisfaire ses projets pour être éligibles aux fonds européens. L'un d'entre eux, le Feder, privilégie les investissements portant sur la recherche et l'innovation, la compétitivité des PME, les émissions de CO2, l'accès aux technologies de l'information et de la communication. « Or, comme le rappelle Rodolphe Alexandre, président du Conseil régional de Guyane, comment demander à notre région de prioriser l'utilisation des crédits Feder sur ces quatre thèmes, alors que dans le même temps une proportion non négligeable d'habitants de notre territoire n'a pas encore accès à l'eau et à l'électricité ? » Au final, préviennent les rapporteurs, « la future politique de cohésion pourrait avoir l'effet inverse de ce pour quoi elle a été conçue. Avec un budget en baisse et des objectifs toujours plus éloignés d'une région en rattrapage, le risque est grand de voir diminuer la consommation des crédits et par là-même de voir l'écart entre les régions se creuser toujours plus ! »

Bien d'autres aberrations émanent de la technocratie bruxelloise. « Il est des cas précis et concrets où des aménagements des normes européennes sont nécessaires et parfois vitaux », soulignent les rapporteurs, qui mentionnent quelques exemples. « Comment comprendre l'application sans aménagement d'une politique de gestion des déchets prévue pour des communes européennes sur un territoire aussi particulier que la jungle amazonienne ? », s'interrogent-ils. Dans la Communauté de communes de l'ouest guyanais (CCOG), « la mise en œuvre des directives européennes demanderait un investissement de 27 millions d'euros en infrastructures, mais entraînerait le doublement du budget de fonctionnement. Or, il est impossible de prévoir de nouvelles ressources à la hauteur des dépenses. [...] Certes les investissements seraient en partie financés par l'Union européenne et par l'État, et la CCOG pourrait bénéficier de matériels performants et efficaces, mais elle n'aurait pas les moyens de les gérer ! » Autrement dit, « parce qu'elle refuse de prendre en compte la spécificité d'un territoire unique en son sein, l'Union européenne est prête à dépenser à perte des sommes importantes en investissement pour mette en œuvre une politique qui va conduire une collectivité publique dans l'impasse financière ».

La Marine démunie

Les restrictions d'usage des pesticides affectent la culture du riz, alors que « la pression parasitaire, propre au climat d'une région équatoriale, est beaucoup plus importante qu'en Europe ». Par ailleurs, la Guyane « gère depuis longtemps ses ressources halieutiques selon les normes européennes de conservation et d'exploitation durables, contrairement à ses voisins, le Brésil et le Suriname ». Comme le précise Georges Patient, « alors que les pêcheurs guyanais, en application des règles européennes, emploient des filets à grandes mailles pour préserver les espèces, les pêcheurs brésiliens utilisent des filets avec de petites mailles qui épuisent la ressource ».

Or, poursuivent les rapporteurs, « face à l'épuisement de leurs stocks en raison de la surpêche qu'ils ont pratiquée, les pêcheurs surinamais et surtout brésiliens viennent depuis plusieurs années piller les eaux guyanaises ». À tel point que, selon l'Ifremer (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer), « la ressource serait davantage exploitée par les navires étrangers [...] que par les embarcations locales ». Pourtant, la Marine nationale ne disposerait que de navires hauturiers inadaptés à la poursuite des embarcations clandestines au faible tirant d'eau... En la matière, cela va sans dire, il n'y a rien à attendre de Bruxelles.

L'Outre-mer au cœur des convoitises

5 septembre 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Tandis que les richesses de la mer acquièrent une nouvelle valeur, la France peine à protéger l'immense zone économique exclusive que lui confèrent ses territoires d'outre-mer.

À l'avenir, « les enjeux maritimes ne vont cesser de croître », a prévenu l'amiral Bernard Rogel, chef d'état-major de la Marine (CEMM), le 18 juillet 2012, lors d'une audition devant la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale. « 70 % de ce que l'on construit, achète ou exporte passe par la mer », a-t-il souligné. « C'est la raison pour laquelle l'embargo maritime est l'un des premiers moyens de pression utilisés : on l'a encore vu récemment lors de la crise libyenne. » Tandis que le trafic maritime poursuit son développement, « la mer devient un espace de richesse et de prospérité industrielles de plus en plus important ». Quant à l'installation de champs éoliens ou hydroliens, elle pourrait « poser des problèmes de sauvegarde et de sécurité ».

Du pétrole en Guyane

La « "maritimisation" du monde » concerne directement la France, dont la zone économique exclusive (ZEE) – la deuxième du monde – s'étend sur près de 11 millions de kilomètres carrés, et pourrait même bénéficier d'une extension, sur laquelle planche le programme interministériel Extraplac, en application de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM), plus connue sous le nom de convention de Montego Bay. La Polynésie française, ainsi que les environs de Wallis et Futuna, semblent abriter d'importants gisements de terres rares. Par ailleurs, rappelle l'amiral Rogel, « nous allons devenir une nation pétrolière en mer grâce à la Guyane d'ici un à deux ans ».

Or, prévient-il, « si nous ne surveillons pas notre ZEE et ne montrons pas notre pavillon, nous serons pillés ! » Les rivalités auxquelles se livrent, en mer de Chine, Pékin, Manille et Hanoï, seraient révélatrices : « Dès qu'on trouve un îlot rocheux comportant un certain potentiel en termes de ressources pétrolières, gazières ou minérales, il est susceptible de donner lieu à des tensions. » D'ores et déjà, les ressources halieutiques  suscitent la convoitise. En conséquence, un patrouilleur est déployé au large des îles Kerguelen, pour protéger la légine, un poisson des mers froides australes à forte valeur commerciale, apprécié pour sa chair blanche et fondante. En outre, rapporte l'amiral, « nous observons [...] une contestation de notre souveraineté sur certains de nos îlots outre-mer tels que Clipperton, les îles Éparses ou Matthew et Hunter ».

Missions compromises

Dans ces conditions, le format de la Marine lui apparaît « juste suffisant ». « Après plusieurs encoches budgétaires », a-t-il déploré, « nous nous trouvons dans une situation très compliquée, qui nous oblige parfois à réduire le taux d'activité de nos bâtiments. Ce problème est aggravé par le fait que [...] nous sommes entrés dans une phase de réduction temporaire de capacité (RTC), autrement dit de non-remplacement à temps des bâtiments vieillissants – les programmes étant décalés pour faire des économies budgétaires –, notamment des frégates et des patrouilleurs outre-mer. L'âge moyen de la flotte est de vingt-quatre ans. Son renouvellement [...] va devenir un enjeu important dans la situation budgétaire actuelle. Plus on décalera les programmes, plus on aura des RTC et plus nos missions comporteront des lacunes. »

Lors de l'opération Harmattan (l'intervention en Libye), rappelle l'amiral Rogel, « nous avons dû faire des arbitrages et abandonner provisoirement certaines missions, notamment contre le narcotrafic ou l'immigration illégale – dans le cadre de l'opération européenne Frontex –, ou des missions de sûreté au profit de la FOST » (la Force océanique stratégique, chargée de la dissuasion nucléaire). « Si l'on nous demandait des réductions d'effectifs supplémentaires, la situation pourrait devenir grave », a prévenu le chef d'état-major de la Marine. Selon lui, « le livre blanc précédent n'a pas assez pris en compte ce problème de mission de souveraineté, notamment dans les DOM-COM. J'espère que ce point pourra être corrigé », a-t-il conclu. Affaire à suivre.

Pêche : l'Outre-mer négligé par l'UE

7 juin 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Aveugle aux spécificités de l'Outre-mer, l'Union européenne freinerait le développement de la pêche locale, en dépit de ressources halieutiques souvent abondantes.

Tandis que l'Union européenne planche sur la réforme de la Politique commune de la pêche (PCP), trois parlementaires l'appellent à prendre en compte les spécificités des régions ultrapériphériques françaises. Maurice Antiste et Serge Larcher, sénateurs de Martinique apparentés socialistes, et Charles Revet, sénateur UMP de Seine-et-Marne, ont déposé en ce sens une proposition de résolution enregistrée le 31 mai à la présidence de la Chambre haute. « La pêche ultramarine représente une part très importante de la pêche française », soulignent-ils dans l'exposé des motifs. « On comptait ainsi en 2009 près de 2 500 navires de pêche dans les quatre DOM, contre moins de 5 000 en France hexagonale. [...] Les DOM représentent près de 35 % de la flotte artisanale française et 20 % des effectifs de marins-pêcheurs au niveau national. » Hélas, Bruxelles se montrerait « aveugle aux réalités de la pêche ultramarine française ». Les règles de gestion de la ressource, qui constituent le cœur de la PCP, seraient « pensées par et pour l'Europe continentale », déplorent les sénateurs. L'application aux DOM de l'interdiction des aides à la construction de navires constituerait « l'illustration la plus préoccupante » du phénomène. La situation apparaît d'autant plus regrettable que la flotte ultramarine serait « artisanale et vétuste », alors que l'Outre-mer disposerait « d'atouts indéniables, au premier rang desquels des ressources halieutiques relativement abondantes et bien souvent sous-exploitées  ».

Faire entendre sa voix

En cause, également, les politiques commerciale et de développement, en vertu desquelles l'UE conclut des accords de libre-échange avec certains pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). « Il est incompréhensible que l'UE encourage le développement de la pêche dans des pays potentiellement concurrents, tout en privant la pêche des RUP [régions ultrapériphériques] d'un soutien équivalent », dénoncent MM. Antiste, Larcher et Revet. Par rapport à leurs concurrents régionaux, les pêcheurs réunionnais devraient supporter des coûts de production et de commercialisation quatre à cinq fois supérieurs. Dans ces conditions, il apparaît « nécessaire que la voix de l'Outre-mer puisse se faire entendre au niveau européen en matière de pêche ». Or, « aucune instance de dialogue ne permet [...] aux DOM de s'exprimer au sein de l'UE sur le sujet ». À la différence des autres régions ultrapériphériques de l'Union européenne, situées dans les eaux occidentales, les départements français d'outre-mer ne seraient représentés dans aucun comité consultatif régional (CCR). « Comme le demandent les professionnels et le gouvernement français, il est donc important qu'un CCR spécifique aux RUP soit mis en place », martèlent les sénateurs. Affaire à suivre.

Saint-Barthélémy : Bruxelles chassé des Antilles

24 janvier 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Bien qu'elle conserve l'euro, l'île de Saint-Barthélémy vient de s'émanciper de l'influence de l'UE, jugée trop pesante en l'absence de compensations financières.

En dépit des incertitudes pesant sur l'Union économique et monétaire, un territoire ultramarin s'accroche à l'euro : conformément au souhait exprimé par les autorités de Saint-Barthélémy, un traité négocié avec l'UE vient d'être ratifié par la France afin d'y maintenir la monnaie unique. Depuis le 1er janvier 2012, cette île des Antilles n'est plus comptée au nombre des régions ultra-périphériques (RUP) de l'Union européenne. C'est pourquoi, en l'absence d'un tel accord, elle aurait dû se doter de sa propre devise, fondée vraisemblablement sur le dollar américain, si l'on en croit Éric Doligé, sénateur du Loiret et vice-président de la délégation sénatoriale à l'outre-mer.

De la RUP au PTOM

Bénéficiant d'un "régime d'association", Saint-Barthélémy se range désormais, aux yeux de Bruxelles, parmi les pays et territoires d'outre-mer (PTOM). S'étendant sur 25 km², peuplée aujourd'hui de 8 500 habitants, l'île fut cédée par Louis XVI à la Suède en 1684, avant de redevenir française en 1878. Elle demeura rattachée à la Guadeloupe, en qualité de commune, jusqu'au 15 juillet 2007, date à laquelle elle se mua en collectivité d'outre-mer, à la suite d'un référendum organisé quatre ans plus tôt. Sa transformation en PTOM s'inscrit dans la continuité de cette évolution, quoique les statuts français et européens soient indépendants l'un de l'autre : « Saint-Barthélemy aurait pu conserver, comme Saint-Martin par exemple, le statut de RUP, tout en étant devenue une collectivité régie par l'article 74 de la Constitution », souligne Éric Doligé. Cela étant, selon son conseil territorial, « l'évolution du statut européen de Saint-Barthélemy exclut toute idée d'indépendance de Saint-Barthélemy [qui] est, et restera, partie intégrante de la France ».

« L'île a souhaité gagner une certaine liberté par rapport aux règles européennes en devenant PTOM, notamment pour pouvoir commercer avec sa zone géographique », explique le sénateur. Dorénavant, conformément au code général des collectivités territoriales, Saint-Barthélémy « est compétente en matière douanière, à l'exception des mesures de prohibition à l'importation et à l'exportation qui relèvent de l'ordre public et des engagements internationaux de la France, des règles relatives aux pouvoirs de recherche et de constatation des infractions pénales et des procédures contentieuses en  matière douanière ».

Fonds structurels

Entre autres considérations invoquées par les autorités locales, figurait la crainte que l'harmonisation progressive des législations européennes remette en cause, à terme, la fiscalité spécifique applicable à leur territoire. Surtout, la stricte application des normes européennes n'irait pas sans effets pervers : ainsi, l'abaissement de la teneur en benzène dans l'essence sans plomb, de 3 à 1 %, aurait conduit à majorer de 22 centimes d'euros le prix du litre de carburant distribué sur l'île. Éric Doligé critique ouvertement la technocratie bruxelloise : « J'ai toujours été frappé par l'imposition de normes ne correspondant pas à la réalité des territoires d'outre-mer, obligés d'importer d'Europe, à 10 000 kilomètres, des produits qu'ils pourraient trouver à 100 kilomètres », a-t-il déclaré lors d'une réunion en commission. Saint-Barthélémy ne serait pas le seul territoire concerné : « La Guyane n'a pas le droit d'utiliser l'essence brésilienne, beaucoup moins chère, parce que sa composition ne correspond pas aux normes européennes », déplore le sénateur.

Forte d'un PIB par habitant supérieur à 75 % de la moyenne européenne, l'île de Saint-Barthélémy n'est pas éligible au bénéfice des fonds structurels de l'UE. D'ailleurs, souligne  Éric Doligé, elle est « le seul territoire qui, au lieu de recevoir de l'argent de la métropole, est un contributeur net ». Dans ces conditions, estime-t-il, en tant que RUP, elle ne pouvait « rien » obtenir de l'Union européenne. « Ceux qui en ont les moyens souhaitent changer de statut », affirme-t-il. Et « ceux qui ne les ont pas restent dans le cadre des règles européennes, en attendant... La Guyane sera peut-être un jour, avec son pétrole, son bois, son or qu'on lui empêche d'exploiter, suffisamment riche pour sortir du statut de DOM et de RUP. » Lorgnant sur la manne des fonds structurels Mayotte n'en formule pas moins le vœu d'accéder aussi vite que possible au statut de région ultra-périphérique de l'Union européenne...

Menaces sur l'Outre-mer

4 février 2011
Article publié dans L'Action Française 2000

L'Outre-mer s'inquiète des accords commerciaux négociés par l'Union européenne.

Dans une proposition de résolution, les sénateurs Serge Larcher (apparenté au groupe socialiste) et Éric Doligé (UMP) réclament des compensations censées « préserver la fragile production agricole » des régions ultra-périphériques (RUP). En cause : un accord avec les pays andins et l'Amérique centrale, qui devrait être ratifié cette année.

Selon les parlementaires, l'Union aurait obtenu « des avancées majeures, à savoir la fin des barrières douanières pour ses industries, surtout l'automobile, et un meilleur accès aux marchés péruvien et colombien des vins et spiritueux et des produits laitiers ». En contrepartie, expliquent-ils, « les deux États andins ont obtenu pour leur part une amélioration du potentiel d'exportation de bananes, de sucre, de rhum et d'autres produits agricoles ». Or, « l'économie agricole des RUP françaises est extrêmement dépendante de ces productions ».

D'ores et déjà, le Parlement européen annonce la fin de la "guerre des bananes" : « L'Union européenne mettra progressivement un terme au traitement préférentiel dont bénéficient les exportateurs de bananes des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) », explique-t-il dans un communiqué. « En échange, les pays d'Amérique latine ont accepté de mettre fin aux litiges en suspens introduits à l'encontre de l'UE auprès de l'OMC et ne tenteront pas d'obtenir des réductions tarifaires supplémentaires sur les bananes dans le cadre du cycle de Doha. »

Reste à préciser les dispositions qui viendront en aide aux producteurs des régions ultra-périphériques. En la matière, le rapporteur désigné par l'assemblée, l'Italienne Francesca Balzani, juge insuffisantes les propositions de la Commission. Laquelle est appelée, par une commission parlementaire, « à présenter, dans les meilleurs délais, une étude d'impact sur les effets de l'accord pour les producteurs de bananes des pays en développement et des régions ultra-périphériques ». Mieux vaut tard que jamais.

Nouvelles d'outre-mer

15 juillet 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Nouvelle-Calédonie, Guadeloupe et Guyane.

Drapeaux

L'accord de Nouméa, remontant à 1998, prévoit, à terme, l'organisation d'un référendum d'"autodétermination" en Nouvelle-Calédonie. Réuni le 24 juin par le Premier ministre, le huitième comité des signataires a recommandé que le drapeau tricolore et celui du FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste) puissent flotter côte à côte lors des Jeux du Pacifique qui se tiendront sur l'archipel l'année prochaine.

Autonomie

La première loi adoptée par une collectivité locale a été publiée au Journal officiel du 30 juin, apprend-on sur le site Secteur public (07/07/2010). En application de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, le conseil régional de Guadeloupe a pu créer un établissement public de formation professionnelle doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière, placé sous sa tutelle.

La Guyane et la Martinique disposent également de ce pouvoir normatif, auquel sont soustraits la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l'état et la capacité des personnes, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l'ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral.

Orpaillage

Un militaire a disparu en Guyane, dans la rivière Tampock, le jeudi 8 juillet. Il participait à la mise en place d'un point de contrôle fluvial lorsque une embarcation rapide, forçant le passage, a percuté sa pirogue.

Cette opération s'inscrivait dans la mission Harpie, où les forces armées en Guyane (FAG) sont engagées en soutien des forces de gendarmerie et de police, afin de lutter contre l'orpaillage clandestin. Une activité qui engendre un climat d'insécurité, une dégradation écologique importante et un faisceau d'activités criminelles (trafic de drogues, prostitution, immigration clandestine), selon les explications de l'état-major des armées. Un millier d'hommes sont ainsi mobilisés, dont 450 sont déployés en permanence, sur les réseaux fluviaux pour neutraliser les flux logistiques des orpailleurs, ou bien en forêt pour démanteler les sites d'exploitation d'or illégaux. Depuis 2008 auraient été saisis ou détruits 263 pirogues, près de 90 kg de mercure (un produit utilisé pour agglomérer les petites particules d'or), 209 armes à feu, 159 groupes électrogènes, 152 quads...

Mayotte sous la loi commune

17 juin 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

L'île aux Parfums s'acclimate progressivement au statut de département d'outre-mer français qui lui sera conféré l'année prochaine. Entres autres domaines faisant l'objet d'une réforme : le mariage et la justice.

Une nouvelle étape dans le processus de départementalisation de Mayotte a été franchie le mercredi 2 juin. Ce jour-là, Mme Marie-Luce Penchard, ministre de l'Outre-Mer, a présenté une ordonnance portant dispositions relatives au statut civil de droit local applicable sur l'île aux Parfums, ainsi qu'aux juridictions compétentes pour en connaître. Selon les explications du gouvernement, ce texte vise à mettre un terme à l'inégalité entre les hommes et les femmes en matière de mariage et de divorce : il proscrit la répudiation et interdit de contracter de nouvelles unions polygames, sans condition d'âge ; jusqu'alors, les hommes nés avant 1987 bénéficiaient d'un statut privilégié, garanti par la loi de programme pour l'Outre-Mer du 21 juillet 2003.

En relevant à dix-huit ans l'âge légal du mariage des femmes, cette ordonnance permettra l'adhésion de la France à la Convention internationale sur le consentement au mariage, l'âge minimum du mariage et l'enregistrement des mariages, adoptée à New York le 7 novembre 1962 – adhésion jusqu'ici différée en raison de la spécificité des règles applicables à Mayotte. Le texte supprime également la justice cadiale, dont le fonctionnement n'était pas compatible avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. « Le système cadial est en place aux Comores et à Mayotte depuis l'arrivée des Shiraziens entre le XIVe et le XVIe siècle », rapportait en 2001 le sénateur José Balarello. « Depuis cette époque, le cadi joue un rôle de juge, de médiateur et d'institution régulatrice de la vie sociale et familiale. Il a été explicitement maintenu par [le] traité de 1841 passé entre le sultan Andriansouly et le commandant Passot. »

La charia sur la sellette

Régis par un statut fixé en 1986, les cadis et les secrétaires greffiers étaient des fonctionnaires de la collectivité territoriale de Mayotte ; recrutés sur concours, ils étaient investis par le préfet, après avis du procureur de la République près le tribunal supérieur d'appel et d'une commission présidée par le président du tribunal supérieur d'appel et composée de quatre personnalités religieuses désignées par le préfet et le Grand cadi. Outre l'application de certains principes du droit coutumier (répudiation, polygamie, double part successorale des hommes...), le fonctionnement même de la justice cadiale était critiqué : « Les cadis ne disposent souvent d'aucune documentation et leur méconnaissance du droit musulman entraîne des divergences de jurisprudence d'autant plus insatisfaisantes que le taux d'appel demeure très faible. De plus, l'absence de formule exécutoire rend l'exécution des décisions aléatoire. Par ailleurs, la justice cadiale ne connaît pas la représentation par des avocats. »

L'ordonnance présentée le 2 juin 2010 substitue à la justice cadiale une compétence de plein droit de la juridiction de droit commun pour connaître des conflits entre personnes relevant du statut personnel de droit local. Conformément au Pacte pour la départementalisation, le rôle des cadis sera recentré sur des fonctions de médiation sociale.