L'euro a-t-il rendu la France plus souveraine ?

8 février 2017

La monnaie unique constitue « un élément de puissance » selon Christian de Boissieu.

À l'origine de l'Union économique et monétaire, le traité de Maastricht a été signé il y a vingt-cinq ans, le 7 février 1992. À l'occasion de cet anniversaire, une émission des Décodeurs de l'éco vient d'être consacrée à l'euro sur BFM Business.

Un commentaire de Christian de Boissieu a plus particulièrement retenu notre attention : « dans les vingt ans qu ont précédé l'arrivée de l'euro », a-t-il rappelé au micro de Fabrice Lundy, « nous avions le Système monétaire européen ». Or, s'est-il demandé, « que voulait dire la souveraineté monétaire nationale dans un contexte où le Deutsche Mark était de fait la monnaie principale de l'Europe » ?

Christian de Boissieu « distingue la souveraineté réelle et l'illusion de la souveraineté ». Selon lui, « le passage à l'euro nous a redonné de la souveraineté en ce sens que la France est autour de la table à travers le gouverneur de la banque centrale » – tandis qu'auparavant nous subissions « la politique monétaire allemande comme la principale externalité de notre politique économique ».

Autrement dit, de son point de vue, « l'euro est un élément de puissance ». À méditer !

Londres attend la réponse de Bruxelles

18 février 2016
Article publié dans L'Action Française 2000

La perspective d'un Brexit impose la reprogrammation du logiciel souverainiste.

La singularité du Royaume-Uni figure à l'ordre du jour de la réunion du Conseil européen des 18 et 19 février prochains (2016). Dans la perspective du référendum qui se tiendra vraisemblablement fin juin, le Premier ministre David Cameron doit négocier un arrangement censé justifier, auprès de l'opinion publique britannique, le maintien de son pays dans l'Union européenne. Ce faisant, Londres cherche-t-il à réaffirmer son indépendance vis-à-vis de Bruxelles ? En partie seulement, si l'on en juge par ses demandes formulées officiellement en novembre dernier.

Protéger les intérêts de la City

Symboliquement, le gouvernement britannique voudrait en finir avec cette « union toujours plus étroite » promise par les traités européens. Parallèlement, il souhaiterait conférer de nouvelles responsabilités aux parlements nationaux, et surtout revoir les conditions suivant lesquelles les ressortissants d'un État membre peuvent librement circuler d'un pays à l'autre ; il s'agirait, en quelque sorte, de répondre à la hantise du "tourisme social". Londres réclame, par ailleurs, un approfondissement du marché unique, la conclusion de nouveaux accords commerciaux avec les États-Unis, la Chine ou le Japon, mais aussi la garantie que la zone euro ne poursuivra pas son intégration à ses dépens. C'est l'influence de la City qui est en jeu. Dernièrement, la Banque centrale européenne s'y était attaquée de front, tentant d'imposer un ancrage territorial dans la zone euro aux chambres de compensation les plus importantes. Dans cette affaire, la Cour de Justice de l'Union européenne avait finalement arbitré en faveur des intérêts britanniques, mais peut-être n'en sera-t-il pas toujours ainsi.

La zone euro, là où le bât blesse

Or, c'est précisément l'un des points sur lesquels la négociation pourrait achopper. « Nous sommes attachés [...] à ce que les pays qui ne sont pas membres de la zone euro [...] soient respectés » et « informés de tout ce qui se décide », a déclaré le président de la République, Français Hollande ; « mais il ne peut pas y avoir de veto des pays hors zone euro sur ce que nous avons à faire dans la zone euro », a-t-il prévenu. Des engagements de principe seront sans aucun doute souscrits pour rassurer les Britanniques. Il faudra bien les accompagner de quelques déclinaisons pratiques. Un exemple est donné par notre confrère Jorge Valero : comme il l'explique sur Euractiv, une possibilité serait « de programmer la réunion des ministres des Finances de la zone euro (Eurogroupe) après que tous les ministres européens des Finances se [seront] rencontrés (Ecofin), plutôt que le contraire, comme c'est le cas actuellement ».

En tout cas, les exigences de la perfide Albion ne manqueront pas de légitimer l'espoir, exprimé entre autres par l'ancien Premier ministre Michel Rocard, d'une relance de la construction européenne à la faveur d'un "Brexit". Incidemment, les souverainistes semblent condamnés à reprogrammer leur logiciel : l'Europe « à géométrie variable », dont ils étaient traditionnellement les chantres, ne se retrouve-t-elle pas instrumentalisée par leurs meilleurs ennemis ? « Une Europe plus intégrée sera une Europe des différences », a ainsi expliqué à l'AFP Sandro Gozi, secrétaire d'État italien aux Affaires européennes, cité par Euractiv. Un détricotage prochain de l'Union européenne n'en reste pas moins envisagé. Peut-être David Cameron a-t-il effectivement ouvert la boîte de Pandore. Sans surprise, Marine Le Pen prétend inscrire ses pas dans ceux du Premier ministre britannique. Sans doute s'accorderait-elle avec Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur du Sénat, selon laquelle l'Europe serait « à un tournant de son histoire ». 

Résilience de l'UE

Laurent Warlouzet, maître de conférences en histoire à l'université d'Artois, juge déplacée cette dramatisation des enjeux. « En fait, cette perspective cataclysmique sous-estime la résilience institutionnelle de l'Union européenne », explique-t-il dans un entretien à La Tribune. « Avant l'UE », rappelle-t-il, « la CEE a déjà survécu à de nombreuses crises qui remettaient en cause son existence, de la crise de la Chaise vide en 1965 à la crise budgétaire britannique [...], sans parler des événements plus récents, du "non" français de 2005 à la crise de l'euro ». Quant au « risque de désagrégation du camp occidental » (à moins qu'il s'agisse d'une opportunité, selon les points de vue), il ne serait « pas plus présent ». « L'Otan a toujours eu un périmètre différent de l'ensemble CEE-UE », poursuit-il. De toute façon, « les divisions majeures au moment de la guerre en Irak en 2003 ont montré que les divergences stratégiques n'ont jamais empêché la poursuite de la coopération en matière de gouvernance économique et sociale, qui reste encore aujourd'hui le domaine de compétence majeure de l'Union européenne ». Autrement dit, l'Europe n'a pas dit son dernier mot.

Les abeilles du FN mettent le PS et LR au pied du mur

18 octobre 2015

Menacés par la percée du Front national, les eurodéputés socialistes et Les Républicains cultivent sans vergogne le sectarisme partisan. Cependant, leurs rivaux populistes ne trouvent pas davantage grâce à nos yeux.

Voilà que le Front national appelle l'Union européenne à s'aligner sur les États-Unis ! En cause : l'autorisation donnée par la Commission européenne, en juillet dernier, à la commercialisation du Sulfoxaflor, un pesticide accusé de nuire aux abeilles, interdit outre-Atlantique.

Sylvie Goddyn, député français au Parlement européen, explique avoir « engagé une procédure d'urgence pour faire obstacle à ce produit ». À tort ou à raison, la plupart de ses collègues partagent apparemment sa défiance à l'égard du Sulfoxaflor. Mais il se trouve que Mme Goddyn a été élue sous les couleurs du Front national... Or, « pour les socialistes français », rapporte notre consœur Aline Robert, « la ligne de conduite est très claire : pas question de voter le moindre amendement FN ou de négocier le moindre compromis ». D'ailleurs, loin de s'arrêter en si bon chemin, « le groupe socialiste et démocrate planche [...] sur l'établissement d'une position commune pour éviter qu'un élu de sa formation ne soutienne des amendements du groupe » où siègent les eurodéputés du Front national. « La même initiative a été prise à droite au PPE, où Alain Lamassoure et Françoise Grossetête [...] veulent aussi mettre le sujet sur la table. Il s'agit de convaincre leurs collègues [...] de ne pas voter les amendements FN. »

« Nous ne pouvons pas soutenir des gens qui veulent détruire l'Europe », se justifie le socialiste Guillaume Balas, cité par Euactiv. Comme si le Front national la menaçait en quoi que ce soit... Comme l'expliquait un collaborateur de Contrepoints, « la présence de ces députés opposés à l'UE n'a jamais altéré le fonctionnement de l'UE mais elle leur permet de bénéficier des largesses financières de l'Union européenne » – ainsi que d'une tribune, dont Marine Le Pen a fait un usage particulièrement médiatisé le 7 octobre dernier.

Ce jour-là, on s'en souvient, alors que le président de la République venait de s'exprimer devant le Parlement européen aux côtés du chancelier allemand, la présidente du Front national l'avait affublé du tire de « vice-chancelier administrateur de la province France », l'accusant de « se soumettre aveuglement à une politique décidée à Berlin, Bruxelles ou Washington ». Des propos éminemment grotesques : si l'Élysée était effectivement une antenne de la Maison-Blanche, sans doute Paris investirait-il davantage dans sa défense, conformément aux recommandations de l'Otan, par exemple ; et si Bercy rendait des comptes à Berlin, ce n'est pas un tel laxisme qui gouvernerait le budget de l'État !

En tout cas, cela tranche avec l'attitude d'une Marie-France Garaud, qui disait s'interdire de critiquer la politique de son pays hors de ses frontières (1)... C'est à Strasbourg que Marine Le Pen s'est illustrée, nous rétorquera-t-on. Strasbourg, qui se trouve toujours en France donc. Certes, mais qu'est-ce que le Parlement européen ? La représentation plus ou moins légitime de vingt-huit États, ou bien celle d'un improbable peuple européen ? Aux yeux de Paris, rappelons-le, la participation de la France à l'UE relève encore, à bien des égards, de la politique étrangère, comme en témoigne la tutelle du ministre des Affaires étrangères sous laquelle est toujours placé le secrétaire d'État aux Affaires européennes.

Paradoxalement, Marine Le Pen semble vouloir nous faire croire le contraire, se faisant complice d'une propagande européiste. Pas la peine de l'accabler, cependant : elle n'est que le rouage, certes complaisant, d'un système institutionnel qui la dépasse ; de toute façon, un nouvel acteur la remplacerait vraisemblablement dans son rôle si elle avait la décence d'y renoncer... Il n'empêche : si le souverainisme était conséquent, ses tenants n'applaudiraient pas la prestation de l'égérie populiste ; ils dénonceraient plutôt l'existence même du Parlement européen, ou du moins son mode de fonctionnement, où un pareil affrontement, opposant, devant l'Europe entière, la première délégation nationale au chef de l'État, devrait leur paraître insupportable. Mais avec des "si"...

(1) Nous nous souvenons l'avoir entendue revendiquer une telle conduite lors d'un entretien à la radio. En toute rigueur, cependant, sans doute conviendrait-il d'examiner ses interventions au Parlement européen.... Avis aux historiens !

Espace Schengen vs Europe des nations : le grand malentendu

17 septembre 2015

A priori, Schengen, c'est fini... Vraiment ?

« A priori, Schengen, c'est fini. » Cette annonce circule sur la Toile, avec la photo d'Angela Merkel, s'inscrivant dans une série d'images plus ou moins parodiques. Sur les réseaux sociaux apparaît également ce commentaire : « À bas l'Union européenne. Vive l'Europe des nations libres et indépendantes ! »

Voilà qui participe d'un double malentendu.

En effet, le rétablissement de contrôles aux frontières des États membres de l'Union européenne participe du fonctionnement normal de l'espace Schengen. Si Paris y trouve son compte d'une façon ou d'une autre, il ne fait aucun doute qu'il emboîtera le pas à Berlin. Le Premier ministre, Manuel Valls, vient de le rappeler devant les députés : « Nous avons déjà rétabli ce printemps des contrôles temporaires à cette frontière (franco-italienne). Et nous n'hésiterons pas à le faire de nouveau comme les règles de Schengen le permettent à chaque fois que les circonstances l'imposent, si c'est nécessaire dans les prochains jours ou prochaines semaines. » Il y a d'autres précédents... Comme l'expliquait Serge Weber, dans une contribution au Dictionnaire critique de l'Union européenne (Armand Colin, 2008), « la liberté de circulation est en réalité toute relative ».

D'aucuns s'imaginent qu'elle résulterait de décisions inspirées par la seule idéologie : des élites apatrides œuvreraient sincèrement (quoique sournoisement) à la constitution d'un État européen puis mondial, convaincues que celui-ci serait le gage d'une paix perpétuelle... Du conspirationnisme soft, en quelque sorte ! La réalité s'avère plus prosaïque, comme l'illustre l'article de Wikipédia consacré à l'accord de Schengen : « Souvent présenté comme un "laboratoire de l'Europe", cet accord fait suite, notamment, à une grève du zèle des douaniers italiens, puis des douaniers français, en janvier 1984, confrontés à l'intensification de leur travail à la suite de l'augmentation des passages de frontières, à laquelle fait réponse une grève des camionneurs qui paralyse le territoire français en février 1984. »

Autrement dit, des considérations économiques et sociales ont vraisemblablement présidé aux négociations de cet accord, signé le 14 juin 1985 par la France, l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. Cinq États, donc, alors enclins à souscrire un engagement multilatéral en marge des institutions communautaires.

L'espace Schengen n'a été intégré à l'Union européenne qu'une dizaine d'années plus tard, avec le traité d'Amsterdam. Aujourd'hui, cependant, tous les États membres de l'UE n'en font pas partie : l'Irlande et le Royaume-Uni se maintiennent à distance ; la Bulgarie, la Croatie et la Roumanie frappent à la porte (le cas de Chypre est un peu spécial). À l'inverse, l'Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse y participent... sans être membres de l'UE.

Bref, l'espace Schengen, c'est l'Europe à la carte.

Son histoire comme sa réalité présente en témoignent : "l'Europe des États libres et indépendants" existe ; elle est là, sous nos yeux, dans nos vies... Pour le meilleur ou pour le pire.

De la « constitution pour l'Europe » au traité de Lisbonne : la démocratie bafouée ?

4 juin 2015
Article publié dans L'Action Française 2000

Pourquoi la défense de la « souveraineté nationale » conduit à une impasse.

Il y a dix ans, le 29 mai 2005, a été rejetée par référendum la ratification par la France du "traité établissant une constitution pour l'Europe". Reprenant, sous une forme différente, la quasi-totalité de ses dispositions, le traité de Lisbonne n'en est pas moins entré en vigueur quatre ans plus tard, le 1er décembre 2009. La démocratie s'en est-elle trouvée bafouée ?

L'onction populaire dont prétendent se parer les détracteurs de ce texte ne leur confère, en réalité, qu'une légitimité très relative : seuls 37 % des électeurs inscrits ont joint leur voix à à la leur... De fait, la "volonté" prêtée au peuple n'est jamais exprimée que par une fraction de celui-ci. En outre, alors qu'il était candidat à la présidence de la République, Nicolas Sarkozy n'avait pas caché ses intentions : « débloquer l'Europe institutionnellement, ce sera le sens de ma première initiative européenne si je suis élu », avait-il déclaré le 21 février 2007. « Dans ce but », avait-il annoncé, « je proposerai à nos partenaires de nous mettre d'accord sur un traité simplifié qui reprendra les dispositions du projet de traité constitutionnel. [...] Ce traité [...] sera soumis pour ratification au Parlement. »

Votant en toute connaissance de cause, le peuple aurait-il changé d'avis ? Peut-être n'en a-t-il jamais vraiment exprimé aucun. Comme l'écrivait Charles Maurras, l'issue d'un scrutin n'est que « l'expression d'une différence entre deux totaux » ; les forces à l'œuvre « peuvent être, en elles-mêmes, pensantes, mais le vote qui les exprime ne pense pas : par lui-même, il n'est pas une décision, un jugement, un acte cohérent et motivé tel que le développe et l'incarne le pouvoir personnel d'une autorité consciente, nominative, responsable ».

C'est pourquoi le "déficit démocratique" dont souffrirait l'Union européenne doit être dénoncé avec prudence : à l'origine, ce phénomène traduisait moins l'accroissement des pouvoirs de Bruxelles que celui des gouvernements nationaux aux dépens de leur propre parlement... En outre, c'est précisément au motif qu'il faudrait combler ce déficit que l'équilibre institutionnel de l'Europe a été révisé dans une perspective plus fédérale, au bénéfice du Parlement européen.

C'est dire l'impasse à laquelle conduit la défense de la "souveraineté nationale", au sens où l'entendait Maurras, qui n'en acceptait le principe « ni implicitement, ni explicitement ». Pas de souveraineté sans souverain !

Les souverainistes aveugles devant l'Europe en faillite

12 mars 2015

L'Europe ne fonctionne pas, mais ses détracteurs les plus virulents ne sont pas là pour le dire.

Avant-hier, mardi 10 mars, la Commission européenne a officialisé le délai de deux ans imparti à la France pour remettre un peu d'ordre dans ses finances publiques, conformément aux règles censées régir le fonctionnement de l'Union économique et monétaire (UEM).

S'agit-il d'une nouvelle humiliation ? François Hollande est « tenu en laisse par Bruxelles », a dénoncé Nicolas Duont-Aignan ; « la Commission européenne dicte la politique de la France », vient de confirmer aujourd'hui le Front national. Décidément, les souverainistes se plaisent à croire qu'ils vivent dans cette Europe fédérale qu'ils prétendent honnir ! Les sanctions vont pleuvoir sur Paris, préviennent-ils. À la faveur de quel miracle ? Nul ne le sait. Or, depuis que l'euro a été substitué en franc, Paris s'est montré coutumier des dérapages budgétaires, sans que les mécanismes institutionnels et juridiques censés maintenir les États dans les clous n'aient jamais été tout à fait mis en œuvre.

Cet échec apparaît d'autant plus criant à l'heure où le marché n'est plus en mesure d'assurer sa fonction régulatrice, la Banque centrale européenne ayant entrepris de tirer les taux vers le bas. Autrement dit, l'aléa moral aidant, le laxisme risque fort de présider quelque temps encore à la gestion des finances publiques. L'escroquerie inflationniste s'avérant impraticable prou cause de monnaie unique, précisément, cela pourrait très mal finir.

Bref, l'Europe ne fonctionne pas. On le savait déjà, mais force est de constater que les  souverainistes ne sont pas là pour le dire. C'est normal : ils sont à peu près les seuls à croire le contraire.

NB – Nous reprenons à notre compte ce constat fait par Charles Wyplosz sur Telos : « Le juridisme du pacte de stabilité n'a pas résisté aux arbitrages politiques. [...] Un pays souverain peut dire non aux injonctions de la Commission, s'il l'ose et s'il en a les moyens. » À lire également, chez nos confrères d'Euractiv, à propos des recommandations budgétaires formulées par la Commission européenne : « Jusqu'ici, les États membres ne se sont [...] pas empressés de les traduire en mesures nationales. En 2013, seuls 9 % des recommandations ont été entièrement concrétisées. Pour 2014, ce chiffre est encore moins élevé  selon la Commission, les Vingt-Huit n'ont mis en place, entièrement ou presque, que douze des cent cinquante-sept recommandations établies l'an passé, soit environ 7,5 %. » C'est dire la réalité de la dictature de Bruxelles fantasmée par nos petits camarades souverainistes...

Europe : les États n'ont pas dit leur dernier mot

5 juillet 2014

Considérations sur la dimension intergouvernementale de l'Union européenne.

« L'Allemagne et le Royaume-Uni sont les meilleurs ennemis de Bruxelles », rapporte Euractiv. « Les deux pays sont ceux qui ont adopté le plus souvent des votes opposés », expliquent nos confrères. « Dans 16 % des cas », précisent-ils, Berlin et Londres « ont adopté des positions contradictoires lors des réunions qui regroupent les ministres européens ».

Autrement dit, les deux États s'opposant le plus souvent au sein du Conseil s'accordent tout de même dans 84 % des cas.

Ces chiffres ne devraient-ils pas interpeller les souverainistes ? Ils donnent matière à s'interroger sur le mythe d'une Europe imposant son diktat aux États. N'en déplaise aux idéologues volontaristes, ceux-ci, à commence par la France, semblent bel et bien consentants...

À la veille des élections européennes, des européistes ont d'ailleurs regretté le poids qui leur était conféré par le traité de Lisbonne. « Donner un chef » au Conseil européen, c'était « lui donner plus de pouvoir », a regretté, par exemple, l'écologiste belge Isabelle Durant. « Garder la présidence tournante aurait garanti le respect de l'intérêt commun et de la méthode dite communautaire », a-t-elle expliqué à Euractiv. De son point de vue, résument nos confrères, Herman Van Rompuy a brossé « une caricature de la nouvelle méthode de travail introduite par le traité de Lisbonne. Dans un souci de recherche de consensus, il fait valoir l'intérêt de chaque État membre au lieu de faire avancer la cause européenne ».

Entre les européistes qui rêvent d'une Europe fédérale, et les souverainistes qui en font des cauchemars, la différence n'apparaît pas bien grande en définitive !

Europe des régions : le fantasme à l'épreuve des faits

22 juin 2014

S'inscrivant dans un vaste complot mondialiste, l'Union européenne serait le promoteur zélé de l'"Europe des régions", selon la thèse popularisée notamment Pierre Hillard. À cette aune, il est piquant d'apprendre que la NVA, le principal parti indépendantiste flamand, va finalement rejoindre un groupe eurosceptique au Parlement européen.

« Ce choix est loin d'être anodin, puisque le parti de Bart De Wever va siéger non seulement aux côtés des conservateurs britanniques, du Parti démocratique civique tchèque, du PiS polonais (Droit et Justice dirigé par Jaroslaw Kaczynski), mais aussi des anti-euros allemands de Alternativ für Deutschland ou de l'extrême droite des "Grecs indépendants", du Parti populaire danois et des "Vrais Finlandais" », rapporte notre confrère Jean Quatremer. De son point de vue, « l'affaire est d'autant plus surprenante qu'il s'agit là d'un véritable coming out d'un parti qui affichait jusqu'ici son europhilie ».

De fait, cela relève vraisemblablement d'un choix opportuniste, guidé par des calculs de politique intérieure, davantage que d'un véritable enracinement idéologique. Cela étant, on rappellera que la Ligue du Nord, tout comme le Vlaams Belang, se sont alliés au Front national, dont l'ambition serait, précisément, de « bloquer l'Europe »...

Quant à la Commission européenne, elle s'est montrée pour le moins réservée, tandis que la Catalogne sollicitait une adhésion automatique à l'UE dans la perspective de son indépendance. « L'UE fonctionne sur la base des traités, applicables seulement dans les États membres qui les ont adoptés et ratifiés », a martelé Jose Manuel Barroso. « Si une partie du territoire d'un État membre cesse de faire partie d'un État pour devenir un nouvel État indépendant, les traités ne seront plus d'application dans cette région », a-t-il expliqué.

Bref, n'en déplaise aux conspirationnistes, à l'approche des référendums annoncés à l'automne en Catalogne et en Écosse, les "eurocrates", comme ils disent, semblent peu enclins à soutenir les velléités indépendantistes menaçant l'unité des États européens. Rien d'étonnant à cela : en dépit de l'accroissement des pouvoirs du Parlement européen, c'est toujours à ceux-ci qu'ils doivent leur fauteuil.

NB – Les indépendantistes flamands de la NVA ne sont pas en reste. Les députés élus au Parlement européen sous cette étiquette vont siéger aux côtés des conservateurs britanniques, réputés eurosceptiques, au sein du groupe CRE. Mais sans doute s'agit-il d'une manœuvre téléguidée par l'oligarchie mondialiste pour brouiller les pisses !

Marine Le Pen trahie par ses amis

18 avril 2014

Quand les partenaires du FN l'accusent implicitement d'œuvrer contre l'intérêt de la France.

Tout comme leurs prédécesseurs à Matignon et l'Élysée, Manuel Valls et François Hollande seraient les serviteurs non seulement dociles, mais zélés, de Berlin et Washington, nous répète-t-on à longueur de journée.

Cette conviction de souffrir des élites perverses, qui agiraient délibérément contre l'intérêt de leur propre pays, n'est pas propre aux souverainistes français. Pour la Ligue du Nord sévissant de l'autre côté des Alpes, par exemple, « l'Union européenne serait ainsi la "propriété des Allemands, des Français et des grands financiers" », comme le rapporte une note de la Fondation Robert Schuman.

Or, le parti sécessionniste italien figure parmi les partenaires privilégiés... du Front national.

En toute logique, donc, si la Ligue du Nord accepte de collaborer avec le FN, c'est précisément dans le but de servir Rome aux dépens de Paris.

Autrement dit, selon ses propres amis, Marine Le Pen serait l'incarnation hexagonale du "parti de l'étranger".

CQFD.

« Dire non à l'Union européenne mais oui à ses sièges ? »

18 avril 2014

À l'approche des élections européennes, Contrepoints publie une analyse signée Tmatique à laquelle nous souscrivons dans une très large mesure. Extraits.

« Quels que soient les avis sur le fonctionnement ou les attentes de l'Union européenne, le soit-disant diktat de Bruxelles n'est qu'un fantasme entretenu par des partis politiques qui se servent de l'ignorance de leurs électeurs pour obtenir les voix qui leur font défaut dans leur ascension au pouvoir », résume Tmatique. Plus précisément, « le diktat de Bruxelles n'est qu'un recours à un responsable imaginaire qui les dédouane de véritables solutions économiques et politiques pour la France, voire d'un bon diagnostic sur la situation de la France ».

Par conséquent, « dire "non" à Bruxelles n'est qu'un raccourci vide de sens qui cache d'autres ambitions ». En effet, « la présence de ces députés opposés à l'UE n'a jamais altéré le fonctionnement de l'UE mais elle leur permet de bénéficier des largesses financières de l'Union européenne ».

De toute façon, « lors de ces élections européennes, le débat pour ou contre l'UE n'a pas lieu d'être car ce ne sont pas les députés européens qui peuvent faire sortir un pays de l'UE ». Autrement dit, « vouloir lier ces élections de députés européens à des élections législatives en France c'est usurper l'expression "républicaine" qu'ils défendent,  par la remise en cause de la légitimité des députés nationaux déjà élus ». En définitive, conclut Tmatique, « voter pour des députés pique-assiettes c'est une acceptation de l'immobilisme, pas un rejet ».