« Je suis Charlie »

8 janvier 2015

« Ils l'ont bien cherché », me souffle-t-on à l'oreille, à propos de nos collègues assassinés hier dans les bureaux de Charlie Hebdo.

Ignoble réaction !

D'autant plus affligeante qu'elle émane d'un collègue volontiers xénophobe, cultivant une hantise paranoïaque de l'islam : autrement dit, quand on crache quotidiennement à la figure de nos paisibles compatriotes musulmans, on témoigne d'autant moins de respect à l'égard de ceux qui défient leurs coreligionnaires les plus fanatiques au péril de leur vie... Quelle honte ! Comble de la mesquinerie, on écarte toute solidarité au motif que les victimes de l'attentat ne seraient pas de notre bord politique ; et l'on s'inquiète surtout à l'idée que ce drame pourrait profiter à la popularité du président Hollande...

Cela nous a mis en colère. Et encouragé à participer modestement à cet élan d'unité nationale, en publiant sur ce blog la vignette qu'on l'on voit partout sur la Toile. Cela ne mange pas de pain : notre vie à nous n'est pas menacée. Dans le cas contraire, nous serions vraisemblablement resté silencieux. Comme tout le monde, ou presque. Raison de plus pour témoigner d'un minimum de respect à l'égard de ceux qui sont sortis du lot.

B Gata H Kei : heureuse découverte !

3 décembre 2014

Une fois n'est pas coutume, nous nous risquons à faire la promotion d'une série animée. Cela nous change des considérations trop terre à terre sur la politique, l'économie et la défense !

Le titre s'avère intraduisible, aussi comprenons-nous le choix des éditeurs, lesquels y ont renoncé en France comme aux États-Unis. Littéralement, "B Gata H kei" signifierait "Type B Style H" – autrement dit, "blondasse obsédée" ? Plus ou moins, quoique le synopsis ne donne qu'un aperçu assez réducteur de la série, et que le "fan service" (les petites culottes et autres images coquines) y soit distillé à doses modérées.

Alors qu'elle entre au lycée avec le projet de collectionner au plus vite une centaine d'amants, Yamada tarde à conclure avec le tout premier. Elle jète son dévolu sur un camarade de classe, le timide Kosuda, déstabilisé par ses assauts indélicats et sa relative versatilité. De fait, le tempérament licencieux de l'héroïne dissimule à peine sa sensibilité, sa détermination étant indissociable d'une incomparable ingénuité (dont la VO rend vraisemblablement beaucoup mieux compte que le doublage français, auquel nous ne nous sommes pas frotté). À vrai dire, cette gamine se révèle terriblement touchante – on en tomberait presque amoureux !

Aussi avons-nous découvert avec un réel plaisir les douze épisodes de cette anime, adapté d'un manga qui semble encore inédit en France : c'est drôle, léger, pas forcément inoubliable, mais plein de fraîcheur !

Terminons par une parenthèse plus sérieuse (on ne se refait pas) : alors que l'action se déroule souvent au lycée, le seul élément touchant explicitement au contenu des cours porte sur l'histoire de France, et plus précisément sur Henri IV, dont les élèves apprennent qu'il fut le premier Bourbon ; quant au déclin démographique de l'Archipel, l'inénarrable Yamada envisage d'y remédier par une proposition pour le moins iconoclaste, dont on ne comprend toutefois la teneur qu'en sachant quel statut occupe la honte dans la culture japonaise...

Du nouveau sur le blog

20 mars 2011

Signalons quelques mises à jour.

Et d'abord le lancement d'une "revue de presse" grâce à laquelle nous partagerons désormais les fruits de notre travail de veille : parmi les multiples articles, rapports ou communiqués que nous parcourons chaque semaine, certains retiennent plus particulièrement notre attention ; ils seront dorénavant mentionnés sous forme de liens, agrémentés d'un bref commentaire.

Un flux RSS leur est dédié : http://blog.scribel.net/bookmarks/rss.php

Un problème affectant le flux des articles vient par ailleurs d'être résolu : les textes introductifs sont désormais de la partie.

Peut-être la prochaine évolution portera-t-elle sur l'ajout d'une feuille de styles dédiée à l'impression... Affaire à suivre !

Le climat s'ouvre au débat

5 novembre 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Le rapport de l'Académie des sciences sur le changement climatique, rendu public le 28 octobre, a suscité des réactions contradictoires.

Tandis que Paul Molga pointait, dans Les Échos, le désaveu des climato-sceptiques, Drieu Godefridi – qui appartiendrait plutôt à ceux-ci... – a salué, sur le site de l'institut Hayek, la crucifixion des idéologues du climat. Claude Allègre aurait signé le document tout comme ses détracteurs !

Sans doute ce paradoxe reflète-t-il les efforts de diplomatie déployés par les rapporteurs. Ils ont synthétisé, en quelques pages, les contributions au débat organisé à la demande de Valérie Pécresse, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, qui s'était inquiétée, au printemps dernier, que « des voix s'élèvent [...] pour remettre en cause l'existence d'un large consensus parmi les chercheurs sur les causes et les conséquences du réchauffement climatique ».

Il en résulte un document pointant des connaissances, mais identifiant également des incertitudes. C'est en cela, semble-t-il, que l'Académie des sciences se distingue du GIEC, ou de certains de ses représentants, dont le discours est parfois jugé péremptoire.

« Depuis la seconde moitié du XIXe siècle, plusieurs indicateurs indépendants montrent sans ambiguïté un réchauffement climatique [...] modulé dans le temps, avec une augmentation de 1975 à 2003 », affirme-t-elle. En cause, « principalement » : l'augmentation de la concentration du CO2 dans l'atmosphère, qui découlerait « incontestablement » de l'activité humaine.

Mais « des incertitudes importantes demeurent », notamment, sur la modélisation des nuages, l'évolution des glaces marines et des calottes polaires, le couplage océan-atmosphère, l'évolution de la biosphère et la dynamique du cycle du carbone.

« Environ la moitié du CO2 produit par les activités humaines à un moment donné et rejeté dans l'atmosphère, y subsiste. L'autre moitié est actuellement absorbée par l'océan et la végétation continentale : il faut environ un siècle pour que la fraction transmise à l'atmosphère soit diminuée de moitié. La connaissance des mécanismes d'échanges océan-atmosphère et continent-atmosphère a fait de grands progrès mais reste encore incertaine pour des prédictions plus précises à l'échelle du siècle. Cette connaissance dépend de la description de la circulation océanique profonde et et de la complexité de la photosynthèse. Les incertitudes sur l'effet global indirect d'un changement de concentration du CO2, avec toutes les rétroactions prises en compte, font l'objet de débats au sein de la communauté des climatologues.. »

Or, d'après Jean-Michel Bélouve, dont l'institut Hayek a également publié l'analyse, « on aborde là un point crucial de la dispute entre partisans et détracteurs du GIEC. [...] Les climatologues qui inspirent le GIEC affirment que l'effet direct du CO2 est fortement amplifié par des rétroactions positives. [...] Les sceptiques, au contraire, exposent que la nature dispose de rétroactions négatives, la principale étant la formation de nuages, engendrés en plus grande quantité par cette vapeur d'eau supplémentaire. »

Quoi qu'il en soit, selon l'Académie des sciences, « la validité des projections pour les décennies à venir et leurs incertitudes sont une question centrale ». La prudence est de mise !

Subtilités juridiques autour du Kosovo

29 juillet 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

La Cour internationale de justice a estimé conforme au droit international la déclaration d'indépendance du Kosovo. Aux subtilités juridiques de son raisonnement fait écho la désinvolture des déclarations politiques.

Administré par l'ONU depuis 1999, le Kosovo avait proclamé son indépendance le 17 février 2008, lors d'une session extraordinaire de son parlement. À la demande de la Serbie, l'Assemblée générale des Nations unies avait saisi la Cour internationale de justice (CIJ) sur la légalité de cette déclaration. Par dix voix contre quatre, la Cour a conclu, le 22 juillet, que le droit international n'avait pas été violé. Ce faisant, les juges de La Haye ont-ils reconnu l'indépendance du Kosovo ? Pas tout à fait.

Décryptage d'un raisonnement

Il incombait à la Cour, selon ses propres explications, de déterminer « si le droit international applicable interdisait ou non cette déclaration ». Mais elle n'était pas tenue « de prendre parti sur le point de savoir si le droit international conférait au Kosovo un droit positif de déclarer unilatéralement son indépendance, ni, a fortiori, sur le point de savoir si le droit international confère en général à des entités situées à l'intérieur d'un État existant le droit de s'en séparer unilatéralement ». D'ailleurs, c'est en donnant satisfaction à la Serbie que la CIJ aurait étendu la portée du droit international...

La Cour s'est donc bornée à examiner les règles onusiennes susceptibles de s'opposer à la déclaration incriminée. Elle s'est penchée, notamment, sur le principe d'intégrité territoriale, pour conclure que son application était « limitée à la sphère des relations interétatiques ». Passant en revue des déclarations d'indépendance jadis condamnées par l'ONU, elle a jugé que leur "illicité" découlait « non de leur caractère unilatéral », mais du fait qu'elles allaient de pair « avec un recours illicite à la force ou avec d'autres violations graves de normes de droit international général ». À ses yeux, « le caractère exceptionnel des résolutions susmentionnées semble confirmer qu'aucune interdiction générale des déclarations unilatérales d'indépendance ne saurait être déduite de la pratique du Conseil de sécurité ».

S'interrogeant sur sa compétence, la Cour ne devait tenir compte « ni de la nature politique des motifs qui pourraient avoir inspiré la demande, ni des conséquences politiques que pourrait avoir son avis ». On ne reprochera pas aux juges de faire leur travail. Aussitôt l'avis connu, cependant, la France s'est empressée d'appeler les États n'ayant pas reconnu le Kosovo « à ne plus tarder davantage pour le faire ». Son message s'adressait plus particulièrement aux cinq membres de l'Union européenne ayant refusé, jusqu'à maintenant, de lui emboîter le pas : d'une part, l'Espagne, la Roumanie et la Slovaquie, qui craignent d'alimenter des revendications séparatistes ; d'autre part, Chypre et la Grèce, en raison de leur différend avec la Turquie.

Incantations du Quai d'Orsay

« Pensant à la déception probable des Serbes », Bernard Kouchner leur a renouvelé son « amitié personnelle ». Gageons que cette désinvolture n'aura pas été très appréciée à Belgrade, capitale d'un État amputé de son berceau historique. Le ministre serbe des Affaires étrangères, Vuk Jeremic, a jugé « crucial » que ses concitoyens « ne répondent pas aux éventuelles provocations ». « Il est primordial de garder notre calme, de rester persévérants, résolus et unis dans la poursuite de ce combat » qui ne peut être que « pacifique », a-t-il déclaré (Coulisses de Bruxelles, 22/07/2010). Son homologue français appelle à « surmonter de manière pragmatique les problèmes concrets demeurant entre Belgrade et Pristina, dans l'intérêt de tous et d'abord de la communauté serbe du Kosovo ». Pour l'heure, ce ne sont que des mots.

Une culture d'influence

15 juillet 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

Vilipendé par ses prédécesseurs, Bernard Kouchner s'enorgueillit de réformer l'action culturelle extérieure de l'État, dont les lycées français à l'étranger demeurent un formidable instrument.

Deux anciens ministres des Affaires étrangères – « et non des moindres », de l'avis même du principal intéressé – ont invectivé Bernard Kouchner dans les colonnes du Monde du 6 juillet : « Cessez d'affaiblir le Quai d'Orsay », ont-ils lancé à leur successeur. « Nous sommes inquiets des conséquences pour la France d'un affaiblissement sans précédent de ses réseaux diplomatiques et culturels », ont déclaré Alain Juppé et Hubert Védrine. « Nous restons, et resterons, le deuxième réseau du monde derrière les États-Unis, et loin devant les pays émergents cités par les auteurs de cette tribune », a aussitôt répondu l'accusé, qui ne se résout pas « à idéaliser le passé au point de croire qu'on ne peut pas gagner en efficacité ».

L'Institut français

Cette controverse aura gâché la fête pour Bernard Kouchner, qui célébrait l'adoption par la chambre basse, le 5 juillet, du projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État. « Il s'agit de l'aboutissement de la plus ambitieuse réforme menée par la France dans le domaine de la diplomatie d'influence depuis des décennies », proclame-t-on fièrement au Quai d'Orsay.

La création de l'Institut français en est la mesure phare. « Cet établissement, que devrait présider Xavier Darcos, sera chargé de promouvoir dans le monde notre création artistique, nos industries culturelles, nos idées, notre langue, nos savoirs. Il s'appuiera sur nos cent quarante-trois centres culturels à l'étranger auquel il donnera son nom. Avec lui, la France disposera de la "marque" qui, à l'heure de la mondialisation, faisait défaut à sa diplomatie d'influence. » La loi crée deux autres établissements publics censés rationaliser l'existant : « Campus France sera chargé de promouvoir la mobilité internationale des étudiants et de renforcer l'attractivité de notre enseignement supérieur. France expertise internationale devra renforcer les capacités de notre pays à projeter son expertise dans les pays émergents ou en développement, comme dans les organisations internationales. »

S'exprimant devant les députés le ministre des Affaires étrangères a promis « un effort permanent de mise en cohérence avec le réseau des Alliances françaises ». « Les deux réseaux devront développer les actions communes, rapprocher leur label et rendre leurs cartes parfaitement complémentaires. Nous avons déjà discuté d'un logo commun et avons retenu une proposition. Une convention, la première du genre, sera signée très rapidement entre l'Institut français et les Alliances françaises » – lesquelles contribuent à diffuser la langue de Molière depuis le XIXe siècle.

Un outil irremplaçable

Jusqu'à présent, la "diplomatie d'influence" de la France s'appuyait sur les centres et instituts culturels, les Instituts français de recherche à l'étranger, les services de coopération et d'action culturelle (SCAC) des ambassades, mais aussi son réseau d'enseignement – « un outil d'influence irremplaçable à l'égard des familles du pays d'implantation comme des étrangers tiers, du fait du lien indéfectible ainsi créé avec la France, sa langue, sa culture et ses valeurs », selon Mme Geneviève Colot, auteur d'un rapport sur « le rayonnement de la France par l'enseignement et la culture » enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 12 janvier, Elle y recensait quatre cents soixante et un établissements scolaires répartis dans plus de cent trente pays et appartenant à trois catégories distinctes (homologués, conventionnés et en gestion directe). Plus de 82 000 Français et 91 000 étrangers étaient inscrits dans des établissements en gestion directe ou conventionnés en 2008-2009, le réseau poursuivait son extension.

Un fragile équilibre menacé par la gratuité

Le député s'était toutefois inquiété de « deux faiblesses majeures » : l'entretien du patrimoine immobilier des lycées français à l'étranger, « dont l'État se désengage », et la croissance des charges de personnel – conséquence, notamment, « d'une forme de "normalisation" de la rémunération des personnels employés à l'étranger, qui se traduit par le paiement de cotisations sociales de plus en plus élevées, là encore sans que l'État compense suffisamment ce surcoût aux établissements ». En résumé, Mme Colot pointait la « situation de fragile équilibre dans laquelle se trouve cet ensemble remarquable » : « Il s'en faut de peu que le réseau ne devienne victime de son succès, victime d'un effet de ciseau entre son attractivité croissante. » Laquelle s'accroît à mesure que la scolarité gratuite s'étend à de nouveaux niveaux (au bénéfice des seules familles françaises toutefois). Sans doute faudra-t-il renoncer à cette mesure promise par Nicolas Sarkozy au nom de l'égalité républicaine. 

Le football, un miroir du village global

17 juin 2010
Article publié dans L'Action Française 2000

La grand-messe du football mondial s'est ouverte vendredi dernier. L'événement se prête naturellement à de multiples tentatives de récupération. Sa démesure économique, aussi bien que le sort des laissés-pour-compte, témoignent des dysfonctionnements de notre "village global".

Nul ne peut échapper à la déferlante footballistique. Nos colonnes elles-mêmes n'échappent pas à quelques embruns... Comme toujours, nos lecteurs se diviseront selon qu'ils soient emportés par la ferveur populaire ou exaspérés par les hordes de supporters, le vacarme des vuvuzelas retransmis depuis l'Afrique du Sud, et les inévitables récupérations politiques.

La mayonnaise aurait-elle tourné ?

Ici ou là, on ne manquera pas d'agiter le drapeau râpé de la France black-blanc-beur, tandis qu'Alain Finkielkraut stigmatisera avec une conviction renouvelée une équipe « black-black-black ». Cela au grand dam d'Éric Besson : découvrant la sélection de Raymond Domenech, le ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire avait regretté « qu'il n'y ait pas au moins un des Benzema, Ben Arfa ou Nasri » – autrement dit, un joueur d'origine maghrébine. La mayonnaise de la "diversité" aurait-elle tourné ?

Depuis le 26 mai, et jusqu'au 11 octobre, la Cité nationale de l'histoire de l'immigration consacre une exposition au ballon rond. « Pratique originaire d'Angleterre, le football se diffuse en France à la fin du XIXe siècle, à la faveur des déplacements et migrations », rappellent les organisateurs. « Joueurs étrangers en clubs amateurs du début du XXe siècle, vedettes étrangères en clubs professionnels du championnat de France, joueurs naturalisés ou, plus fréquemment, d'origine étrangère endossant le maillot tricolore lors des compétitions internationales, relations entre supporters, joueurs et clubs, entre médias et joueurs : le football révèle nombre d'enjeux de la société d'aujourd'hui. "Facteur de rapprochement entre les peuples" pour les uns "creuset" de l'immigration pour les autres, ou encore sport pouvant générer xénophobie et racisme, le football et sa pratique constituent à leur manière un miroir de la société française. »

Audience record en Chine

Voilà une époque révolue. Dorénavant, en effet, ce miroir reflète, dans une large mesure, l'image du village global, en dépit du désintérêt des Américains pour le soccer. Lors des deux premières journées de la compétition, c'est dans l'empire du Milieu, selon la Fédération internationale de football (FIFA), qu'a été enregistré le record d'audience nationale, 24 millions de Chinois ayant suivi la retransmission du match opposant la Grèce à la Corée du Sud.

Aussi les "récupérations" débordent-elles largement du périmètre hexagonal. Samedi dernier, 12 juin, le colonel Kadhafi a vigoureusement condamné la FIFA, une « mafia mondiale » qu'il accuse d'organiser un « trafic d’êtres humains ». Force est de reconnaître qu'il n'a pas tout à fait tort. Le mois dernier, Maryse Ewanjé-Epée a justement publié, aux éditions du Rocher, une enquête consacrée aux Négriers du foot. « Ils sont des centaines chaque mois, les enfants foot qui embarquent pour le voyage sans retour vers d'illusoires carrières », annonce la quatrième de couverture. « En Afrique, le football suscite des passions sans bornes : il est le ticket pour l'ascenseur social. Trafic d'identités, chantage, ruines familiales, disparitions, le phénomène a bouleversé la vie de milliers de familles. Un exilé africain sur mille, en moyenne, fait carrière dans le football. Les autres finissent dans les statistiques des associations comme Foot Solidaire ou Manifootball, qui recensent plus de 200 cas de maltraitance et d'escroquerie chaque année. En France, plus de 1 200 cas d'enfants foot et de footballeurs sans papiers ont été identifiés  »

En revanche, ce sont de jeunes gens présents sur le sol national depuis leur naissance qui suivront non pas le parcours de l'équipe de France, mais celui de la sélection algérienne. Les "Verts", comme on les appelle eux aussi, n'avaient plus participé à la phase finale de la Coupe du monde de football depuis vingt-quatre ans. Mais parmi eux, seuls deux joueurs évolueraient dans un club local. « Pour les Algériens, c’est une équipe importée », apprend-on sur le site Internet de RFI. Peut-être le malaise identitaire n'est-il pas une spécificité française...

Une réponse à la crise...

"Footeux" (comme Philippe de Villiers) ou feignant de l'être, les politiques défileront à l'antenne de Public Sénat, qui lance une émission censée les mettre aux prises avec les enjeux des matchs à venir. Dans les bureaux élyséens, enfin, on se réjouit à l'annonce de la reprise économique : « Le sport, c'est une réponse à la crise », avait déclaré le président de la République, alors qu'il plaidait pour que la France organise l'Euro 2016. Bank of America estime à 0,5 points de PIB l'apport de la Coupe du monde à l'économie sud-africaine. « Mais la question du bénéfice de l'accueil de ce type de manifestation pour le pays reste entière sur le long terme », tempère notre consœur Sandrine Cassini (La Tribune, 11/06/2010).

Dans l'immédiat, peut-être Nicolas Sarkozy caresse-t-il l'espoir qu'un exploit sportif des Bleus galvanisera le moral de la nation. À moins qu'il formule l'hypothèse selon laquelle la distraction des traders apaiserait la tension régnant sur les marchés financiers. En tout cas, on est loin du temps où le chef de l'État nous promettait qu'il irait chercher la croissance avec les dents.