Libre Journal de la réaction : la voiture électrique, c'est moche !

30 juillet 2017

Au programme de l'émission : la voiture électrique, la « France périphérique » et les abeilles.

Mardi dernier, 25 juillet 2017, Philippe Mesnard animait comme tous les quinze jours sur Radio Courtoisie le Libre Journal de la réaction. À son micro, votre serviteur a exprimé les réserves que lui inspire la voiture électrique. Des réserves que reflétaient déjà nos derniers partages de liens, dont certains visaient précisément à préparer cette émission… Autres sujets abordés : la « France périphérique » de Christophe Guilluy, dont Louise Demange a présenté une relecture critique, insistant sur ses implications en termes de stratégie électorale ; et les abeilles, dont Gersende Bessède nous a expliqué qu'elles étaient sauvées par le capitalisme, quoique au prix d'un certain déracinement.

Libre journal de la nuit : le traité établissant une constitution pour l'Europe au menu des discussions

29 mai 2015

Mercredi dernier, 27 mai 2015, votre serviteur était l'invité de Luc Le Garsmeur sur  Radio Courtoisie. L'essentiel des discussions ont porté sur le traité établissant une constitution pour l'Europe, rejeté par référendum il y a tout juste dix ans aujourd'hui.

C'était seulement notre seconde expérience en radio. C'est pourquoi les auditeurs devront se monter indulgents. L'expression manque de clarté... On fera mieux la prochaine fois !

En pareille circonstance, hanté par la crainte de ne plus rien avoir à dire, on garde quelques idées en réserve, si bien qu'on arrive en fin d'émission sans les avoir formulées... C'est malin !

Aussi rappellerons-nous ici que le "peuple" que Nicolas Sarkozy aurait "trahi" en faisant adopter le traité de Lisbonne n'a jamais représenté que 37 % des électeurs inscrits. C'est dire la fragilité de l'onction populaire dont prétendent se draper les détracteurs de ce texte... D'autant que le candidat Sarkozy n'avait pas caché ses intentions : « débloquer l'Europe institutionnellement, ce sera le sens de ma première initiative européenne si je suis élu », avait-il déclaré à Strasbourg le 21 février 2007. « Dans ce but », avait-il annoncé, « je proposerai à nos partenaires de nous mettre d'accord sur un traité simplifié qui reprendra les dispositions du projet de traité constitutionnel. [...] Je proposerai notamment de mettre fin à la règle de l'unanimité. [...] Ce traité simplifié, de nature institutionnelle, sera soumis pour ratification au Parlement. » Dans ces conditions, comment prétendre que la "démocratie" a été bafouée ?

La France des cols bleu Marine

20 avril 2012

Chronique enregistrée pour RFR le dimanche 1er avril 2012.

Nos auditeurs savent-ils dans quelles conditions sont fabriqués les Iphone qu'ils trimballent dans leur poche ? Ils sont assemblés en Chine, dans une usine où l'on travaille souvent plus de quarante-neuf heures par semaine. C'est davantage que le plafond légal fixé dans l'empire du Milieu. Cela ressort des conclusions d'un audit réalisé par la Fair labor association, dont les conclusions ont été publiées jeudi dernier (le 29 mars 2012).

Que les fanatiques d'Apple se rassurent : ils ne sont pas coupables de contribuer à faire travailler des enfants. De toute façon, mon intention n'est pas de les accuser de quoi que ce soit. Je cherche plutôt à les mettre en garde contre l'avenir qui nous est réservé.

En effet, un candidat à l'élection présidentielle a proclamé son ambition de fabriquer des smartphones non pas en Chine, mais en France. Et je ne vous parle pas d'un candidat de seconde division. Bien au contraire : selon des analyses manifestement très sérieuses, ce candidat-là serait le mieux placé pour vaincre François Hollande au second tour. C'est un serviteur illustre de la France, l'incarnation même de la nation, la nouvelle Jeanne d'Arc ! Demain, les royalistes marcheront sur Reims aux côtés de Marine Le Pen.

En attendant, quand un Iphone est importé aux États-Unis, étant donné l'origine des différents composants, ce sont seulement 4 % de son prix qui reviennent à la Chine. 4 % : s'agit-il de la part que l'égérie populiste voudrait réserver à la France ? 4 %, contre 14 % à la Corée du Sud, 18 % à l'Allemagne, 36 % au Japon ?

Aux yeux d'un certain nombre d'économistes, tel Olivier Bouba-Olga, « on peut donc opposer deux stratégies en matière de politique industrielle » : d'une part, la stratégie popularisée par la campagne électorale, « qui vise à soutenir la production de biens "made in France" vendus en France » ; d'autre part, « la stratégie japonaise ou allemande, qui vise à être bien placé dans les processus de production de produits "made in monde" vendus... partout dans le monde ».

Prétendre que l'on serait plus ou moins patriote selon que l'on promeuve l'une ou l'autre de ces stratégies, c'est une belle ânerie, permettez-moi de le dire. Hélas, les royalistes se rendent volontiers complices d'une instrumentalisation démagogique du sentiment national. Je suis désolé de le proclamer à ce micro, mais le "patriotisme économique", à bien des égards, c'est à l'économie ce que le "bio" est à l'agriculture. C'est un gadget marketing, dont la mise en œuvre suppose une normalisation hasardeuse, pour des bénéfices vraisemblablement marginaux.

Érigé en politique, d'aucuns prétendent qu'il serait même « suicidaire ». Parce que si vous vous interdisez de délocaliser certaines activités, vous renoncez également à allouer de façon optimale les ressources dont vous disposez. Le problème se pose en termes similaires à propos des progrès techniques. Cela n'a pas échappé aux parlementaires de l'UMP, dont on connaît l'ultra-méga-super-libéralisme. J'en tiens pour preuve deux propositions de loi déposées il y a quelques mois : d'abord, celle du député Alain Moyne-Bressand, « visant à interdire la généralisation des caisses automatiques aux barrières des péages » ; ensuite, celle du sénateur Alain Houpert, visant à « assujettir aux prélèvements sociaux le chiffre d'affaires réalisé par les caisses automatiques ».  En Allemagne, on compte, paraît-il, trois fois plus de robots industriels que chez nous. Demandez-vous pourquoi l'économie d'outre-Rhin est réputée plus compétitive que la nôtre...

On prétend sauvegarder l'emploi en s'opposant à la technique ou à la mondialisation. Mais conserver, c'est dépérir ! Entasser du blé dans un grenier, stocker des aliments sous vide, cela permet de subsister quelques mois, voire quelques années. S'il convient de se préparer à affronter les disettes, cela ne saurait nous détourner du travail quotidien de la terre, ni des semis réguliers : sans cesse nous devons remettre l'ouvrage sur le métier ! C'est la vie, et nulle incantation volontariste n'y changera jamais quoi que ce soit.

Les cas de relocalisation en témoignent : ils ne concernent pas des emplois recrées à l'identique, mais ils résultent généralement d'un repositionnement de l'activité vers une offre de meilleure qualité. Par conséquent, si nos responsables politiques témoignaient d'un peu  de "patriotisme économique", ils commenceraient par sortir de la farandole courant de Florange à Petit-Couronne, où les candidats à l'élection présidentielle défilent pour visiter les usines du passé. Catoneo l'a martelé sur Royal Artillerie : « Plutôt que de lever le poing au ciel, nous devons développer de l'industrie à travers des métiers neufs et sans tarder, car les courbes ne s'inverseront pas. Innovons ! Découvrons ! Inventons ! »

Vincent Benard a lancé cet avertissement relayé par l'Institut Turgot : « Si nous ne corrigeons pas le tir, le déclin de notre système éducatif et notre fiscalité punitive de la prise de risque pourraient, dès le second tiers du présent siècle, cantonner un pays comme la France au rôle de pourvoyeur de cols bleus mal payés pour le compte de décideurs des pays émergents. » Je vous l'ai dit : on fabriquera des smartphones en France... Bien que ses concurrents ne s'en distinguent pas fondamentalement, au moins Marine Le Pen annonce-t-elle fièrement la couleur.

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Les déboires de l'euro, symbole d'une République en faillite

26 janvier 2012

Chronique enregistrée pour RFR le lundi 23 janvier 2012.

L'année dernière, quelques prophètes avaient annoncé que l'euro ne survivrait pas à 2011 – c'était le cas, on s'en souvient, d'Emmanuel Todd. L'entrée dans la nouvelle année les a couverts de ridicule ! Bien sûr, le spectre d'un éclatement de l'Union économique et monétaire hante les esprits. Mais si l'on s'en tient au cours des devises, en dépit d'une inflexion récente à la baisse, force est de constater que l'euro inspire toujours confiance. Quant à nos auditeurs, je doute qu'aucun commerçant les ait jamais priés de régler leurs achats en or ou en dollars. Chacun peut donc le constater au quotidien : l'euro n'est pas en crise. Du moins, pas au sens strict.

D'ailleurs, la crise de la dette est loin d'affecter les seuls États partageant la monnaie unique, quoique celle-ci leur complique effectivement la tâche pour en sortir. Le redressement des comptes publics est devenu une préoccupation majeure au Royaume-Uni, aux États-Unis, au Japon aussi. C'est dire la légèreté avec laquelle on attribue parfois à l'euro la responsabilité de tous nos malheurs.

En fait, les souverainistes me rappellent ces gens qui, au lieu de condamner les violeurs, incriminent leurs victimes, coupables de les avoir tentés en affichant leur féminité. Tu portais une mini-jupe ? C'est bien fait pour ta gueule ! Cool... On sait que les Grecs ont maquillé leurs comptes publics ; mais ils en sont tout excusés, puisque c'était pour coller aux critères de convergence du traité de Maastricht. Ils se sont trop endettés : c'est encore la faute de l'euro, puisque celui-ci leur a permis de le faire à moindre coût. Parallèlement, on nous explique que la France pâtirait non pas de l'ampleur de ses emprunts, mais de leur coût depuis qu'ils sont souscrits sur les marchés financiers. Bonjour la cohérence.

Tout cela me semble symptomatique d'une démarche idéologique. Évoquant l'"empirisme organisateur" cher à l'AF,  Maurras.net explique qu'il s'agit « de "voir les faits", de se laisser guider par eux, sans faire intervenir un vocabulaire sentimental. Rien ici n'est de l'ordre de la détestation, de l'indisposition, ou d'un mouvement de l'âme si cher aux politiques romantiques et, plus tard, aux démagogues électoraux qui y trouvent le moyen de remuer les foules d'électeurs ou d'émeutiers. » Présentant l'attitude de Maurras à l'égard des colonies, le site précise que celles-ci n'étaient jugées « ni bonnes ni mauvaises métaphysiquement ». En effet, « ce sont les conditions objectives de leur développement, de leur maintien, de leur profit pour la nation qu'il s'agit d'examiner ». Sans préjuger des conclusions, je pense qu'il faudrait faire de même avec l'euro. D'autant que s'en débarrasser, c'est autre chose que de ne pas l'avoir adopté...

J'en vois déjà certains sauter sur leur chaise comme des cabris en disant "souveraineté", "souveraineté". Mais cela ne recouvre rien de concret. Leur discours n'est que le paravent d'un idéalisme républicain, dont participe la dénonciation récurrente du "déficit démocratique". Par cette expression, on ne pointe pas la capacité des responsables politiques à décider ou non en toute indépendance, mais leur inclination à court-circuiter le Sénat et l'Assemblée par l'entremise des institutions européennes. Marine Le Pen n'a pas manqué de verser dans cette rhétorique : dans son projet présidentiel, elle se félicite de l'élection des eurodéputés au suffrage universel direct, et déplore que leurs pouvoirs n'aient pas été davantage accrus. C'est un comble ! En effet, des trois sommets constituant le "triangle institutionnel" de l'Union européenne, le Parlement est clairement le plus fédéral.

Parlons plutôt de puissance et d'indépendance, mais sans faire de celle-ci un absolu. Laisser sa voiture au garage, pour lui préférer le train, voire l'avion, c'est sacrifier un peu de son indépendance, mais cela n'en reste pas moins un choix souverain, motivé, vraisemblablement, par la volonté de s'ouvrir de nouveaux horizons. Quant à l'achat d'une voiture, cela va sans dire, il présenterait peu d'intérêt pour un individu qui ne serait pas en mesure de conduire. C'est pourquoi la perspective d'un retour au franc ne devrait susciter qu'un enthousiasme modéré. En effet, si l'État disposait à nouveau du levier monétaire, saurait-il l'actionner à bon escient ? Déplorant les dévaluations à répétition, Jacques Bainville en a jadis douté.

Quoi qu'il en soit, la question mérite d'être posée. D'autant qu'il ne faudrait pas prendre nos politiciens pour plus bêtes qu'ils ne sont. Ils savaient bien à quels impératifs devait nous soumettre l'adoption d'une monnaie unique. En l'occurrence, une stricte discipline budgétaire, ainsi qu'une grande flexibilité économique censée compenser les écarts de compétitivité. Or, depuis l'entrée en vigueur du traité de Maastricht, la France a fait voler en éclats le Pacte de stabilité, tout en rechignant à libéraliser davantage son économie.

Peut-être avons-nous échappé au pire, me direz-vous. La République n'en apparaît pas moins incapable d'assumer les conséquences de ses propres décisions, bonnes ou mauvaises. En cela, les déboires de l'euro sont le symbole d'une République en faillite. À l'approche de l'élection présidentielle, les royalistes seraient bien inspirés de le marteler.

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« La France est dans la merde »

27 octobre 2011

Au micro de RFR, rebond sur la polémique déclenchée par le spectacle de Romeo Castellucci.

La France est dans la merde ! Pire : elle s'y complait. C'est en tout cas le message que pourraient porter les militants d'Action française, après leur coup d'éclat de jeudi dernier. Le 20 octobre, donc, il se sont retrouvés aux prises avec les forces de l'ordre, peu disposées à tolérer leur présence place du Châtelet, dans le 1er arrondissement de Paris, à l'entrée du théâtre de la Ville.

On joue là-bas Sur le concept du visage du fils de Dieu, un pièce qui plonge le spectateur littéralement dans la merde, sous le regard du Christ dont un portrait domine la scène. C'est une représentation coprodruite par le théâtre de la Ville, dont le financement repose, dans une large mesure, sur des deniers publics. En l'occurrence, une subvention de la ville de Paris, dont le montant se serait élevé en 2007 à 10,7 millions d'euros. Naturellement, en pleine crise de la dette souveraine, on peut s'interroger sur la pertinence d'un tel investissement.

Quitte à chahuter le spectacle pour des motifs  politiques, poser ce genre de question, ce serait peut-être plus intelligible que de crier au « blasphème » censé insulter la nation tout entière. Quant à la "christinophobie", dont je ne parlerai pas sans guillemets, on en mesure la prégnance à la lecture du constat selon lequel il serait désormais « risqué d'être chrétien et de le proclamer », et cela « que ce soit au Caire ou à Paris ». Les coptes apprécieront, sans nul doute, cet élan de solidarité.

C'est l'art contemporain qui est en cause. Avec sa fascination pour les selles et autres déjections, sa soif de cocktails détonants ! Ce qui n'exclut pas, dans le cas présent, un message « spirituel et christique », selon l'auteur de la pièce. Bien au contraire ! « Ce spectacle est une réflexion sur la déchéance de la beauté, sur le mystère de la fin », explique Romeo Castellucci. « Les excréments dont le vieux père incontinent se souille ne sont que la métaphore du martyre humain comme condition ultime et réelle. Le visage du Christ illumine tout ceci par la puissance de son regard et interroge chaque spectateur en profondeur. »  

Cela me laisse pour le moins perplexe, mais je suis tout disposé à croire en la sincérité des propos. De la même façon, en photographiant un crucifix baigné dans l'urine, Andres Serrano a prétendu rappeler « par quelle horreur le Christ est passé ». Qu'importe les intentions, me direz-vous. Effectivement : « Aucune origine n'est belle. La beauté véritable est au terme des choses. »

Sauf que les adeptes de la "christianophobie" s'érigent non seulement en victimes, mais aussi en cibles, puisqu'ils prétendent faire l'objet d'une "phobie" particulière. L'analogie avec l'"homophobie" n'est pas gratuite, loin s'en faut : dans un cas comme dans l'autre, le terme est le produit d'une certaine propagande, et sa consécration ouvre la voie à de multiples condamnations. Les activistes catholiques sont manifestement inspirés par la Halde, c'est un comble !

Cela prêterait à sourire, s'il ne fallait craindre un réveil du laïcisme. Déstabilisée par l'islam, la République se montrait déjà mal inspirée... Donner des gages aux bouffeurs de curés arrangera-t-il quoi que ce soit à l'affaire ?

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Mensonge volontariste, tentation populiste

27 septembre 2011

Chronique enregistrée pour RFR le vendredi 29 juillet 2011.

Une fois n'est pas coutume, l'assainissement budgétaire s'annonce comme un thème majeur de la campagne présidentielle. Cela suscite d'ailleurs un certain malaise à gauche. En revanche, les souverainistes s'en donnent à cœur joie. Tandis que les gouvernements semblent impuissants à résoudre la crise des dettes souveraines, ils agitent une solution miracle, le retour aux monnaies nationales, et proclament que l'histoire leur a donné raison – ce qui n'est pas impossible.

« Sans doute eût-il mieux valu que la Grèce ne rentre pas dans l'euro », reconnaît, par exemple, Alain Madelin. « En conservant son drachme », explique-t-il, « elle n'aurait pu s'endetter inconsidérément comme elle l'a fait sous le parapluie de l'euro et la sous-compétitivité de son économie aurait pu être corrigée par une dévaluation ». Oui mais voilà : abandonner la monnaie unique, c'est autre chose que de ne pas l'avoir adoptée. Aux yeux de l'ancien ministre de l'Économie, il apparaît « impossible d'organiser une conversion forcée de l'ancienne monnaie quand celle-ci continue d'avoir cours comme ce serait le cas avec l'euro ». Pour s'imposer, en effet, « le nouveau drachme [...] se devrait d'être plus attractif que l'euro ». Concrètement, comment voudriez-vous convaincre tout un chacun d'échanger ses euros contre des drachmes ou des francs dont la valeur serait appelée à fondre sur le marché des devises ? Toujours selon Alain Madelin, « le seul exemple connu de sortie d'une zone monétaire par la dévaluation » serait celui du Mali en 1962, « dont l'échec fut piteux ». Voilà un précédent qui mériterait d'être étudié avec la plus grande attention.

Outre la monnaie unique, Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan pointent une réforme intervenue en 1973, qu'ils dénoncent sous le nom de « loi Rotschild ». C'est une allusion à la banque éponyme, qui fut l'employeur éphémère de Georges Pompidou, dont celui-ci est accusé d'avoir servi les intérêts alors qu'il était devenu président de la République. Par cette loi, l'État avait renoncé à se financer directement auprès de la Banque de France ; depuis lors, il doit compter avec les taux fixés par les marchés. C'était une façon de lutter contre les dérives inflationnistes.

Mais selon ses détracteurs, tel Aristide Leucate s'exprimant dans L'Action Française 2000 du 17 mars dernier, « on ne mesure pas à quel point l'impuissance publique ayant résulté de cette funeste décision allait conduire à la privatisation progressive de la chose publique ». Jacques Bainville aurait-il partagé cette analyse ? Il n'y a « rien de plus terrible que la liberté donnée à l'État d'imprimer du papier-monnaie », écrivait-il dans L'Action Française du 2 novembre 1925. À ses yeux, l'indépendance de la Banque de France constituait un « garde-fou » grâce auquel avait été contenu «  le gaspillage financier, inhérent aux démocraties ».

Bien que les circonstances aient changé, cela donne à réfléchir et pose, à nouveau, la question du rapport du politique à l'économique. Schématiquement, deux conceptions s'opposent : l'une respecte l'indépendance de chacun des ordres, quand l'autre croit pouvoir placer le second sous la tutelle du premier. On l'observe à travers les réactions suscitées par la crise de la dette : tandis que les uns appellent l'État à réduire ses besoins de financement, les autres prônent la censure des agences de notation – autrement dit, ils s'attaquent au thermomètre plutôt que de soigner la fièvre... « Quand on n'a pas assez de bonne monnaie, et qu'on est bien résolu à ne pas recourir à la fausse, quand on veut se contenter de ce peu de bonne monnaie plutôt que d'aller à la ruine par une richesse fictive, que faut-il faire ? » se demandait Jacques Bainville, quelques mois plus tard, toujours dans les colonnes du quotidien royaliste. « Se restreindre », répondait-il. Selon lui, « il n'y a pas d'autre système que les économies ».

Certains s'y refusent néanmoins. Ce faisant, ils se fourvoient dans le volontarisme. Par ce terme, je ne désigne pas le dirigisme, mais un certain rationalisme : d'aucuns fantasment sur l'économie comme d'autres planifiaient jadis le découpage administratif de la France suivant des formes géométriques. Dans un article publié par Causeur en mai dernier, Georges Kaplan raconte comment s'est développé un véritable système monétaire dans la cour d'école qu'il fréquentait à l'âge de dix ans, où il échangeait des billes avec ses camarades. Preuve que l'organisation économique revêt un caractère en partie spontané. Et qu'à l'inverse, la volonté pure ne suffit pas à la transformer. La plupart des royalistes n'étant pas abusés par le mythe du contrat social, ils devraient pourtant l'admettre sans difficulté !

Selon la formule popularisée par Milton Friedman, « il n'y a pas de repas gratuit ». Autrement dit, il y a toujours un prix à payer. Peut-être la monétisation de la dette présente-t-elle quelque vertu. Je ne me risquerai pas à en débattre, mais je tiens à mettre en garde nos auditeurs contre l'illusion selon laquelle l'ardoise pourrait être effacée d'un coup de baguette magique.

Hélas, le mensonge volontariste se trouve nourri par la tentation populiste. De fait, on se targue de prendre le parti du « peuple » contre l'« oligarchie » ou quelque « super-classe mondiale ». Autant revendiquer l'espoir de provoquer un sursaut en précipitant la République vers l'abîme. Car galvaniser le mécontentement populaire, c'est bien choisir la politique du pire. Le constat établi en 1926 par Jacques Bainville demeure d'actualité : « Les neuf dixièmes de la France ne comprennent rien à ce qui se passe. D'où la difficulté de demander à la masse, représentée par ses élus, des sacrifices dont la portée et la destination lui échappent. »

Selon l'historien d'AF, « dans toute la mesure où elle était indépendante de l'élection, la Restauration a été économe. Dans toute la mesure où elle dépendait de l'opinion publique, elle a suscité un mécontentement et des rancunes que ne désarmait pas le retour de la prospérité. "Grande et importante leçon", eussent dit nos pères. Elle explique la lâche paresse avec laquelle nos gouvernements démocratiques se sont laissé aller, comme la Révolution elle-même, sur la pente facile des assignats et de l'inflation. »

Or, comme l'écrivait encore Jacques Bainville, en 1933 cette fois-ci, « la foule comprend à la lueur des éclairs dans le ciel, quand l'orage des changes commence à gronder. [...] Après quoi, de nouveau, elle oublie tout. » Sous la Ve République, la construction européenne et le carcan du droit ont tempéré l'incurie monétaire, mais non le laxisme budgétaire. L'opinion publique semble disposée à l'entendre plus qu'elle ne l'a jamais été.  C'est une opportunité à saisir.

Les citations de Jacques Bainville sont tirées de La Fortune de la France, un recueil d'articles paru en 1937 et disponible gratuitement dans la bibliothèque numérique des "Classiques des sciences sociales".

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Royalisme ou populisme, il faut choisir !

26 mai 2011

Quatrième chronique pour RFR. Parmi les sujets abordés cette fois-ci : la prime sur les dividendes, le rôle de l'État et le populisme.

Selon les conclusions d'un sondage Viavoice-BPCE réalisé pour Les Échos et France info, 62 % des Français seraient favorables à la prime Sarkozy sur les dividendes. C'est désespérant, quoique très compréhensible.

On pourrait disserter des heures durant sur ce dispositif inepte, présenté hier en conseil des ministres. Selon le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2011, donc, les entreprises comptant plus de cinquante salariés seraient priées de verser une prime à leurs employés, dès lors que les dividendes attribués aux actionnaires augmenteraient par rapport à la moyenne des deux années précédentes. Vous suivez ? Dans le cas contraire, cela n'aurait rien d'étonnant : « ce qui se conçoit bien s'énonce clairement »... et inversement !

Cette prime est censée contribuer au « partage de la valeur ajoutée » cher au chef de l'État. Comme si les dividendes et leur évolution étaient toujours à l'image des bénéfices. Or, c'est loin, très loin d'être le cas. Prenez la situation de Total, vilipendé pour se profits considérables : ses dividendes étant restés stables, il ne sera pas soumis à la prime Sarkozy. En revanche, le patron d'une PME qui ne se verserait aucun salaire devra négocier avec ses employés l'augmentation de sa rémunération, c'est un comble ! Tout cela n'a aucun sens : pourquoi les salariés seraient-ils plus ou moins avantagés selon que leur entreprise se finance sur les marchés, en mobilisant des actionnaires, ou bien auprès des banques, en souscrivant des prêts rémunérés par des intérêts ?

Les partenaires sociaux ne s'y sont pas trompés. De façon quasi unanime, patrons et syndicats ont dénoncé cette immixtion de l'État dans leurs négociations. Mais l'opinion publique demeure sensible aux slogans simplistes – du genre "pas de prime pour les actionnaires sans prime pour les salariés". Pour le président de la République, il s'agit, naturellement, d'exploiter quelques clichés néo-marxistes ancrés dans les esprits. À commencer par l'opposition systématique entre capital et travail.

On stigmatise volontiers ces actionnaires cupides, accusés de s'enrichir sur le dos des salariés. Qu'en est-il dans les faits ? « Il y a un an, la Bourse française était encore déprimée », rappelle Florin Aftalion, professeur émérite à l'Essec, dans un article publié par La Tribune. « En revanche », poursuit-il, « il y a dix ans, elle était en pleine forme. [...] Un portefeuille représentant l'indice constitué à ce moment-là et conservé depuis aurait aujourd'hui perdu 28 % de sa valeur initiale ; en incorporant les dividendes reçus, son rapport sur dix [ans] aurait été inférieur à 1 % par an ! En valeur réelle, compte tenu de l'inflation, il aurait perdu de l'argent. »

À certains égards, il apparaît donc injuste de jeter l'anathème sur les détenteurs des capitaux. Mais cela s'avère surtout stérile, et même contre-productif. Hélas, les politiciens ne s'en privent pas. Tels Nicolas Sarkozy, nous l'avons vu, mais aussi Marine Le Pen, avec, dans son cas, la bénédiction de certains royalistes. Incarné par une femme, l'homme providentiel leur apparaît soudain plus fréquentable... Mes camarades me pardonneront de les caricaturer – ils savent que je le fais en toute amitié. Cela dit, on s'étonne de les voir ainsi conquis par le virage jacobin du Front national. Sans doute cela s'inscrit-il dans la logique souverainiste : en s'accommodant de la « souverainété nationale » récusée par Maurras, on assimilait déjà, plus ou moins, l'État à la nation ; dorénavant, c'est également la nation qu'on assimile à l'État.

Dans le dernier numéro de L'Action Française 2000, Paul-Marie Coûteaux pointe l'influence des syndicats d'enseignants pour illustrer la perte de souveraineté de l'État. Ce faisant, il exclut implicitement de limiter celle-ci à quelques fonctions régaliennes, et se méprend sur les causes de l'impuissance publique. De toute façon, on n'œuvrera pas au retour du roi en entretenant la conception d'un État tentaculaire dont les monarchistes dénonçaient jadis les germes totalitaires.

Selon Maurras, « un État normal laisse agir, sous son sceptre et sous son épée [certes], la multitude des petites organisations spontanées, collectivités autonomes, qui étaient avant lui et qui ont chance de lui survivre, véritable substance immortelle de la nation ». En cela, je suis désolé de le dire, le maître de l'AF ne me semble pas opposé à certains libéraux. Je pense à Alain Madelin, auteur, par exemple, d'un plaidoyer pour la subsidiarité publié sur son blog lundi dernier. « Dans la grande société ouverte qui se dessine aujourd'hui », écrit-il, « les relations verticales d'hier sont largement remplacées par des liens horizontaux dans un grand chamboule-tout de la pyramide des pouvoirs ». La suite est plus intéressante : « On a longtemps cru que plus les choses devenaient complexes, plus elles devaient être dirigées d'en-haut. On sait maintenant qu'au contraire, il faut laisser la plus large autonomie aux éléments qui composent un système complexe pour permettre leur coordination. » Cela rend d'autant plus actuelle la conception "royaliste" de l'État... et d'autant plus regrettable son abandon pas ses promoteurs traditionnels.

Participant des déboires de l'État-providence, la crise de la dette souveraine fournirait un prétexte idéal à la dénonciation de l'incurie républicaine. L'Alliance royale le martèle à chacune de ses campagnes : « Un président est un chef de parti, qui pense à la prochaine élection  ; un roi est un chef d'État, qui pense à la prochaine génération. »  Dans ce contexte, cependant, la vulgate tend à dédouaner les politiques de leurs responsabilités, puisque ceux-ci sont soumis, paraît-il, à la toute-puissance des marchés.

Tandis que monte la grogne populaire, « il appartient à l'Action française non seulement d'accompagner ce mouvement mais aussi et surtout de l'éclairer » C'est, en tout cas, ce que clamait François Marcilhac le 8 mai dernier, dans son discours prononcé à l'occasion de la fête de Jeanne d'Arc. Nous sommes d'accord ! Reste qu'à cet effet, les royalistes devraient plutôt se méfier des sirènes populistes. Appeler au primat du politique sur l'économique, c'est exprimer des valeurs, mais non donner un cap à l'action publique – sauf à revendiquer également le primat de l'État sur les entreprises en lançant un vaste programme de nationalisations.

En son temps, le maître de l'Action française pouvait établir le constat selon lequel « l'économie industrielle ne joue point dans le vaste cadre de la planète ». Manifestement, les circonstances ont changé, et cela s'avère pour le moins déstabilisant. Peut-être cette évolution explique-t-elle la tentation d'enfoncer des portes ouvertes par d'autres, ou celle de se réfugier dans un dédain romantique de l'économie... Il nous appartient pourtant d'en tirer les conséquences. Le défi qui nous est lancé s'annonce passionnant à relever ! Mais peut-être préférera-t-on rester en marge de l'histoire ?

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Après L'Express, France Culture

29 avril 2011

Brève incursion sur la bande FM 😉

À l'occasion du mariage de Kate et William, France Culture a donné la parole aux républicains britanniques, mais aussi aux monarchistes français.

Notre consœur Laurie Fachaux, dont la voix vous sera peut-être familière, est venue visiter les bureaux de L'Action Française 2000, où nous lui avons accordé un bref entretien.

Ce faisant, nous n'avons pas manqué de faire la publicité de notre employeur, sachant bien que notre racolage serait coupé au montage. Or, très courtoisement, notre interlocutrice a finalement choisi d'annoncer notre prochain numéro en conclusion de son reportage. Qu'elle en soit remerciée.

Face à la mondialisation, mobiliser les ambitions

20 avril 2011

Troisième chronique enregistrée pour RFR. SI nous versons délibérément dans la polémique, c'est en toute amitié pour nos camarades, dont la variété des opinions nous chagrine d'autant moins que les options électorales ont toujours été les plus diverses à l'AF.

L'UMPS n'en a plus pour longtemps ! En effet « l'union des patriotes » est en marche. Emporté par la "vague bleu Marine", Paul-Marie Coûteaux s'attèle à sa réalisation afin de constituer « un gouvernement de salut public incluant toutes les forces qui refusent le fatalisme mondialiste ».

C'est, à n'en pas douter, un renfort de poids pour Marine Le Pen. La notoriété du Front national est certes sans commune mesure avec celle du Rassemblement pour l'indépendance de la France. Sauf, peut-être, aux yeux de quelques royalistes (dont nous avons été) qui se sont flattés d'entre-apercevoir grâce à lui les arcanes du pouvoir. Le RIF s'est d'ailleurs enthousiasmé de voir l'AFP faire écho à son appel – preuve que cela n'était pas gagné d'avance. Reconnaissons toutefois qu'en pareille circonstance, nous n'aurions pas boudé notre plaisir.

Sont donc appelés à se rassembler les « patriotes », c'est-à-dire, dans le cas présent,  visiblement, les souverainistes, pourfendeurs de l'Union européenne et des multiples avatars du multilatéralisme (Otan, OMC, etc.). Le terme "patriote" apparaît employé dans une acception pour le moins restrictive, ou plutôt exclusive : quid, par exemple, de nos camarades de l'Alliance royale ? Tout patriotisme leur serait-il étranger ? L'attachement à son pays ne se mesure pas à l'aune des convictions politiques.

La mobilisation des "volontaires patriotes" ne va pas sans quelque connotation révolutionnaire. De fait, le souverainisme cultive une certaine nostalgie du jacobinisme... Cela étant, ayant été formé à l'école d'Action française, nous ne récusons pas le principe du "compromis nationaliste". Reste son objet.

Or, fédérer quelques grincheux contre une Europe méconnue ne suffit pas à tracer un cap. Considérons l'expérience britannique : les Tories ont beau vociférer contre l'Union européenne, ils n'ont pas songé un instant à en claquer la porte depuis leur retour au pouvoir. C'est tout naturel : l'exercice des responsabilités se heurte à des réalités volontiers négligées par l'opposition. A fortiori quand celle-ci est privée de toute culture de gouvernement, à l'image du Front national.

N'en déplaise aux esprits romantiques, l'action politique est loin de se réduire à quelques coups d'éclats annoncés avec fracas. Elle s'inscrit dans un système – par analogie à la mécanique newtonienne. Un système où de multiples forces interviennent. Inertie oblige, on n'en modifie pas l'équilibre d'un claquement de doigts.

Parmi les forces en jeu, il y a les représentations de l'opinion, avec lesquelles interagissent les discours politiques. En la matière, les ressorts exploités par le Front national et ses alliés potentiels sont-ils fondamentalement différents de ceux privilégies par l'UMP ou le Parti socialiste ? À bien y réfléchir, cela n'est pas évident.

Prenons quelques exemples : attribuer directement à l'immigration la responsabilité du chômage, c'est promouvoir la conception malthusienne de l'emploi à l'œuvre dans la réforme des 35 heures ; promettre aux contribuables de nationalité française qu'ils seront les bénéficiaires exclusifs des aides sociales, c'est souscrire aux sollicitations permanentes de l'État-providence ; fustiger le droit d'ingérence, qui sert de prétexte aux opérations militaires, c'est encourager la France à sortir de l'histoire ; enfin, dénoncer la loi du marché, par nature immuable, c'est entretenir les illusions volontaristes  condamnant le politique à sa déchéance.

À ce titre, appeler à lutter contre la mondialisation, voire le mondialisme, nous apparaît significatif. Passer d'un terme à l'autre, c'est laisser entendre qu'un architecte est à l'œuvre dans la construction du "village global". C'est faire beaucoup d'honneur à Jacques Attali ! C'est aussi légitimer la frilosité de la nation confrontée à la nouvelle donne internationale.

Si le PS et l'UMP s'accordent sur un relatif attentisme, alors leurs détracteurs se livrent, somme toute, à des menées défaitistes. Ils pourraient louer le génie de la France, parier sur l'inventivité de son peuple, galvaniser les énergies pour affronter la concurrence des pays émergents. Mais que nous proposent-ils, sinon de bâtir un bunker dont les fondations reposeraient vraisemblablement sur du sable ?

À cette « union des patriotes », la raison comme les sentiments nous font préférer la mobilisation des ambitions – fussent-elles mercantiles ! – afin qu'aux quatre coins du monde soient portées les couleurs de la France.

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Critique du néo-gaullisme

29 mars 2011

La mise en œuvre de la résolution 1973 du CSNUE a donné lieu à quelques tergiversations sur le rôle de l'Otan. C'est l'objet de notre seconde chronique diffusée par Radio Fréquence royaliste.

Le 17 mars, à la demande de la France, du Royaume-Uni, des États-Unis et du Liban, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 1973 – une résolution censée légitimer l'usage de la force pour protéger les populations civiles de Libye.

Aussitôt, une controverse est apparue quant à la contribution de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord. En dépit de l'activisme déployé par son secrétaire général, le Danois Anders Fogh Rasmussen, l'Otan est demeurée sur la touche tandis qu'une coalition internationale entamait ses opérations dans le ciel libyen. Cela n'était pas pour déplaire au locataire du Quai d'Orsay : « Les pays arabes ne veulent pas d'une opération sous le drapeau Otan », a martelé Alain Juppé. Il est vrai que l'étoile polaire « a mauvaise presse en Afrique et au Proche-Orient », comme l'a souligné, par exemple, Olivier Kempf, sur son blog consacré aux Études géopolitiques européennes et atlantiques (EGEA).

Cela étant, la bannière américaine bénéficie-t-elle d'une meilleure image ? Bien sûr que non. Or, faute de mobiliser d'emblée les moyens alliés, il a bien fallu confier la coordination des opérations à l'oncle Sam. Lequel n'a pas caché son impatience de céder les rênes. Jean-Dominique Merchet, qui n'a rien d'un atlantiste patenté, s'est interrogé sur son blog Secret Défense : « Quelles structures militaires sont capables de commander une opération multinationale dans la durée ? Soit les Américains, soit l'Otan d'une manière ou d'une autre », a-t-il répondu. « La France n'avait pas les outils de coordination éprouvés et tout le monde avait peur d'un accident », a renchéri Kardaillac. « On a concédé à Zébulon Ier (autrement dit, Nicolas Sarkozy) un "conseil politique" des pays combattants où chacun enverra un sous-fifre pour nous faire plaisir en écoutant l'oracle », a-t-il écrit sur le forum Vive le Roy. Allusion au "compromis" en application duquel une coalition d'États participe désormais au pilotage politique des opérations en partenariat avec l'Alliance atlantique.

Une telle issue apparaissait assez prévisible. C'est pourquoi les réticences exprimées par Alain Juppé semblent s'inscrire dans une certaine tradition gaullienne, en vertu de laquelle la France se devrait de jouer les empêcheur de tourner en rond, mais sans jamais envisager sérieusement la rupture du lien transatlantique. C'est un retour au néo-gaullisme que le président de la République avait mis en sourdine quelques années durant.

À vrai dire, l'ancien Premier ministre avait annoncé la couleur dès son retour au gouvernement. Alors qu'il occupait l'Hôtel de Brienne, Alain Juppé avait proclamé « notre ambition d'édifier une Europe politique ». Ce serait, selon lui, « un objectif réaliste », en dépit du constat, qu'il établit lui-même, selon lequel « l'idée de l'Europe comme pôle d'influence, sans même parler d'une Europe puissance, n'est pas partagée par tous ». « C'est essentiellement une idée française », a-t-il reconnu, « et qui ne fait d'ailleurs même pas l'unanimité chez nous ».

C'est un énième écho au plan Fouchet... Il s'agit, plus ou moins, d'appliquer à l'Europe la quête d'une pseudo-grandeur chère au général de Gaulle. Un vieux fantasme hexagonal dont on mesure l'inanité à l'heure où Paris et Berlin s'opposent sur la question libyenne. « On va avoir du travail pour préserver l'unité de l'UE », a remarqué un diplomate cité par Les Échos. Et alors ? De toute façon, l'Europe ne parviendrait à parler d'une seule voix qu'en sortant délibérément de l'histoire.

Si nous avons choisi d'évoquer ici cette posture néo-gaullienne, c'est parce qu'elle n'est pas sans exercer une certaine attraction sur les royalistes. En témoigne l'enthousiasme que suscita Dominique de Villepin bravant l'impérialisme américain à la tribune des Nations Unies, tandis que se dessinait une nouvelle invasion de l'Irak. L'arrogance du discours a flatté les sentiments, excité notre fibre chauvine, mais n'était-ce pas le masque de notre impuissance ? Dans l'espoir d'influencer les Américains, la nomination d'un Français a la tête du commandement allié pour la Transformation (en l'occurrence, le général Abrial) nous semble a priori plus efficace que ces vaines gesticulations.

On entretient par l'esbroufe l'illusion d'une puissance perdue, ou l'on espère son retour à la faveur d'une étincelle de volonté qui, une fois jaillie à la tête de l'État, suffirait à embraser la planète entière. La méfiance exprimée régulièrement à l'égard d'une Otan caricaturée ne s'explique pas autrement. À l'entretien du lien transatlantique, on oppose traditionnellement, et bien naïvement, l'approfondissement potentiel des relations avec Moscou. Ce faisant, on feint d'ignorer, par exemple, l'accueil favorable que la presse russe réserva au retour de la France dans les structures alliées intégrées.

Le réel s'avère complexe, mais les royalistes doivent trouver le courage de l'affronter s'ils veulent mener à bien l'un des premiers combats qui se présentent à eux, à savoir, celui de la crédibilité.

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