27 janvier 2019
Autant le dire tout de suite : la réponse est non. Du moins, si l'on considère l'obsolescence programmée dans son acception la plus stricte et légitime : celle d'un sabotage réalisé à dessein. Explications.
Il y a quelques mois, en octobre 2018, de nombreux journaux ont rapporté qu'Apple et Samsung avaient été condamnés en Italie pour « obsolescence programmée
». Beaucoup d'articles ont été écrits à ce sujet. Mais parmi leurs auteurs, rares sont ceux qui semblent avoir pris connaissance des jugements dont ils ont rendu compte. Émile Meunier, avocat de l'association Hop (Halte à l'obsolescence programmée) a diffusé une traduction (certes un peu approximative) de celui concernant Apple. Merci à lui !
La condamnation d'Apple en quelques lignes
À la lecture de ce document, il apparaît que, selon l'Autorité de la concurrence et du marché italienne (AGCM), Apple aurait « incité les consommateurs disposant d'un Iphone 6, 6 Plus, 6S, 6S Plus à installer le système d'exploitation IOS 10 et les mises à jour ultérieures, sans fournir d'informations adéquates sur l'impact de ce choix sur les performances du smartphone et sans offrir (sinon dans une mesure limitée ou tardive) aucun moyen de restaurer la fonctionnalité initiale des appareils en cas de dégradation avérée des performances après la mise à niveau (par exemple, une dégradation ou un remplacement des piles pour un coût raisonnable)
».
Voilà comment est résumée officiellement la condamnation d'Apple : il lui est reproché d'avoir forcé la main des utilisateurs d'Iphone pour migrer vers une nouvelle version d'IOS, sans les informer correctement des désagréments qui risquaient d'en découler ni leur offrir la possibilité de revenir en arrière. Les reproches faits à Samsung, quoiqu'un peu moindres, sont vraisemblablement du même ordre.
Dans son exposé, l'AGCM va toutefois plus loin. Elle revient sur les arrêts intempestifs dont se sont plaints, à l'automne 2016, des utilisateurs d'Iphone 6, 6 Plus, 6S ou 6S Plus. Elle affirme que ce phénomène était « le résultat de la mise à niveau vers le système d'exploitation IOS 10, en raison de l'incapacité de la batterie d'un grand nombre des modèles précédents – et déjà largement utilisés par les consommateurs – à répondre aux besoins énergétiques accrus du nouveau système d'exploitation et à ses nombreuses nouvelles fonctions
». Autrement dit, la marque à la Pomme aurait commis l'erreur de déployer un système d'exploitation conçu pour des machines récentes sur des appareils trop anciens pour le supporter. Certains utilisateurs y auront pourtant trouvé leur compte, mais l'AGCM n'entre pas dans ce débat.
Elle dénonce « une pluralité de comportements, visant d'abord à inciter les propriétaires de ces smartphones à installer de nouvelles versions du système d'exploitation IOS et, ensuite, à cacher que les dysfonctionnements et les ralentissements des appareils étaient la conséquence de l'installation de ces mises à jour du firmware, accélérant ainsi le remplacement des Iphone par des modèles plus récents
».
De nombreuses insinuations
Dès lors, l'obsolescence programmée n'est-elle pas caractérisée ? Dans cette perspective, plusieurs éléments à charge sont effectivement présentés par l'Autorité italienne. « Dans ce contexte
», estime-t-elle, « les inconvénients subis par les utilisateurs (en l'occurrence, les ralentissements, les réductions des fonctionnalités de l'Iphone dues à la mise à jour du firmware), ainsi que le manque d'information et le mauvais service après-vente, font partie d'une politique commerciale dans laquelle le processus de remplacement des anciens modèles par de nouveaux est particulièrement important
». Documents à l'appui, l'AGCM démontre (s'il en était besoin…) « que l'objectif d'Apple est de maintenir et d'augmenter un taux élevé de remplacement des équipements grand public par des équipements neufs et que, dans ce contexte, Apple applique et privilégie une politique de "trade in" des produits par rapport à leur simple réparation, même en donnant des instructions restrictives sur la recevabilité de la réparation et sur les coûts à engager
». Pour bien enfoncer le clou, l'AGCM rappelle « qu'Apple a été le premier fabricant à proposer un smartphone dont la batterie ne peut être retirée et remplacée par son propriétaire, sauf avec l'intervention d'un technicien qualifié et via l'enlèvement de l'écran
». « En ce qui concerne l'architecture de l'Iphone
», précise-t-elle cependant, « Apple souligne que cela serait conçu uniquement pour assurer l'attrait esthétique et la légèreté, certainement pas pour le rendre plus difficile à réparer
».
Quoi qu'il en soit, selon l'Autorité italienne, « le processus de remplacement des modèles Iphone 6, 6 Plus, 6S, 6S Plus qui ne sont plus couverts par une garantie légale a été accéléré, dans un contexte où le choix du consommateur est limité, compte tenu également des coûts de transition liés au passage à un smartphone d'un fabricant différent basé sur un système d'exploitation autre qu'IOS, ou caractérisé par un niveau de qualité perçue inférieur
».
Curieusement, si l'Autorité italienne mentionne l'avantage qu'Apple a pur tirer des déconvenues subies par ses clients, elle ne s'intéresse pas aux conséquences négatives qui pourraient peut-être en résulter pour lui. L'AGCM explique que les clients de la marque à la Pomme sont plus captifs que ceux de ses concurrents ; elle souligne « le niveau remarquable de fidélité à la marque Apple de la part des propriétaires d'Iphone
», estimé à 70 %. Mais en mécontentant les utilisateurs de ses produits, Apple ne risque-t-il pas de les détourner de sa marque ?
Depuis quand des imprévus sont-ils programmés ?
De toute façon, en droit français, rappelons-le, « l'obsolescence programmée se définit par l'ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d'un produit pour en augmenter le taux de remplacement
». Autrement dit, c'est un sabotage. La jurisprudence n'a pas encore eu l'occasion de le confirmer, mais ce sont incontestablement des pratiques de ce type qui étaient visées par l'Assemblée nationale, quand un amendement a été ajouté à cet effet dans la loi sur la transition énergétique.
Dans le cas présent, les dysfonctionnements des Iphone dénoncés par l'AGCM ont-ils été provoqués à dessein par Apple ? La question n'est pas posée par l'Autorité italienne. Dans son exposé, elle mentionne toutefois plusieurs indices susceptibles de nous éclairer à ce sujet.
Par exemple, l'AGCM rend compte « d'une prise de conscience, au sein des structures Apple, des problèmes liés aux batteries et aux mises à jour d'IOS
». Elle rapporte ainsi qu'« au cours de l'année 2016, le système de correspondance et d'information de l'entreprise a montré qu'Apple avait
[…] constaté l'apparition de pannes imprévues de certains Iphone 6 dues à une insuffisance de piles et avait mis en place un programme limité pour le remplacement gratuit des piles
». Et de poursuivre : « Le problème des arrêts soudains d'exploitation (UPO), cependant, concernait une un ensemble beaucoup plus large de dispositifs
[…] au point d'inciter Apple à publier une mise à jour logicielle visant à réduire la demande d'énergie de pointe
». Cela s'est traduit par le déploiement de correctifs successifs : « En décembre 2016, Apple a publié la mise à jour 10.2, qui comprend une fonction de diagnostic spéciale pour comprendre le phénomène des UPO. Puis, en janvier 2017, Apple a publié la mise à jour IOS 10.2.1, qui contient une fonction spéciale de "gestion de l'alimentation", visant à réduire les pics de consommation requis par IOS 10 et suivants qui peuvent ne pas être pris en charge par la batterie, provoquant l'"UPO" décrite.
» Il est question ici d'une « prise de conscience
» consécutive à des pannes « imprévues
»… Ce compte-rendu des événements proposé par l'Autorité italienne laisse donc clairement entendre que rien de tout cela n'était "programmé".
En définitive, on relève dans l'exposé de l'AGCM moult insinuations susceptibles de nourrir des accusations d'obsolescence programmée, sans y trouver toutefois les éléments susceptibles de les étayer. Peut-être Apple a-t-il effectivement tiré profit des dysfonctionnements des Iphone. À tort ou à raison, en tout cas, l'Autorité italienne le suggère ouvertement. Mais rien, dans son exposé, ne permet d'affirmer qu'il ait provoqué des pannes de façon délibérée. Au contraire. En matière d'obsolescence programmée, on en reste donc toujours au même point : aucun cas délictueux n'a jamais été avéré.
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3 juin 2017
Article publié dans L'Action Française 2000
L'Union européenne précise ses prérogatives quant à la ratification des accords de libre-échange.
La machine européenne semble s'être enrayée. Dernièrement, en tout cas, la ratification des traités conclus avec l'Ukraine puis le Canada s'est heurtée à la fronde d'un parlement national (Pays-Bas) puis régional (Wallonie). Qu'en sera-t-il à l'avenir ? La Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) vient de clarifier le 16 mai 2017 les règles qui prévaudront en vertu de sa jurisprudence.
Un point pour les États
En 2013 avait été paraphé un accord avec Singapour. Comme le rappelle la CJUE, « il s'agit de l'un des premiers accords de libre-échange bilatéraux dits de "nouvelle génération", c'est-à-dire un accord de commerce qui contient, outre les dispositions traditionnelles relatives à la réduction des droits de douane et des obstacles non tarifaires dans le domaine des échanges de marchandises et de services, des dispositions dans diverses matières liées au commerce, telles que la protection de la propriété intellectuelle, les investissements, les marchés publics, la concurrence et le développement durable
». Or, selon la Cour, ce traité « ne peut pas, dans sa forme actuelle, être conclu par l'Union européenne seule
». Notamment en raison des dispositions relatives au règlement des différends entre investisseurs et États qui ne sauraient relever, selon elle, de la compétence exclusive de l'Union.
Un autre pour l'Union
Cela étant, les juges européens n'en viennent pas moins « de donner un coup de pouce particulièrement bienvenu aux négociateurs européens
», selon notre consœur Florence Autret. « Jusqu'alors
», explique-t-elle dans La Tribune, « il n'était pas certain qu'un accord comportant des règles sociales ou environnementales ou bien couvrant le secteur des transports puisse être approuvé par les seules institutions européennes
». Sur ce point, une ambiguïté vient donc d'être levée. Aux dépens des États, ou du moins de leurs parlements.
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2 novembre 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
Considérations sur l'extraterritorialité de la législation américaine.
Le nouveau locataire de la Maison-Blanche sera désigné mardi prochain, 8 novembre 2016. Quelle que soit l'issue de cette élection, le Vieux-Continent continuera-t-il de subir la volonté de Washington ? Il apparaît « nécessaire de faire valoir auprès des États-Unis que certaines pratiques sont devenues abusives et que la France ne les acceptera plus
», martèle une mission parlementaire présidée par Pierre Lellouche.
Américain par accident
En cause : « l'extraterritorialité de la législation américaine
». BNP-Paribas en a fait les frais voilà deux ans, pour avoir violé des embargos financiers décrétés outre-Atlantique contre Cuba, l'Iran ou le Soudan. Alors qu'Alstom était poursuivi pour corruption, peut-être cette procédure a-t-elle contribué au rachat de sa branche énergie par General Electric. Quant aux Français nés aux États-Unis, américains par accident, l'oncle Sam leur fait les poches ; afin d'échapper à un impôt ubuesque, ils peuvent certes renoncer à la nationalité américaine, mais encore faut-il y mettre le prix : « potentiellement 15 000, voire 20 000 euros
», selon Karine Berger, rapporteur.
La fronde du Congrès
Ces exemples sont-ils la traduction d'un impérialisme délibéré ? Comme l'observent les députés, « les États-Unis ont une "politique juridique extérieure", ce qui n'est sans doute pas le cas de la plupart des autres États
». Ils n'en sont pas moins fragilisés par leurs faiblesses institutionnelles : ainsi que le rapporte la mission d'information, « l'un des meilleurs moyens pour le Congrès de bloquer la politique étrangère de l'exécutif
[...] est d'adopter des lois qui, par leur portée extraterritoriale, sont de nature à empêcher cette politique d'atteindre ses objectifs
» – comme avec l'accord de juillet 2015 sur le nucléaire iranien. Au printemps dernier, Jack Lew, secrétaire au Trésor, s'est lui-même inquiété de ces dérives : « toutes les critiques habituelles en Europe sont présentes dans la bouche du ministre américain
», soulignent les parlementaires : « les risques diplomatiques et économiques, l'agacement qui touche même les proches alliés, le risque de remise en cause du rôle du dollar
».
Les autorités américaines « sont prêtes à la coopération internationale si leurs interlocuteurs répriment efficacement et sévèrement la corruption
», croient savoir les députés. Il est vrai que « d'après les statistiques de l'OCDE sur la répression de la corruption transnationale, la justice américaine est indéniablement beaucoup plus "activiste" que celles de la plupart des pays européens
». La France semble décidée à changer la donne, comme en témoigne le projet de loi « relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique
». Il est question, notamment, d'introduire en droit français un mécanisme de transaction pénale. D'ores et déjà, la collaboration transatlantique se trouve facilitée par le parquet national financier, créé en 2014. Mais quand elles répondent aux sollicitations de la justice américaine, les entreprises françaises sont censées le faire sous le contrôle des autorités nationales, en application de la loi du 26 juillet 1968 (dite « loi de blocage
»).
Culture du renseignement
De toute façon, « la mission considère que la seule coopération ne permettra pas de résoudre les problèmes apparus depuis quelques années
». Autrement dit, « un rapport de force doit être instauré
». Ses membres jugent « nécessaire que notre pays dispose en matière de renseignement économique d'outils permettant, sinon d'être "à armes égales" avec les services américains
[...], du moins d'être plus crédibl
e ». Or, rapporté au PIB, l'effort de renseignement français serait sept fois moindre que l'effort américain. « Au-delà même de la question de la très grande disparité des moyens
[...], les travaux de la mission ont mis en lumière une différence de culture considérable, pour le moment, entre les États-Unis et notre pays
», concluent les parlementaires. Il pourrait même « falloir dix ou quinze ans pour parvenir en France au même degré de collaboration et de partage de l'information économique entre services (notamment de renseignement et des grandes administrations économiques et financières) qu'aux États-Unis
». Vaste chantier en perspective.
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6 janvier 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
Déchoir des Français de naissance de leur
nationalité : telle est la mesure la plus controversée du
projet de révision de la Constitution présenté par le gouvernement.
Tandis que l'exécutif socialiste est accusé d'empiéter sur les
plates-bandes du Front national, l'opposition peine à faire entendre sa
voix. Ainsi Nathalie Kosciusko-Morizet s'essaie-t-elle à défendre
« la cohésion nationale » : « la
France se divise sur la déchéance de nationalité »,
regrette-t-elle sur
son blog. 85 % de nos compatriotes seraient pourtant
favorables à la révision de la Constitution proposée par le
gouvernement, selon
un sondage Opinionway pour Le Figaro...
Aussi cette question agite-t-elle surtout le pays légal !
L'enjeu apparaît d'autant plus symbolique que bien des dispositions
permettent d'ores et déjà de déchoir un Français de sa nationalité.
Nationalité mal acquise
Hervé Mariton, quant à lui, appelle à débattre non pas de la
déchéance, mais des conditions d'attribution de la nationalité. Selon
lui, « le principe directeur doit être le droit du sang,
naturellement enrichi par la vie » – autrement dit, par
« la naturalisation ». « Aussi horribles que soient
les actes commis par les enfants de France, je souhaite une nationalité
qui soit irréfragable, irréversible », a-t-il
expliqué au micro de France Inter.
« Je souhaite que cette nationalité ne soit pas supposée mal
acquise, qu'elle ne soit pas fragile pour les uns, moins fragile pour
d'autres », a-t-il poursuivi.
Implicitement, le député de la Drôme semble récuser toute
conception contractualiste de la nation. Une conception que nourrit, à
certains égards, le projet de loi présenté par le gouvernement. Cela
n'a pas échappé à Manuel Valls : accusé de trahir la gauche,
le Premier ministre prétend au contraire la servir en défendant une
« conception historique ouverte de la nation française, fondée
sur l'adhésion à l'idéal républicain et sur la volonté commune de
vivre-ensemble ». À l'inverse, s'exprimant
sur Facebook, il a rejeté l'idée de « fonder la
nationalité [...] sur ce qui par nature ne peut jamais être
révoqué ».
Double allégeance
Ce faisant, peut-être croit-il nous rassurer, entretenant, à
son corps défendant, l'illusion que la France pourrait se
débarrasser de ses brebis galeuses ? Un anthropologue s'en
inquiète dans les colonnes du Monde : «
cette proposition de déchéance de nationalité pose le postulat que
l'engagement dans le terrorisme ne concerne que les immigrés de
confession musulmane », déplore
ainsi Dounia Bouzar. Avec quelque maladresse, il semble
vouloir exprimer sa préoccupation quant aux conversions soudaines à un
islam d'emblée radical. Un symptôme parmi d'autres du mal qui gangrène
la France ?
En tout cas, plus encore que le droit du sol (dont
l'application s'avère d'ailleurs relative), c'est la double nationalité
qui semble mise en accusation. Parmi ses bénéficiaires, beaucoup ont
reçu leur seconde nationalité en héritage, par le sang donc ;
de ce point de vue, le droit du sol serait effectivement égratigné.
Mais d'autres ont pu l'acquérir... À l'image de Gérard Depardieu, par
exemple ! Dans quelle mesure les faveurs que lui accorde
Vladmiir Poutine affaiblissent-elles les liens qui l'unissent à la
France ? Incidemment, les suspicions associées à la critique
d'une "double allégeance" pourraient donc faire l'objet d'une timide
traduction juridique.
La hantise des apatrides
Il est vrai que le gouvernement n'envisage de retirer leur
nationalité qu'à des Français qui demeureraient alors les
ressortissants d'un pays tiers. Il n'est pas question de créer des
apatrides, martèle-t-on à l'envi. De toute façon, nous dit-on, les
engagements internationaux souscrits par la France le lui
interdiraient. C'est précisément ce que conteste François-Xavier
Berger, dans
un article publié par Mediapart. Quoi
qu'il en soit, peut-être cette hantise-là reflète-t-elle une conscience
plus ou moins confuse des limites d'un certain idéal individualiste. Sur
Contrepoints, Nafy-Nathalie rappelle
opportunément ces propos d'Hannah Arendt : « Être
déchu de sa citoyenneté, c'est être privé de son appartenance au
monde. »
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3 décembre 2015
N'en déplaise à certains socialistes indignés, déchoir des
Français de leur nationalité participerait d'une démarche typiquement
progressiste.
À l'instant, sur France Info (Les
Informés, émission animée par Jean-Mathieu Pernin,
3 décembre 2015), un certain nombre d'intervenants s'étonnent
– et même s'émeuvent – qu'un pouvoir socialiste envisage de déchoir de
leur nationalité des individus nés français. En effet, un projet de
révision de la Constitution devrait être présenté prochainement en ce
sens.
François Hollande et son gouvernement ne sont pas animés par
des motivations idéologiques, mais politiques : il s'agit de
flatter une opinion publique xénophobe, donner l'illusion d'une action
résolue contre le terrorisme, couper l'herbe sous le pied de
l'opposition, etc. Cependant, n'est-est-ce pas à
gauche, un peu plus qu'ailleurs, qu'on nous explique qu'être français,
ce serait, précisément, adhérer à des "valeurs", en l'occurrence celles
de la République ?
Dans cette perspective, la participation à l'organisation d'un
attentat exprimant manifestement leur reniement, c'est tout
naturellement qu'elle devrait se traduire, juridiquement, par la
déchéance de nationalité. Autrement dit, il s'agirait de prendre acte
d'un choix délibéré, en application d'une conception volontariste de la
nationalité.
Ce serait donc une mesure progressiste, émancipant l'individu
d'un héritage imposé par sa naissance. Tout comme la lutte contre les
"stéréotypes" est censée l'affranchir de déterminismes sociaux, voire
biologiques, par exemple.
De notre point de vue, cela n'est pas à son honneur, mais
force est de le constater : sous la houlette de François
Hollande, la gauche demeure fidèle à ses idéaux.
À lire sur le même sujet :
Publié dans Droit, France, Humeur, Idées, Polémique, Société | Pas de commentaires
17 décembre 2014
Article publié dans L'Action Française 2000
La première réunion d'un "comité de pilotage sur la stratégie
d'influence par le droit" s'est tenue le 3 décembre 2014.
Avocats, notaires, experts comptables et autres juristes
seront bientôt conviés à s'y associer, a
annoncé le Quai d'Orsay. Dans
un avis adopté en septembre, le Conseil économique, social et
environnemental (CESE) avait appelé à mieux coordonner les acteurs
concernés. Selon son rapporteur, David Gordon-Krief, « l'enjeu
pour la France est de mettre en avant les atouts de l'adoption de notre
système de droit continental sur différents
segments » : partenariats publics-privés, propriété,
protection des données personnelles... À cet égard, précise-t-il,
« le CESE juge essentiel d'accorder une meilleure place à
l'assistance juridique dans les programmes d'aides au
développement ». À titre d'exemple, déplore-t-il,
« le nombre d'experts juridiques français mobilisés au plan
international est passé de 2 463 en 2001 à 574 en
2014 ».
Paradoxe français
Schématiquement, explique-t-il, « la jurisprudence
est la source naturelle du droit dans les systèmes issus de la Common
Law [...], alors qu'elle est, du moins d'un point de vue
conceptuel, une source "secondaire" du système continental ».
Sécurité, fiabilité et prévisibilité caractériseraient le droit
continental. Cela étant, bien qu'il s'inscrive dans cette tradition, le
droit français ne serait « pas exempt de défauts »,
au point qu'il serait « devenu moins stable que celui des pays
de la Common Law » – un paradoxe. La
compétitivité de l'économie nationale s'en trouve dégradée, à l'heure
où « certains justiciables, singulièrement les firmes
multinationales, sont [...] en situation de choisir le régime juridique
qui gouvernera leur activité ».
En outre, soutient le CESE, « au travers de la
diffusion d'éléments de son corpus juridique, la France porte un
certain nombre de valeurs et au-delà une certaine vision du monde et de
la globalisation ». De fait, le "colbertisme" et ses velléités
régulatrices s'accommodent mieux du droit continental. Mais si les
libéraux s'en méfient, tous ne le condamnent pas :
« un droit codifié ne favorise pas nécessairement
l'intervention de l'État&;nsbp», écrit
ainsi Philippe Fabry sur Contrepoints ;
selon lui, « dans la France d'Ancien Régime, ce fut même le
contraire ».
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16 janvier 2013
Article publié dans L'Action Française 2000
Décidé à collectionner les nationalités, sinon à les troquer,
Gérard Depardieu joue les nomades dans un monde toujours façonné par
les rivalités d'États souverains.
À la faveur du différend l'opposant à Jean-Marc Ayrault,
Gérard Depardieu n'a pas cessé de le marteler : « je
suis un citoyen du monde », a-t-il encore déclaré début
janvier (2013), alors qu'il venait de recevoir un passeport russe des
mains du président Vladimiir Poutine. « Il montre
effectivement que grâce à la mondialisation nous sommes, dans une
certaine mesure, libres d'échapper à la main lourde d'un
État », s'est félicité Emmanuel Martin, dans un billet publié
par l'Institut Turgot, arguant que « la concurrence
institutionnelle, et particulièrement la concurrence fiscale est une
composante essentielle de notre liberté ». De fait, constate
Élie Cohen, « l'accumulation de taxes nouvelles sur le capital
au moment de sa formation, de sa détention, de sa transmission, et de
sa distribution n'est pas soutenable à long terme dans une économie
ouverte ». De ce point de vue, souligne-t-il sur Telos,
« Gérard Depardieu met le doigt sur les contradictions
européennes de nos gouvernants ».
Citoyen du monde ?
Mais bien qu'il se proclame « citoyen du
monde », Gérard Depardieu n'en est pas moins réduit à se
placer sous la juridiction d'un État, comme tout un chacun, quoique son
aisance financière lui procure quelque facilité quand il s'agit de
solliciter sa protection, et non d'en hériter par naissance. En cela,
il ferait plutôt figure de nomade. Un nomade au déracinement somme
toute relatif. « J'ai un passeport russe, mais je suis
français », a-t-il également proclamé, nuançant ses propos
précédents. Amateur de bonne chère, souvent aigri mais volontiers
débonnaire, il « fait partie de notre patrimoine
cinématographique », comme l'a observé Mme Aurélie
Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication. Qu'il le
veuille ou non, l'interprète d'Obelix incarne la France aux yeux du
monde.
Paradoxalement, c'est vraisemblablement la raison pour
laquelle il a été accueilli si chaleureusement en Russie. On a beau
vivre dans un village global, les États continuent de se tirer dans les
pattes. « L'intelligence économique [...] de Vladimir Poutine
est une démonstration concrète de la façon de saisir des opportunités
pour affaiblir une nation », souligne un contributeur de
l'Alliance géostratégique (AGS). « Et peu importe les
déclarations diplomatiques de rose et de miel quand les faits
illustrent que les nations dites "amies" sont néanmoins concurrentes
avec leurs intérêts propres à promouvoir et à développer. »
Souveraineté
Dans ces conditions, « ce passeport est moins un
document juridique qu'un symbole », comme le remarque Yannick
Harrel, lui aussi contributeur de l'AGS. C'est pourquoi on ne
s'attardera pas sur la faculté, pour Gérard Depardieu, de bénéficier
effectivement d'une double nationalité franco-russe, en dépit des
doutes planant à ce sujet. Par ailleurs, à supposer qu'il souhaite à
nouveau se défaire de sa nationalité française - « je vous
rends mon passeport et ma Sécurité sociale », avait-il déclaré
à l'intention de Jean-Marc Ayrault - il lui faudrait engager des
démarches sans trop tarder, et justifier d'une résidence effective à
l'étranger. Autrement dit, sa nationalité dépend du bon vouloir de
l'État – c'est-à-dire, selon les cas, des dispositions du droit ou des
largesses du prince.
« C'est donc l'État souverain qui décide qui est un
de ses nationaux. C'est sans doute l'expression la plus pure de sa
souveraineté, car elle ne suppose pas l'accord d'un autre
État », selon Me Eolas, l'animateur du Journal
d'un avocat. Mme Najat Vallaud-Belkacem,
porte-parole du gouvernement, ne s'y est pas trompée :
« c'est le pouvoir discrétionnaire de Vladimir Poutine
d'offrir la nationalité russe à qui il l'entend », a-t-elle
observé, se refusant à tout autre commentaire sur BFM TV.
« Quand un citoyen français a une autre nationalité,
deux souverainetés se heurtent, et aucune ne peut
l'emporter », explique Eolas. « L'autre État a tout
autant que la France le droit de décider qui sont ses ressortissants,
et le législateur français n'a aucun pouvoir pour limiter la
transmission de cette autre nationalité. Qui n'est tout simplement pas
son affaire. » Tout au plus la France pourrait-elle
« s'attaquer aux Français par acquisition », selon
notre avocat. « Ceux-là devraient, pour pouvoir acquérir la
nationalité française, renoncer préalablement à leur nationalité
d'origine. Et on se casse à nouveau les dents sur la souveraineté des
États étrangers. Quid si l'État en question ne
prévoit pas la possibilité de renoncer à cette nationalité ?
[...] On aura des enfants nés en France, y ayant grandi, voire y passant
toute leur vie, mais qui ne seront jamais Français à cause d'une loi
votée dans un autre pays. Tandis que son voisin, lui, aura la
nationalité française dès l'âge de treize ans. En somme, la nationalité
française dépendra de la loi d'un État étranger. » C'est dire la
prudence avec lequel devra manœuvrer le législateur, si d'aventure il
se décide à bannir la double nationalité.
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19 octobre 2011
Article publié dans L'Action Française 2000
Nouvelles mises en cause en provenance de Bruxelles.
Un avertissement a été lancé par Bruxelles le
29 septembre : « les États membres doivent
d'urgence s'employer avec plus de vigueur à transposer la
réglementation européenne », prévient la Commission.
Tandis que la Belgique décroche le bonnet d'âne, la France se
distingue par le retard avec lequel elle se conformerait aux arrêts de
la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) : il faudrait
compter deux ans en moyenne, contre dix-sept mois dans l'ensemble de
l'UE
Dernièrement, Paris a été prié : de garantir
l'ouverture à la concurrence du tunnel sous la Manche ; de
réduire les contrainte administratives pesant sur les PME ; de
se conformer aux règles communautaires applicables aux pratiques
commerciales déloyales ; d'assurer une attribution
« non discriminatoire » des fréquences de
télédiffusion numérique ; et de respecter la directive TVA
pour les bateaux. Dans cette "moisson de remontrances", la France est
visée par une "mise en demeure", trois "avis motivés" et une traduction
devant la CJUE.
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15 septembre 2011
Article publié dans L'Action Française 2000
Quand le Parlement européen se fait taper sur les doigts par
les juges de Luxembourg.
En vertu de l'immunité dont ils bénéficient, les députés au
Parlement européen ne peuvent être recherchés, détenus ou poursuivis
pour des opinions exprimées dans l'exercice de leurs fonctions.
On se souvient que cela n'avait été d'aucun secours à Bruno
Gollnisch, tandis qu'il était trainé en justice par quelque ligue de
vertu, avec la bénédiction de l'assemblée. Il y a deux ans, celle-ci
s'était montrée plus solidaire à l'égard de l'Italien Aldo Patriciello,
mis en cause pour dénonciation calomnieuse.
L'intérêt général vu par les eurodéputés
Au cours d'une altercation sur un parking public, ce dernier
aurait accusé un agent de police de falsifier des procès-verbaux, aux
dépens des automobilistes donc. Ce faisant, à en croire la majorité de
ses collègues eurodéputés, il aurait agi dans l'intérêt général de son
électorat. Cela n'a pas convaincu la Cour de Justice de l'Union
européenne (CJUE). En effet, les déclarations de
M. Patriciello lui sont apparues « relativement
éloignées de ses fonctions de membre du Parlement européen ».
Or, dans son arrêt rendu le 6 septembre, la Cour
« considère que l'immunité peut être accordée seulement
lorsque le lien entre l'opinion exprimée et les fonctions
parlementaires est direct et évident ».
Ce principe étant posé, c'est toutefois aux juridictions
nationales qu'il appartient de l'appliquer. Et cela indépendamment de
l'opinion exprimée par le Parlement européen, dont la Cour souligne que
« la décision de défense de l'immunité [...] constitue
uniquement un avis sans aucun effet contraignant à l'égard des
juridictions nationales ».
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3 juin 2011
Article publié dans L'Action Française 2000
Tous les mois, une pluie de remontrances en provenance de
Bruxelles s'abat sur les États membres de l'UE. Parmi les communiqués
diffusés le 19 mai par la Commission européenne, six
concernaient la France.
Ainsi Paris est-il suspecté de ne pas avoir transposé une
directive portant sur la gestion des déchets. Ou de mettre en œuvre des
projets d'infrastructures sans procéder aux évaluations nécessaires
portant sur la sécurité routière. Il négligerait par ailleurs la
qualité de l'air, alors que le taux de particules en suspension
dépasserait les valeurs limites dans seize zones du territoire
national. Bruxelles pointe également les cagoules des sapeurs-pompiers,
pour lesquelles Paris exige des conditions de sécurité étrangères aux
dispositions communautaire – au risque d'« entraîner une
distorsion sur le marché intérieur ». En outre, il est
reproché à la France de restreindre l'accès à son marché du lait de
brebis, du lait de chèvre et de leurs produits dérivés, et d'invoquer à
cet effet un prétexte fallacieux, la crainte de la tremblante
(l'équivalent, chez les ovins et les caprins, de la "maladie de la
vache folle") étant jugée déplacée.
Fiscalité et "libre circulation"
La fiscalité n'est pas en reste. Elle se heurte, à nouveau, au
principe de "libre circulation", dont on sait que l'acception
européenne est très large. En cause : le code général des
impôts, affectant d'une retenue à la source les dividendes versés à
l'étranger. « Du fait de cette discrimination, les fonds de
pension et d'investissement établis dans d'autres pays de l'UE [...]
sont désavantagés par rapport à leurs contreparties établies en France,
et les clients français risquent donc de bénéficier d'un choix de fonds
de pension et d'investissement moins important », soutient la
Commission. L'année dernière, la France aurait introduit de nouvelles
dispositions en vertu desquelles les revenus d'actions distribués aux
organismes sans but lucratif (y compris les fonds de pension), qu'ils
soient ou non établis en France, seraient imposés au taux forfaitaire
de 15 %. Toutefois, relève Bruxelles, « il semble
qu'en l'absence de modalités d'exécution administratives plus
détaillées, ces changements n'aient pas été appliqués dans la
pratique ».
Enfin, la profession de notaire pourra désormais être exercée
par des ressortissants étrangers. Ainsi en a décidé la Cour de Justice
de l'Union européenne le 24 mai, au motif que cette activité
ne relève pas, selon son interprétation, de « l'exercice de
l'autorité publique ». Le cas échéant, l'Union européenne
consent tout de même à s'accommoder de quelque préférence nationale.
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