L'Alpine A610 fête ses vingt ans... Nostalgie !
7 mars 2011
Une fois n'est pas coutume, ce blog s'écarte de ses thématiques habituelles pour se plonger dans la presse automobile des années quatre-vingt-dix.
Il y a vingt ans jour pour jour, le 7 mars 1991, s'ouvrait le salon automobile de Genève où fut présentée au public l'Alpine A610 – dernière immixtion d'un grand constructeur tricolore sur le segment du grand tourisme.
Pureté du profil
L'Alpine « a pris des formes et du poids », commente Auto Moto en avril 1991. Quoique la ligne se trouve quelque peu alourdie, le profil conserve sa pureté. Henri Pescarolo ne s'y trompe pas : « l'Alpine joue la continuité dans une finesse et une élégance très latine », écrit-il dans L'Action automobile et touristique de mars 1991. « Entre la [Porsche] Carrera, dont la ligne carrément rétro a peu évolué depuis trente ans, et la Nissan [300 ZX] d'un dessin moderne très japonais », l'Alpine lui apparaît « toujours aussi impressionnante ». D'autant que « si vous vous appuyez sur les ailes avant, vous serez surpris : elles s'enfoncent sous votre poids et reprennent aussitôt leurs formes ».
À la différence de la carrosserie et du volant, le moteur demeure signé d'un losange. Nouvelle évolution du V6 PRV, porté à 3 litres et suralimenté par un turbo au temps de réponse minimisé, il ne revendique pas la noblesse d'un flat six germanique. Cela dit, ses 250 chevaux supportent la comparaison sans rougir. « Cette Alpine n'a plus rien à envier aux Porsche, ni même aux Ferrari », s'enthousiasme Auto Moto. Le premier kilomètre est abattu en 25 secondes et la vitesse de pointe frôle les 270 km/h, selon les mesure de L'Action auto. Dépassant les 35 mkg, le couple est jugé « phénoménal » par Auto Moto. « À l'utilisation, cette caractéristique apparaît effectivement sous la forme d'une excellente disponibilité et d'une impression d'invincibilité en reprises », rapporte, à la mi-mars, Le Moniteur automobile. « C'est surtout aux allures élevées que les capacités de remise en vitesse de l'Alpine sont impressionnantes. Entre 150 et 200 km/h, elle paraît ainsi en mesure de tenir tête à n'importe quel caïd des autobahn. »
Vive et maniable
« On peut aisément soutenir le 250 km/h compteur sans se faire peur au passage des ponts », poursuit le magazine. Certes, Henri Pescarolo aurait « apprécié une meilleure stabilité à très haute vitesse ». Il déplore, en outre, « le manque d'un autobloquant [qui] autorise des patinages de la roue intérieure en virage très serré ». Le pilote n'en tarit pas moins d'éloges au sujet de l'A610 : « Elle est merveilleusement vive et maniable, mais elle offre en même temps une bonne neutralité en appui, pour devenir survireuse à la limite. » Le comportement routier bénéficie d'une répartition des masses optimisée, seuls 43 % du poids s'exerçant sur l'essieu avant ; c'était une gageure, étant donné l'implantation du moteur en porte-à-faux-arrière – une architecture héritée de la 4CV, et partagée avec la 911 qui la tenait elle-même de la Coccinelle !
Moins de trois ans après sa sortie, en décembre 1993, l'A610 se trouve confrontée à la Safrane Biturbo dans les colonnes de L'Action auto : « La prise de conscience de la vitesse y est plus rapide et la consommation d'influx nerveux plus importante. La sécurité n'est vraiment pas négligée mais la conduite, moins assistée, de l'A610 est plus complète, plus authentique. » En résumé, « déplacer une Alpine est aisé, la mener rapidement, envisageable, mais jouer avec ses limites exige du talent. Heureusement, elle s'avère assez tolérante si l'on prend soin de ne pas rater de leçons de la bible du pilotage. » Facile, donc, mais nullement aseptisée ! « C'est l'Alpine qui se montre la plus généreuse en sensations », conclut Henri Pescarolo, qui la compare aux Carrera et 300 ZX. « L'Alpine A610 reste une authentique GT, de celles qui font vibrer les cœurs et mouiller la combinaison », renchérit Auto Moto, dont la rédaction salue, en septembre 1992, « une véritable sportive quatre places, ni trop pure, ni trop dure ».
Exceptionnelle et familière à la fois
« Reste le prix », jugé « prohibitif », un an plus tard, par L'Action auto, « surtout si l'on tient compte [...] des prix pratiqué par la concurrence : une Mazda RX-7 coûte près de 100 000 francs de moins ! » Le temps ayant passé, ces considérations mesquines ne sont plus de mise. Étant donné les témoignages recueillis dans la presse, l'absence de coffre constitue, à nos yeux, le seul défaut de cette excellente voiture. Les sacs de voyage trouvent refuge à l'arrière, où sont aménagées deux places confinées, séparées par un large tunnel.... Ambiance ! En cas de crevaison, l'emplacement réservé à a roue de secours, sous le capot avant, s'avère trop étroit pour accueillir la roue défectueuse. Aussi Le Moniteur automobile s'interroge-t-il avec philosophie : « Si une housse a été prévue pour emballer la roue [...] et si des sangles permettent de l'arrimer sur les dossiers rabattus des sièges arrière, on ne sait pas encore où l'on mettra les passagers ou les bagages qui s'y trouvaient en cas de crevaison. Glorieuse incertitude de la voiture de sport. »
Bien que le volant ne soit pas réglable, « la position de conduite est parfaite et donne le sentiment de faire vraiment corps avec la machine », assure Jean-Luc Colin. S'exprimant dans L'Action auto en octobre 1992, il juge toutefois « affligeante » la présentation de la planche de bord. « La finition inspire [...] globalement confiance », mais « tout cela manque terriblement de classe », confirme Le Moniteur automobile. Henri Pescarolo se montre moins critique à l'égard du tableau de bord : « sans être un exemple d'harmonie », il lui semble « élégant, clair et très lisible ». C'est l'avis d'un pilote, qu'on se le dise !
Manifestement, on reprochait à l'Alpine de ne pas suffisamment cacher ses origines. L'A610 partage effectivement des gènes avec de banales familiales, telles les R11 TXE et 21 TSE dans lesquelles nous avons jadis voyagé. « Les commodos d'origine Renault font pâle figure », regrette Auto Moto en septembre 1992. « C'est toujours un peu gênant de retrouver dans une voiture chère et luxueuse les mêmes éléments que dans les modèles du bas de gamme », estime Henri Pescarolo. Vraiment ? Exceptionnelle à plus d'une titre, l'A610 nous apparaît néanmoins familière. La nostalgie aidant, cela participe de son charmé. Puisse sa côte ne pas trop flamber, dans l'attente du jour où nous partirons, peut-être, en quête d'un exemplaire !