Saint-Barthélémy : Bruxelles chassé des Antilles

24 janvier 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Bien qu'elle conserve l'euro, l'île de Saint-Barthélémy vient de s'émanciper de l'influence de l'UE, jugée trop pesante en l'absence de compensations financières.

En dépit des incertitudes pesant sur l'Union économique et monétaire, un territoire ultramarin s'accroche à l'euro : conformément au souhait exprimé par les autorités de Saint-Barthélémy, un traité négocié avec l'UE vient d'être ratifié par la France afin d'y maintenir la monnaie unique. Depuis le 1er janvier 2012, cette île des Antilles n'est plus comptée au nombre des régions ultra-périphériques (RUP) de l'Union européenne. C'est pourquoi, en l'absence d'un tel accord, elle aurait dû se doter de sa propre devise, fondée vraisemblablement sur le dollar américain, si l'on en croit Éric Doligé, sénateur du Loiret et vice-président de la délégation sénatoriale à l'outre-mer.

De la RUP au PTOM

Bénéficiant d'un "régime d'association", Saint-Barthélémy se range désormais, aux yeux de Bruxelles, parmi les pays et territoires d'outre-mer (PTOM). S'étendant sur 25 km², peuplée aujourd'hui de 8 500 habitants, l'île fut cédée par Louis XVI à la Suède en 1684, avant de redevenir française en 1878. Elle demeura rattachée à la Guadeloupe, en qualité de commune, jusqu'au 15 juillet 2007, date à laquelle elle se mua en collectivité d'outre-mer, à la suite d'un référendum organisé quatre ans plus tôt. Sa transformation en PTOM s'inscrit dans la continuité de cette évolution, quoique les statuts français et européens soient indépendants l'un de l'autre : « Saint-Barthélemy aurait pu conserver, comme Saint-Martin par exemple, le statut de RUP, tout en étant devenue une collectivité régie par l'article 74 de la Constitution », souligne Éric Doligé. Cela étant, selon son conseil territorial, « l'évolution du statut européen de Saint-Barthélemy exclut toute idée d'indépendance de Saint-Barthélemy [qui] est, et restera, partie intégrante de la France ».

« L'île a souhaité gagner une certaine liberté par rapport aux règles européennes en devenant PTOM, notamment pour pouvoir commercer avec sa zone géographique », explique le sénateur. Dorénavant, conformément au code général des collectivités territoriales, Saint-Barthélémy « est compétente en matière douanière, à l'exception des mesures de prohibition à l'importation et à l'exportation qui relèvent de l'ordre public et des engagements internationaux de la France, des règles relatives aux pouvoirs de recherche et de constatation des infractions pénales et des procédures contentieuses en  matière douanière ».

Fonds structurels

Entre autres considérations invoquées par les autorités locales, figurait la crainte que l'harmonisation progressive des législations européennes remette en cause, à terme, la fiscalité spécifique applicable à leur territoire. Surtout, la stricte application des normes européennes n'irait pas sans effets pervers : ainsi, l'abaissement de la teneur en benzène dans l'essence sans plomb, de 3 à 1 %, aurait conduit à majorer de 22 centimes d'euros le prix du litre de carburant distribué sur l'île. Éric Doligé critique ouvertement la technocratie bruxelloise : « J'ai toujours été frappé par l'imposition de normes ne correspondant pas à la réalité des territoires d'outre-mer, obligés d'importer d'Europe, à 10 000 kilomètres, des produits qu'ils pourraient trouver à 100 kilomètres », a-t-il déclaré lors d'une réunion en commission. Saint-Barthélémy ne serait pas le seul territoire concerné : « La Guyane n'a pas le droit d'utiliser l'essence brésilienne, beaucoup moins chère, parce que sa composition ne correspond pas aux normes européennes », déplore le sénateur.

Forte d'un PIB par habitant supérieur à 75 % de la moyenne européenne, l'île de Saint-Barthélémy n'est pas éligible au bénéfice des fonds structurels de l'UE. D'ailleurs, souligne  Éric Doligé, elle est « le seul territoire qui, au lieu de recevoir de l'argent de la métropole, est un contributeur net ». Dans ces conditions, estime-t-il, en tant que RUP, elle ne pouvait « rien » obtenir de l'Union européenne. « Ceux qui en ont les moyens souhaitent changer de statut », affirme-t-il. Et « ceux qui ne les ont pas restent dans le cadre des règles européennes, en attendant... La Guyane sera peut-être un jour, avec son pétrole, son bois, son or qu'on lui empêche d'exploiter, suffisamment riche pour sortir du statut de DOM et de RUP. » Lorgnant sur la manne des fonds structurels Mayotte n'en formule pas moins le vœu d'accéder aussi vite que possible au statut de région ultra-périphérique de l'Union européenne...

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