Malthus, mauvais génie du XXIe siècle

20 décembre 2012
Article publié dans L'Action Française 2000

Des Verts au FN en passant par le PS et l'UMP, le malthusianisme nourrit la plupart des discours politiques...

La Chine « est prête à abandonner la politique de l'enfant unique », a annoncé La Tribune le 28 novembre 2012. Selon notre confrère Nabil Bourassi, dans les régions les plus développées de l'empire du Milieu, les couples devraient être autorisés prochainement à accueillir un second enfant. Le malthusianisme s'en trouvera-t-il voué aux gémonies ? Loin s'en faut.

L'or noir intarissable

Au printemps 2009, on s'en souvient, Yves Cochet, alors député Vert de Paris, avait appelé à « la grève du troisième ventre », au motif qu'un enfant européen présenterait « un coût écologique comparable à six cent vingt trajets Paris-New York ». À la hantise du réchauffement climatique s'ajoute le spectre récurrent d'une raréfaction des ressources. L'expérience donne pourtant à réfléchir : annoncé à de multiples reprises, l'épuisement des réserves pétrolières n'en finit pas d'être reporté ; depuis quarante ans, comme le rappelait Georges Kaplan en juin dernier, « les réserves prouvées mondiales [...] ont largement plus que doublé » ; « il existe même aujourd'hui quelques projets très sérieux de pétrole de synthèse ». C'est dire combien le pessimisme s'avère de mauvais aloi. Pas plus que Maurras, nous ne croyons « à la grève du génie humain » !

Bien qu'ils en soient les chantres les plus éminents, les écologistes n'ont pas l'apanage du malthusianisme. Sous ses diverses déclinaisons, celui-ci façonne l'opinion publique en profondeur, inspirant la plupart des discours politiques. À commencer par celui des socialistes. Le Premier ministre l'a confirmé le 11 décembre, tandis qu'il fustigeait l'évasion fiscale de Gérard Depardieu : « on ne fera pas reculer la pauvreté si ceux qui ont le plus [...] n'acceptent pas un peu de solidarité et un peu de générosité », a-t-il déclaré. Ainsi la nation serait-elle promise au rationnement selon Jean-Marc Ayrault... La mise en place des trente-cinq heures a procédé d'un préjugé similaire, selon lequel nous serions condamnés à partager un nombre figé d'emplois. Traditionnellement, le Front national puise à la même source : ne juge-t-il pas « l'immigration professionnelle [...] particulièrement condamnable [...] alors que le chômage explose » ?

Démondialisation

Prônée, entre autres, par Arnaud Montebourg, la « démondialisation » transpose cette conception à l'échelle du Village global, où l'on s'imagine qu'un emploi créé en Chine serait nécessairement perdu en France. Or, si l'on en croit Alexandre Gazaniol, auteur d'une note publiée par la Fabrique de l'industrie, « l'internationalisation des entreprises a un effet positif sur leur chiffre d'affaires, leur innovation et leur emploi en France, et contribue donc au développement de l'activité industrielle française ». Bien qu'elles appellent peut-être quelque nuance, ces conclusions soulignent la complexité d'un débat esquivé par le néo-malthusianisme, dont les adeptes feignant de croire que l'économie est un jeu à somme nulle. N'ont-il jamais eu vent, par exemple, des "avantages comparatifs" mis en évidence par David Ricardo en 1817 ? « Il s'agit du meilleur exemple d'un principe économique indéniable mais contraire à l'intuition de personnes intelligentes », remarquent justement les contributeurs de Wikipedia.

L'UMP n'est pas en reste : il y a un an, Alain Moyne-Bressand, député de l'Isère, avait déposé une proposition de loi « visant à interdire la généralisation des caisses automatiques aux barrières de péages sur le réseau français autoroutier » ; selon les signataires de ce texte, parmi lesquels figuraient Lionel Luca, Christian Ménard, Jacques Myard, Éric Raoult, Christian Vanneste..., « en temps de crise [...] où le chômage atteint de tristes records, aucun emploi ne doit être supprimé ou minimisé ». C'est méconnaître le caractère dynamique de l'économie, où la « destruction », quoique parfois douloureuse, s'avère néanmoins « créatrice », comme l'écrivait Joseph Schumpeter. Les réactionnaires doivent-ils s'en offusquer ? Selon Maurras, en tout cas, « la vérité politique et sociale qui nous conduit n'a pas la forme du regret. Elle est plutôt désir, curiosité, solide espérance apportant les moyens de réaliser l'avenir avec une imperturbable sécurité. » Au passage, on rappellera que, dans son rapport sur la compétitivité, Louis Gallois a précisément déploré le faible niveau de robotisation de l'industrie nationale.

Qu'on le veuille ou non, il faudra compter avec le progrès matériel. Pour le meilleur ou pour le pire. « Tous ces changements que nous opérons dans l'économie de notre planète n'ont mené à rien jusqu'ici et rien ne permet d'admettre qu'ils conduisent jamais à rien », observait Maurras. Toutefois, poursuivait-il, « nous y travaillons parce qu'il est dans notre ordre d'y travailler ». « Animal industrieux », voilà, selon lui, « la définition première de l'homme ». Aussi les incantations lancées en faveur de la décroissance nous paraissent-elles tout aussi vaines que la tentative de normaliser l'homosexualité par l'institution d'un "mariage pour tous" : ce ne sont jamais que les expressions multiples d'un volontarisme voué à échec.

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