Frédéric Bastiat et la concurrence déloyale de la Toile

21 juillet 2014

Loi contre Amazon, arbitrage parlementaire dans le conflit opposant taxis et VTC : ces jours-ci, les pétitions des fabricants de chandelles ont rencontré un certain succès.

Rappelons que ceux-ci avaient réclamé, jadis, « une loi qui ordonne la fermeture de toutes fenêtres, lucarnes, abat-jour, contre-vents, volets, rideaux, vasistas, œils-de-bœuf, stores, en un mot, de toutes ouvertures, trous, fentes et fissures par lesquelles la lumière du soleil a coutume de pénétrer dans les maisons, au préjudice des belles industries » que l'État  « ne saurait sans ingratitude [...] abandonner [...] à une lutte si inégale ».

Dans la continuité des sophistes mis en scène par Frédéric Bastiat, libraires et taxis ont obtenu quelque faveur des pouvoirs publics : renchérissement des achats en ligne au bénéfice des premiers, usage exclusif des technologies de géolocalisation au profit des seconds. Pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? Forcer des chauffeurs à rallonger leurs trajets ne donnerait-il pas du travail aux pompistes, par exemple ?

Écoutons nos fabricants de chandelles : « Si vous fermez, autant que possible tout accès à la lumière naturelle, si vous créez ainsi le besoin de lumière artificielle, quelle est en France l'industrie qui, de proche en proche, ne sera pas encouragée ? S'il se consomme plus de suif, il faudra plus de bœufs et de moutons et par suite on verra se multiplier les prairies artificielles, la viande, la laine, le cuir et surtout les engrais cette base de toute richesse agricole. S'il se consomme plus d'huile, on verra s'étendre la culture du pavot, de l'olivier et du colza. Ces plantes riches et épuisantes viendront à propos mettre à profit cette fertilité que l'élevage des bestiaux aura communiquée à notre territoire. [...] Direz vous que la lumière du soleil est un don gratuit et que repousser des dons gratuits ce serait repousser la richesse même sous prétexte d'encourager les moyens de l'acquérir ? [...] Soyez donc logiques car, alors que vous repoussez comme vous le faites la houille, le fer, le froment et les tissus étrangers à raison du fait que leur prix se rapproche de zéro, quelle inconséquence ne serait-ce pas d'admettre la lumière du soleil dont le prix est à zéro pendant toute la journée ? »

La concurrence déloyale de la Toile a succédé à celle du soleil. Pour le reste, rien n'a changé.

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