Star Wars : publicité mensongère au musée du Louvre !

17 décembre 2015
Article publié dans L'Action Française 2000

Une version remaniée, plus professionnelle en quelque sorte, d'un article déjà publié sur le blog.

Le musée du Louvre serait-il passé du côté obscur de la Force ? En quête d'un nouveau public, « désireux de rendre l'art accessible à tous », comme disent ses porte-parole, le temple de la culture s'est laissé éclabousser par la déferlante Star Wars. Dans sa Petite Galerie, inaugurée pour l'occasion, il accueille jusqu'au 4 juillet 2016 une exposition consacrée aux « mythes fondateurs » [1]. À voir les affiches placardées dans les couloirs du métro parisien, Dark Vador devrait y occuper une place comparable à celle d'Hercule. Mais parmi les quelques dizaines d'œuvres exposées, rares sont celles qui proviennent effectivement d'une galaxie lointaine, très lointaine : le masque de Vador, une illustration de Ralph McQuarrie, trois petits dessins, deux affiches... et puis c'est tout. À côté, le crocodile des origines, la hache rituelle ou le portrait de Circée, par exemple, sont présentés sans qu'aucune continuité n'en soit explicitement dégagée.

Mythes d'hier et d'aujourd'hui

« Les mythologies de la culture populaire ne puisent-elles pas toujours dans le même répertoire d'histoires et de héros ? », s'interrogent les organisateurs. De fait, George Lucas n'a jamais caché qu'il s'était appuyé sur un essai de mythologies comparées pour jeter le bases de la saga Star Wars [2]. Dans les années quatre-vingt-dix, à l'initiative du Musée national de l'Air et de l'Espace de Washington, ses sources d'inspiration ont été mises en lumière dans une exposition itinérante, dont il subsiste l'excellent catalogue [3]. À certains égards, le destin d'Anakin fait écho à celui d'Icare, figure de la transgression, dont une sculpture exposée au Louvre rappelle précisément la chute. Quant à Mustafar, la planète volcanique dont le jeune Skywalker n'échappa qu'au prix d'atroces mutilations, scellant symboliquement son passage vers le côté obscur de la Force, elle reflète la vision traditionnelle des Enfers, illustrée notamment par John Martin, dont Le Pandemonium est présenté à la Petite Galerie. Pourquoi ne pas l'avoir souligné à l'intention des visiteurs ? La Guerre des étoiles était pourtant susceptible de leur ouvrir bien des portes vers la culture et les mythes ! 

Dans ces conditions, cette exposition peut constituer un bon support pédagogique, mais elle ne saurait se suffire à elle-même. Les plus jeunes, ouvertement visés, n'en tireront vraiment profit que s'ils la parcourent en compagnie d'un guide qui les y aura préparés. Mais qu'en sera-t-il des enfants auxquels on aura promis qu'ils allaient en découdre au sabre-laser, visuel publicitaire à l'appui ? Déception oblige, leur première visite au Louvre risque de leur laisser un souvenir mitigé.

[1] Mythes fondateurs – D'Hercule à Dark Vador, musée du Louvre, Petite Galerie, Paris 1er, jusqu'au 4 juillet 2016 ; soixante-dix œuvres présentées dans quatre petites salles réparties sur deux cent quarante mètres carrés. 

[2] Joseph Campbell, Le Héros aux mille et un visages, Oxus, 2010, 410 pages, 27,40 euros ; J'ai lu, 2013,  633 pages, 8,90 euros (édition originale parue aux États-Unis en 1949).

[3] Mary Henderson, Star Wars – La Magie du mythe, Presses de la Cité, 1998, 224 pages, 26 euros.

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