Obsolescence programmée : aucun cas délictueux n'a jamais été avéré

5 mai 2018

Tout au plus peut-on parler de quelques cas litigieux… Nouveau rebond sur un débat organisé par l'Institut d'études politiques de Paris.

L'obsolescence programmée a fait l'objet d'un débat à Sciences Po jeudi dernier, 3 mai 2018, à l'initiative du Centre de sociologie des organisations. Dans l'ensemble, l'intervention de Dominique Roux-Bauhain, professeur à l'université Reims Champagne-Ardenne, nous a semblé très pertinente (nous y reviendrons). Un détail nous a toutefois chagriné : « certes, il y a des cas délictueux » d'obsolescence programmée, a-t-elle affirmé, sans toutefois les citer ; cependant, a-t-elle poursuivi, c'est « l'arbre qui cache la forêt ». Ne s'agirait-il pas plutôt d'un mirage ?

Le cartel Phoebus : une banale entente sur les prix

Dans un rapport publié il y a un an, en mai 2017, RDC Environnement rappelait que « seuls trois cas identifiés » avaient alors été « confrontés à la justice pour des raisons liées à l'obsolescence programmée ».

Peut-être Dominique Roux-Bauhain pensait-elle au cartel Phoebus qui s'était constitué dans les années vingt. Or, ses membres « ont fait l'objet d'un rapport de la commission britannique anti-trust dénonçant une entente sur les prix, mais réfutant une entente sur la programmation de la durée de vie ». Comme l'expliquent Thomas Lombès et Bastien Poubeau, auteurs d'une étude publiée en 2014 dans le cadre de l'École des mines, « selon les industriels de l'éclairage […], la baisse de la durée de vie des ampoules à mille heures correspondait en fait à un compromis entre baisse de la consommation électrique, économie de matière première et augmentation de la longévité » ; « il ne semble donc pas y avoir de preuves irréfutables de l'existence d'un complot industriel dans ce cas particulier ».

Appel et HP ont préféré s'épargner la mauvaise publicité d'un procès

Plus récemment, comme le rapporte RDC Environnement, « les trois premières générations d'Ipods d'Apple ont fait l'objet d'un recours collectif auprès de la Cour supérieure de Californie ». Il était reproché à la marque à la pomme d'avoir conçu des appareils dont les batteries n'étaient pas remplaçables. Cependant, « l'action juridique intentée s'est soldée par un accord à l'amiable ».

Enfin, « le fabricant des imprimantes HP Inkjet, Hewlett-Packard, a été poursuivi par une association de consommateurs car ses imprimantes indiquaient un niveau d'encre faible alors [que] les cartouches avaient encore de l'encre, ajoutaient de l'encre issue de la cartouche d'encre couleur pour les impressions en noir, signalaient que les cartouches n'avaient plus d'encre et s'arrêtaient de fonctionner alors que les cartouches n'étaient pas vides ». Mais là aussi, « une entente a été trouvée entre les Hewlett-Packard et les plaignants ».

Par conséquent, en toute rigueur, sans doute serait-il plus juste de parler de quelques cas non pas délictueux, mais litigieux. À l'image de ceux faisant actuellement l'objet d'une enquête en France, visant Apple et Epson. Affaire à suivre !

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