Les axes de la campagne électorale
7 mai 2009
Article publié dans L'Action Française 2000
À l'approche du scrutin du 7 juin, la campagne tarde à démarrer, y compris sur la Toile, où les "programmes politiques" ne sont pas légion. Aperçu des thématiques développées par l'Alliance royale, Debout la République, le Front national, Libertas, le MoDem, le PS et l'UMP.
À six semaines des élections européennes, nous avons arpenté la Toile à la recherche des "manifestes politiques" de quelques partis. Certains sites de campagne reflètent le désintérêt suscité par le scrutin : outre le nom de ses têtes de liste, le Front national diffuse seulement quelques affiches. L'UMP publie des actualités et met en valeur la "communauté" de ses sympathisants, sur le modèle de Facebook, sans formaliser ses propositions, peut-être dans l'attente d'un discours du président de la République ; les internautes en quête d'un programme doivent se contenter d'un tract peu fourni, où l'on remarque l'importance accordée à l'outre-mer.
Discours protectionnistes
L'heure n'est plus aux déclarations eurobéates. Certes, le PS entretient le mythe selon lequel la construction européenne aurait « garanti la paix » ; et le MoDem s'illusionne en croyant pouvoir renverser la situation où, « depuis des années, chaque pays essaie de marquer des points contre les autres ». Confrontés à la crise économique, les partis préfèrent accompagner le retour médiatique du politique. Dans la continuité du « succès de la présidence française de l'Union », l'UMP martèle ce slogan : « Quand l'Europe veut, l'Europe peut. » Réunis sous la bannière de Libertas, le MPF et CPNT exploitent une thématique similaire : « Prenons l'Europe en main. »
Des appels de pied au protectionnisme sont lancés de toutes parts : l'UMP nous encourage à voter « pour une Europe qui nous protège » ; selon les socialistes, « le débat n'est pas tant de savoir si nous serions des partisans ou des adversaires du protectionnisme, mais bien de déterminer quels intérêts nous souhaitons protéger ». La hantise du dumping illustre la nécessité d'une harmonisation des fiscalités européennes aux yeux du PS et du MoDem. Reste à convaincre nos partenaires, dans un domaine où l'unanimité demeurerait la règle malgré l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne.
Le PS s'indigne d'« un budget européen réduit à moins de 1 % de la richesse produite en Europe » ; le MoDem lui fait écho, proposant « un budget européen dont le volume serait décidé par le Parlement européen et alimenté par un impôt unique sur l'ensemble des pays de l'Union ». Autre suggestion du parti centriste : la nomination d'« un procureur européen avec autorité sur les polices ». De retour au pouvoir, ces fédéralistes se montreront-ils aussi disposés à dépouiller l'État de ses prérogatives ?
L'Alliance royale plébiscite la création de deux commissariats européens, « pour la coordination de la sécurité des pays européens » d'une part, « pour l'environnement et la sécurité sanitaire » d'autre part. Quels rapports entretiendraient-ils avec les directions générales de la Commission, le Centre de suivi et d'information en charge de la protection civile, l'Agence européenne pour l'Environnement ? On l'ignore, mais ces propositions témoignent de la volonté largement partagée d'envisager l'Europe indépendamment du marché unique. François Bayrou souhaiterait que « l'exigence sociale, démocratique et écologique soit placée au même niveau que la concurrence ». Pourquoi pas au-dessus ? De toute façon, la concurrence n'est qu'un instrument censé servir la prospérité, dont l'efficacité inspire une circonspection stimulée par la crise.
Le PS feint d'offrir à l'Europe « le droit à l'alternance » : « Il y a aujourd'hui la possibilité de donner sa place à la politique au cœur de l'Europe et d'assumer jusqu'au bout le clivage avec la droite en faisant échec à une candidature Barroso et, nous le souhaitons, en ayant un candidat commun issu du PSE pour la présidence de la Commission. » C'est mal parti. D'autant qu'en dépit de leur affiliation à gauche, les gouvernements britannique, espagnol et portugais devraient appuyer la reconduction de José Manuel Barroso.
Vœu pieux
Autre vœu pieux : la constitution d'« une Europe forte avec une vraie défense européenne ». Cela « n'est pas aujourd'hui crédible » rétorque l'Alliance royale. Prenant le risque de froisser ses sympathisants, celle-ci considère même « que la France doit se maintenir dans l'Otan, [...] la seule organisation militaire capable de répondre aux besoins de sécurité dans nos zones d'intérêts stratégiques ». Debout la République prétend qu'« avec le traité de Lisbonne (article 27-7), la France n'aurait pas pu faire entendre sa voix sur la guerre en Irak ». Le texte incriminé - qui n'est pas stricto sensu un article du traité de Lisbonne - introduit une clause de défense mutuelle et rappelle la compatibilité des politiques de l'UE avec les engagements souscrits dans le cadre de l'Otan. Or cela n'est pas nouveau et ne concerne pas directement l'intervention en Irak, décidée en dehors des structures atlantiques.
Tandis que le Front national fait passer « ma retraite, ma famille, mon emploi... avant l'Europe », d'autres souverainistes ont adopté une posture plus nuancée, "eurocompatible" selon l'expression du "sécessionniste" Reinelde Maes (afe-blog.com, 26/04/09) : « Osons une Europe différente » lance Nicolas Dupont-Aignan ; c'est « une dimension nécessaire de notre avenir » confirme Libertas. Tout en revendiquant sa « prudence » à l'égard de la construction européenne, l'Alliance royale observe que « certains secteurs industriels ont [...] besoin d'une masse critique suffisante pour être concurrentiels dans un contexte de mondialisation : aéronautique, espace, défense, énergie, pharmacie, etc. » Selon l'AR, l'Europe est « une zone relativement homogène en matière stratégique. Beaucoup d'enjeux concernant la France [...] sont aussi en même temps européens : terrorisme, accès aux ressources d'énergie, sécurité maritime, etc. »
L'Alliance royale esquisse « un aménagement de ce qui existe déjà : un conseil européen représentant les États, une assemblée, des commissions exécutives et des instances juridictionnelles, chacune agissant dans le strict cadre des coopérations auxquelles les États membres auront bien voulu souscrire ». Exit la « Grosse Kommission » fustigée régulièrement par Les Manants du Roi, éclatée en diverses entités. L'AR plébiscite une communauté où « nul État européen ne peut être contraint d'appliquer des directives ou des lois européennes sur son territoire s'il ne les a pas lui-même ratifiées. Nulle institution européenne ne peut exercer de coercition de droit sur les États membres en dehors de traités librement et préalablement consentis par eux. » Qu'adviendrait-il du droit communautaire dérivé ? L'Alliance laisse planer une certaine ambiguïté. Elle se préoccupe en tout cas de la réversibilité des engagements : de son point de vue, « l'adoption de la monnaie unique apparaît comme imprudente, non pas nécessairement pour ses conséquences économiques, mais parce qu'elle lie la France de façon trop forte ».
Référendum
Imaginant eux aussi un nouveau traité, les gaullistes de DLR voudraient qu'il soit « approuvé par référendum le même jour dans tous les pays de l'Union ». On mesure l'irréalisme de la proposition à la vue du laborieux processus de ratification du traité de Lisbonne. Cela supposerait en outre de chambouler des traditions, voire des dispositions constitutionnelles, puisque la Loi fondamentale allemande circonscrit l'usage du référendum à la réorganisation du territoire fédéral. Maladroitement, Nicolas Dupont-Aignan en vient à promouvoir « l'uniformisation » qu'il dénonce ! L'"identité" est d'ailleurs un thème jugé porteur, y compris par le MoDem : « Nous défendrons l'Europe qui garantit les identités, les modes de vie, les langues et les cultures sur son sol et dans le monde. » Mais les développeurs de Libertas ont négligé la traduction des termes anglais apparaissant sur la version imprimable de chaque page du site Internet ; un comble !
Ne négligeons pas la France !
« Les querelles institutionnelles ne sont plus de saison » affirme le PS, « car l'ordre du jour de la nouvelle administration est économique et social. Le traité de Lisbonne est une donnée, mais ne saurait borner l'ambition des socialistes pour l'Europe. » Ni celle des autres ! Or, « pour réorienter l'Europe », faut-il « d'abord envoyer au parlement de Strasbourg une majorité de députés de gauche » ou d'une quelconque sensibilité ? Cela n'a rien d'évident, car l'UE n'est pas émancipée de l'influence des exécutifs nationaux. Le MoDem s'en offusque implicitement en voulant changer une situation où « les gouvernants de notre pays et les dirigeants européens préparent toutes les décisions entre eux, dans le secret ». Beaucoup dépend de nous. C'est pourquoi « l'Alliance royale estime qu'une coopération à l'échelle de l'Europe n'est possible que par le renforcement des institutions françaises ». Qu'elle suscite espoirs ou inquiétudes, l'Union européenne reflète à bien des égard nos propres ambitions, nos propres frustrations. Ne négligeons pas la France !