L'entracte est terminé

5 novembre 2009
Article publié dans L'Action Française 2000

Privé du soutien de la cour constitutionnelle tchèque, Vaclav Klaus jette l'éponge. Le traité de Lisbonne pourrait entrer en vigueur dès le 1er décembre. D'ici là, les Vingt-Sept devront s'accorder sur les nominations aux postes clefs.

Les derniers espoirs des nonistes s'évanouissent : mardi 3 novembre, la cour constitutionnelle tchèque a rejeté l'ultime recours déposé contre le traité de Lisbonne. Résigné, le président Vaclav Klaus considère que « sa probable entrée en vigueur ne va pas être la fin de l'histoire » (Coulisses de Bruxelles, 17/10/2009). A-t-il vraiment envisagé de lui faire obstacle ? Un rappel de ses responsabilités passées permet d'en douter : il dirigeait le gouvernement tchèque quand celui-ci déposa sa demande d'adhésion à l'UE ; élu chef de l'État en février 2003, il assista depuis à l'entrée de son pays dans l'Union, à la négociation du traité établissant une constitution pour l'Europe, puis à celle du traité de Lisbonne qui s'acheva le 13 décembre 2007.

« Une discussion assez vive »

Quoi qu'il en soit, ce trublion souverainiste peut se targuer d'avoir fait plier l'Europe. Le 29 octobre, à l'issue d'« une discussion assez vive », selon le témoignage du président de la République, les chefs d'État ou de gouvernement des Vingt-Sept sont convenus d'un arrangement dissipant sa crainte – réelle ou prétendue – d'une remise en cause des décrets Benes par lesquels furent expulsés de Tchécoslovaquie trois millions d'Allemands des Sudètes. La République tchèque sera ajoutée aux États mentionnés dans le protocole stipulant que la Charte des droits fondamentaux « n'étend pas la faculté de la Cour de justice de l'Union européenne, ou de toute juridiction de la Pologne ou du Royaume-Uni, d'estimer que les lois, règlements ou dispositions, pratiques ou action administratives de la Pologne ou du Royaume-Uni sont incompatibles avec les droits, les libertés et les principes fondamentaux qu'elle réaffirme ». Le droit primaire européen sera amendé en ce sens à la faveur d'un protocole inclus dans le prochain traité d'élargissement. Encore une fois, il s'agit moins d'une véritable dérogation que d'une "explication de texte".

Ainsi peut-on « tourner la page de dix ans de débats institutionnels stériles », se félicite Nicolas Sarkozy ; « raisonnablement, on peut dire que le traité de Lisbonne entrera bien en vigueur d'ici à la fin de l'année, sans doute dès le 1er décembre », a-t-il annoncé. Dans l'immédiat, les responsables européens s'affairent sur deux chantiers. Le premier recouvre des aménagements règlementaires, voire quelques clarifications politiques, avec, par exemple, la mise en place du Service européen pour l'action extérieure, ou la répartition des responsabilités entre, d'une part, le Haut Représentant pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité et, d'autre part, le gouvernement continuant d'assurer la présidence semestrielle de l'Union. Le second chantier est plus médiatisé : les tractations s'accélèrent afin de distribuer les postes.

Qui sera le nouveau Washington ?

Pour amuser la galerie, on insiste sur la "parité" ou le degré d'engagement "européen" des candidats potentiels. Plus sérieusement, on souligne également la nécessité de respecter un certain "pluralisme politique" : c'est une exigence du Parlement européen, dont l'accord sera indispensable pour installer la nouvelle Commission. L'attention se focalise plus particulièrement sur la désignation du président du Conseil européen – l'instance réunissant les chefs d'État ou de gouvernement – élu pour deux ans et demie, dont le mandat sera renouvelable une fois. C'est un choix capital selon Valéry Giscard d'Estaing : « l'Europe doit rechercher et inventer son George Washington », rien de moins, avait-il lancé en 2008 ! Jacques Delors se montre plus réaliste : « Je n'étais pas partisan de la création d'un tel poste, mais si c'est ainsi, ce doit être un facilitateur et non un président à la française. Si c'est un président exécutif, qui veut représenter l'Europe partout, il y aura des conflits avec les autres chefs d'État et à l'intérieur des institutions. Cela amènerait plutôt une paralysie de l'ensemble qu'une avancée. » (Toute l'Europe, 22/10/2009) « Il y a un débat », reconnaît le président de la République, qui préférerait manifestement un « leader charismatique ». Nostalgique des six mois qu'il a passés à la tête de l'UE, il nourrit selon nous quelques illusions.

Convoitise

« Nous nous sommes mis d'accord avec Mme Merkel pour [...] soutenir le même candidat le moment venu », a-t-il révélé lors d'une conférence de presse. Aucun Français ne serait sur les rangs. Paris ne semble pas convoiter davantage la fonction de Haut Représentant. « Je ne crois pas que ce soit l'intérêt de la France de revendiquer ce poste », a déclaré Hubert Védrine (Europe 1, 12/10/2009). « Dans le système de Lisbonne, il y a un poste en tout pour la France et je comprends la position des autorités françaises, notamment du président, qui voudraient que la France ait le poste de commissaire pour le marché intérieur, y compris les services financiers. » Le chef de l'État entend confier ce portefeuille à Michel Barnier ; peut-on compter sur lui pour défendre les intérêts de la France ?

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