Coûteaux tacle Debray
1 juillet 2010
Article publié dans L'Action Française 2000
Commentaire du dernier ouvrage de Paul-Marie Coûteaux.
Préfaçant leur réédition, Régis Debray a jugé que les discours de guerre du général De Gaulle – et particulièrement l'appel du 18 juin – n'étaient pas « de ceux qui ont fait l'histoire de ce siècle ». Grâce à leur auteur, tout au plus « l'affaire France » se serait-elle « bien terminée » : « Sortir un jour ou l'autre de l'histoire est un sort banal », conclut Debray. « En sortir par le haut n'était pas donné à tout le monde. Alléluia. »
C'est un véritable blasphème aux yeux de Paul-Marie-Coûteaux. « Vous déraillez », lance-t-il à celui qui fut son « modèle ». « La France reste l'une des cinq ou six premières puissances du monde », rétorque-t-il dans un opuscule publié à son intention. Le chantre du souverainisme y propose une interprétation spirituelle de l'appel du 18 juin, esquissant la thèse qu'il développera dans son prochain ouvrage. « La réalité du jour, en juin 40, c'est le désastre, nul n'en disconvient », reconnaît-il. S'inspirant très librement de Platon, il n'en affirme pas moins que la « vérité » était tout autre, élaborant une dialectique au service de l'espérance.
Avouons-le, notre esprit quelque peu "terre à terre" s'y montre réfractaire. Notre réaction a-t-elle été conditionnée par notre formation à l'école d'AF ? Selon Paul-Marie Coûteaux, en tout cas, son maître « ne vit dans les beaux discours de Londres qu'un déluge de romantisme juvénile... » Loin d'être unanimement rejeté dans nos rangs, le principe gaullien selon lequel « l'intendance suivra » participe lui aussi, selon nous, du déni de réalité. Gardons-nous d'y voir un écho au "Politique d'abord" de Maurras, pour qui « la route doit être prise avant que d'arriver à son point terminus ; la flèche et l'arc seront saisis avant de toucher la cible ; le moyen d'action précédera le centre de destination ». C'est à peu près l'inverse que proclame l'autre Charles.
« La France peut toujours redevenir ce qu'elle fut souvent », poursuit Paul-Marie Coûteaux, à savoir « le caillou glissé dans la chaussure des mastodontes ». Comme en 2003, où Paris se distingua à la tribune des Nations Unies, exaspérant son allié américain sans parvenir – ni même chercher ? – à infléchir sa volonté d'envahir l'Irak. Comme en 2005, où le rejet du traité établissant une constitution pour l'Europe précéda l'adoption du traité de Lisbonne qui en reprenait la plupart des dispositions. Autant de "non" censés prouver « que l'histoire continue » ! Des "non" sans conséquence, dont seuls les amateurs d'esbroufe devraient apprécier la valeur.
La « grandeur » louée par les gaullistes se réduit somme toute à quelques apparats de puissance – notion à laquelle Paul-Marie Coûteaux semble d'ailleurs préférer celle de souveraineté, en dépit de son caractère essentiellement juridique et formel. Il ne craint pas d'inscrire son combat contre l'Union européenne dans la continuité de la Résistance. Une posture de tartuffe ? Celle d'un croisé, émancipé des rigueurs matérielles ! « Dans la fameuse formule "Toute ma vie je me suis fait une certaine idée de la France", le mot essentiel est idée ; elle surplombe toute l'épopée. » À ce petit jeu-là en effet, tout n'est qu'affaire de foi.
Paul-Marie Coûteaux : De Gaulle, espérer contre tout - Lettre ouverte à Régis Debray ; Xenia, 19 juin 2010, 93 pages, 10 euros.
2 commentaires pour "Coûteaux tacle Debray"
GD
Le 2 juillet 2010 à 0 h 08 min
Le commentaire des Manants du Roi :
http://www.lesmanantsduroi.com/articles2/article31490.php
Catoneo
Le 2 juillet 2010 à 13 h 01 min
PMC célèbre la France d'il y a trente ans, voire quarante. Dans les classements repris par M. Coûteaux, les chiffres ne coulent pas d'une source tranquille. Il y a une compétition féroce avec les BRICs et les empires vaincus de la Seconde Guerre Mondiale qui nous bouffent, guerre qui permit à la France, c'est vrai, de sortir de l'Histoire par le haut comme le dit Régis Debray. La France a terminé son mandarinat en juin 1940. Elle n'a plus rien gagné depuis lors, l'effritement est continu. Nous commençons juste à le savoir alors que les autres pays savent notre déclassement depuis longtemps.
La quatrième armée du monde peine à déployer un petit escadron de Rafales en Afghanistan, comme elle fut incapable de faire mieux qu'un escadron de vingt SEPECAT Jaguar (chasseur exclusivement diurne !) lors de la première guerre d'Irak (1991). Ils se sont bien battu quand même. C'était un test.
Par le Pib, un marqueur imparfait qui en vaut un autre, nous sommes classés huitième par le FMI pour 2009, un poil devant le Brésil qui nous passera en 2011. Ce classement en parité de pouvoir d'achat est instructif :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_PIB_%28PPA%29
La cinquième puissance industrielle est un souvenir, n'importe quel industriel vous dira que nous assemblons des composants fabriqués ailleurs. Hors fonderies, nos usines sont avant tout des usines de montage, sans même évoquer les délocalisations d'abord motivées par l'exigence de produire au sein des marchés cibles. La France n'est pas un marché-cible, mais un marché local au sein du grand marché européen.
Le plus énorme de la part de M. Coûteaux est d'exemplifier la seconde agriculture d'exportation au monde. Manque pas d'air, Paul-Marie. Cette position, qui varie d'un semestre à l'autre en fonction des récoltes, des cours et des changes, fut obtenue exclusivement par la Politique Agricole Commune de la Communauté Européenne, et certainement pas par l'agriculture nationale dramatiquement sous-capitalisée depuis toujours. La bourgeoisie d'affaires n'a surveillé que la vitivculture bordelaise (pour la revendre aux Japonais) et n'a jamais investi ses gains dans l'agriculture commerciale. Seuls les céréaliers sont à la page et ont réinvesti... au Nouveau Monde.
Brisons-là sans évoquer notre vocation de "scrupule".
Les souverainistes se trompent complètement d'axe à privilégier la grandeur, les attributs de la souveraineté, la langue et autres marottes de préaux. La France trouvera sa juste place par l'effort de tous en se débarrassant de la social-démocratie, de son parlementarisme bavard, de sa propension à emmerder ses voisins, et du lest d'une puissance disparue mais toujours grandiloquente. J'ai l'habitude dire qu'il est impossible de courir contre les autres dans des galoches de 45 si on ne chausse que du 42. Seul De Gaulle nous a proposé cet inconfort stupide pour nous flatter. Il a tué les fondamentaux que la IV° République avait malgré tout réussi à préserver. Il ne reste de lui que des discours. Rien n'a survécu. Si, De Villepin !
Nous n'avons rien à préserver. L'espérance est du romantisme.
Nous avons beaucoup à renforcer voire agrandir.
C'est ça la recherche de puissance.
Se battre dans le vrai monde.