Une crise chronique
7 juillet 2011
Article publié dans L'Action Française 2000
Le vote du Parlement hellénique préserve une timide accalmie sur le front des marchés. Cela étant, bien que les banques semblent disposées à participer à l'opération, le "sauvetage" de la Grèce n'est toujours pas assuré.
Un soupir de soulagement a traversé l'Europe le mercredi 29 juin. En dépit des manifestations qui agitaient la Grèce, le Parlement hellénique a validé le programme de réformes et de privatisations négocié avec la Commission européenne, la BCE et le FMI. Ceux-ci en avaient fait un préalable au versement d'une nouvelle tranche de prêts de 12 milliards d'euros, sans lesquels Athènes n'aurait plus été en mesure d'honorer ses dettes dès cet été. Le vote a été emporté à la faveur de 155 voix contre 138. Le Premier ministre George Papandréou est donc parvenu à rassembler ses troupes, un seul élu socialiste s'étant refusé à rentrer dans le rang.
L'opposition veut plus de rigueur
Quant à l'opposition, elle est loin de faire écho à toutes les protestations de la rue. « Nous aurions voté en faveur de plusieurs mesures du plan du gouvernement si celui-ci n'avait pas imposé un vote unique », souligne le député Christos Staikouras. Son parti « estime que la situation réclame plus d'agressivité dans les coupes des dépenses courantes et dans la restructuration des entreprises nationalisées », résume notre confrère Massimo Prandi (Les Échos, 28/06/2011). Tandis qu'on peine à distinguer les voix proposant une véritable alternative, Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen, verse dans un relatif cynisme : « Quand on exécute le programme d'assainissement budgétaire année après année, on doit passer un mauvais moment mais la confiance finit par revenir », a-t-il déclaré.
Les Européens vont-ils se résoudre à restructurer la dette contractée par la Grèce ? On semble s'y préparer, bien que cette perspective demeure exclue par les gardiens de l'orthodoxie monétaire, tel Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France. « C'est une illusion dangereuse », a-t-il prévenu dans la lettre introductive de son rapport annuel. Selon lui, une réduction ou un rééchelonnement « entraînent toujours, au moins dans un premier temps, une réduction supplémentaire de la confiance et de moindres apports de capitaux, ce qui augmente l'effort nécessaire ». En filigrane, des rivalités institutionnelles confortent peut-être la prudence des banquiers centraux. La BCE ayant racheté des obligations grecques sur le marché secondaire, « une décote de ces actifs la rendrait extrêmement vulnérable, et très dépendante des États de la zone euro, qui devraient la recapitaliser », explique notre confrère Robert Jules (La Tribune, 13/06/2011).
Équilibristes
Cela étant, le spectre d'une "contagion" nourrit des inquiétudes légitimes. Pour l'heure, les responsables politiques s'essaient à un numéro d'équilibriste, afin d'impliquer les institutions privées dans le "sauvetage" de la Grèce sans déclencher un "événement de crédit". Des discussions fructueuses auraient été entamées à cet effet entre Bercy et les principaux créanciers français. Ceux-ci seraient disposés à réinvestir 70 % de la valeur des titres arrivant à échéance... à des conditions toutefois suffisamment avantageuses pour être jugées incitatives. Aux yeux de Standard & Poor's, le plan esquissé n'en constituerait pas moins un "défaut sélectif" (Athènes restructurant effectivement une partie, mais non la totalité, de sa dette obligataire). Dans le cas présent, il conviendrait toutefois de relativiser l'influence des agences de notation. « Ce n'est pas parce qu'une agence décrète un défaut que les détenteurs de titres enregistrent une perte », tempère notre consœur Isabelle Couet (Les Échos, 04/07/2011). « S&P laisse entendre que le classement en "défaut" ne serait que temporaire et reconnaît en filigrane que le plan de la [Fédération bancaire française] pourrait même améliorer la note de la Grèce a posteriori ». Dès lors, conclut-elle, « même la Banque centrale européenne (BCE) ne serait pas véritablement menacée ».
Défiance populaire
Reste le second front : celui de l'opinion. D'abord en Grèce : « Pour que le plan de sauvetage [...] ait la moindre chance de réussite, le gouvernement Papandréou devra par tous les moyens convaincre les électeurs que l'austérité est le prix à payer pour un avenir meilleur - et pas seulement pour satisfaire les exigences des créanciers étrangers », martèle Dani Rodrik, professeur à l'université de Harvard (La Tribune, 17/06/200). Mais aussi outre-Rhin, où l'on connaît la défiance de l'opinion publique à l'égard de la Grèce. Cela doit éclairer les propos de Jean-Claude Juncker, le Premier ministre luxembourgeois et président de l'Eurogroupe, tenus au magazine allemand Focus, où il annonce sans détour que « la souveraineté de la Grèce sera extrêmement restreinte ». Berlin doit compter également avec le tribunal constitutionnel de Karlsruhe, devant lequel un "échange de vues" s'est tenu mardi dernier à propos des mesures de solidarité budgétaire européenne... La crise des dettes souveraines n'a pas fini de faire la une de l'actualité.