La démocratie en péril ?
4 octobre 2012
Article publié dans L'Action Française 2000
À la faveur, d'une part, des débats de société et, d'autre part, des défis lancés par la crise économique, hommes d'église, politologues et journalistes se risquent à critiquer un régime politique que l'on croyait inattaquable.
La démocratie a-t-elle encore la cote ? Du moins la critique-t-on plus volontiers que par le passé. D'abord dans l'Église. Ainsi Benoît XVI a-t-il jugé « évident », le 22 septembre 2012, devant le Bundestag, « que dans les questions fondamentales du droit, où est en jeu la dignité de l'homme et de l'humanité, le principe majoritaire ne suffit pas ». Deux jours plus tard, alors que Jean-Michel Apathie l'interrogeait sur RTL à propos du mariage des homosexuels, Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris et président de la Conférence des évêques de France, a tenu un discours similaire : « il n'est pas sain de mettre aux voix » la distinction du bien et du mal, a-t-il déclaré.
Érosion progressive
Outre-Rhin, le politologue Herfried Münkler analyse, quant à lui, l'« érosion progressive » qui affecterait la démocratie parlementaire. Le Courrier international s'est fait l'écho de ses interrogations publiées par le Spiegel. « Pourquoi la crise actuelle devrait-elle signifier le début de la fin de ce modèle politique ? », se demande-t-il. « N'est-ce pas qu'un moment difficile à passer, auquel succédera à nouveau une période florissante du système, rôdé et éprouvé, de la démocratie parlementaire ? Un élément ne plaide pas en ce sens : l'impossible synchronisation des rythmes économique et politique. La Bourse et les banques dictent le rythme des décisions et les parlements courent derrière elles. Ce phénomène n'est pas seulement une conséquence de la mondialisation, mais aussi un effet de l'accélération des communications et des nouvelles technologies de l'information. Les autorités politiques sont tellement sous pression que le gouvernement place en permanence le Parlement devant le fait accompli. Non seulement celui-ci se contente d'approuver ce que l'exécutif a annoncé sous la pression de la Bourse et des agences de notation, mais l'Union européenne et l'euro, qui en tant que remparts supranationaux auraient dû faire barrage à l'autonomisation des marchés, contribuent au contraire à la marginalisation des parlements nationaux, dans la mesure où les chefs de gouvernement prennent les décisions à Bruxelles et exhortent les élus à ne pas les contester sous peine de faire accourir les spéculateurs financiers. »
Apologie des pleins pouvoirs
La situation n'a pas échappé à Henri Pigeat. Intervenant lundi dernier, 1er octobre, au micro de BFM Business, l'ancien président de l'AFP n'a pas mâché ses mots. De son point de vue, l'Italie doit être montrée en exemple pour avoir réalisé, depuis un peu moins d'un an, plus de réformes que la France durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Or, ce succès tiendrait au fait que le gouvernement de Mario Monti disposerait, en quelque sorte des « pleins pouvoirs sous contrôle ». En France, soutient Henri Pigeat, « toutes les réformes récentes [...] ont été réalisées avec des gouvernements de pleins pouvoirs ». Dans les démocraties, déplore-t-il, « il y a toujours des intérêts particuliers qui vont s'opposer à l'intérêt général ». Selon lui, il faut « faire en sorte que les choses qui doivent être réglées d'urgence le soient effectivement ». Sinon, prévient-il, « nous allons butter sur une crise beaucoup plus grave que la situation actuelle et il faudra faire les réformes sous l'autorité de la Banque centrale européenne, du FMI et d'autres autorités extérieures ». Alors, "politique d'abord" ?