Le populisme à la fête
23 avril 2013
Article publié dans L'Action Française 2000
Une vague populiste est-elle en train de submerger l'Europe ? Sous la pression de mouvements émergents, les partis de gouvernement infléchissent leurs politiques.
Il y a le feu dans la maison Europe, s'inquiète Gérard Grunberg, directeur de recherche au CNRS. « C'est l'ensemble des élites politiques européennes favorables à l'intégration européenne qui [...] sont immobiles, voire pétrifiées, face à la marée populiste montante », déplore-t-il sur Telos. De fait, selon un sondage Harris Interactive pour LCP, un nombre croissant de Français jugeraient que Marine Le Pen « ferait une bonne présidente de la République ». Par ailleurs, dimanche dernier, 14 avril, s'est tenu le congrès fondateur d'Alternative pour l'Allemagne, un parti prônant « une dissolution ordonnée » de l'Union économique et monétaire - autrement dit, le retour au mark. Bien que la défiance à l'égard de l'euro semble faiblir outre-Rhin, et quoique Angela Merkel bénéficie d'une popularité record, ce nouveau venu pourrait rafler quelques voix à la CDU-CSU lors des élections législatives programmées en septembre, perturbant quelque peu le jeu politique.
Partout en Europe...
À l'image du Mouvement 5 étoiles (M5S) de l'autre côté des Alpes ? Celui-ci compte des militants parmi les Italiens expatriés en Allemagne, comme le rapporte le magazine Cicero, cité par le Courrier international. « Quand il n'y aura plus de politiciens professionnels au Parlement, mais qu'il y aura seulement des membres de la société civile, qui ne s'inscrivent que pour un temps déterminé dans les institutions, le M5S ne sera plus nécessaire », assure l'un d'entre eux. De là à proposer l'institution d'une représentation organique de la nation, il n'y a qu'un pas. En France, les royalistes l'ont franchi de longue date !
« Sans un sursaut politique au niveau européen, les partis de gouvernement seront amenés, chacun dans son pays, à tenir compte de la poussée populiste et à atténuer leur discours pro-européen », prévient encore M. Grunberg. N'est-ce pas déjà le cas ? La crise aidant, la fraternité universelle n'a plus la cote. La hantise du plombier polonais suscitait jadis quelque suspicion morale. Mais aujourd'hui, à Paris, un chantre de la "démondialisation" siège au Conseil des ministres, vilipendant Chinois, Coréens et autres envahisseurs responsables du déclin français. À Madrid, le gouvernement entend restreindre les conditions d'obtention de la nationalité espagnole. À Copenhague, on somme les chômeurs étrangers d'apprendre le danois, sous peine de réduire leurs indemnités.
Le cas britannique
À Londres, enfin, « le chancelier de l'Échiquier, George Osborne s'est publiquement demandé, à propos d'un homme vivant de l'aide sociale et reconnu coupable d'avoir provoqué l'incendie qui a causé la mort de ses six enfants : "Pourquoi l'État devrait-il soutenir des gens comme Philpott ?" » Selon The Daily Telegraph, cité par le Courrier international, « Osborne est applaudi par ses alliés tories mais accusé par le Labour "d'exploiter cyniquement les crimes de Philpott pour faire passer sa réforme controversée" ». Les grandes lignes en ont été présentées le 25 mars par le Premier ministre David Cameron, dont le projet vise à réduire l'immigration des ressortissants de l'Espace économique européen. « Plusieurs mesures ont été mises en avant et notamment la fin du versement de l'aide perçue par un immigré au chômage au bout de six mois s'il n'a aucune perspective d'emploi, ainsi que la restriction des droits des immigrés en matière d'aide au logement et d'accès au système de santé », rapporte la Fondation Robert Schuman.
Voilà seulement quelques années, l'Europe entière aurait crié au scandale ! Reste à savoir comment cette pression populiste se conjuguera aux facteurs économiques... « Un détricotage de la zone euro, puis de l'Union européenne elle-même, risque [...] de s'opérer », prévient Gérard Grunberg. Affaire à suivre.