Livre blanc : les armées en sursis
4 avril 2013
Article publié dans L'Action Française 2000
La publication du nouveau livre blanc sur la défense est imminente. Dans la foulée sera adoptée une loi de programmation militaire, dont le président de la République a promis qu'elle ne déshériterait pas les armées.
À l'approche de la publication du nouveau livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, parlementaires et industriels sont montés au créneau, appelant le chef de l'État à "limiter la casse". Sans doute ont-ils été rassurés par son intervention télévisée du 28 mars : au profit de la Défense, « nous dépenserons en 2014 le même montant qu'en 2013 », a-t-il promis ce soir-là. Auparavant, le Premier ministre avait tempéré les inquiétudes dont Jean-Pierre Raffarin s'était fait l'écho au Sénat : « si le président de la République a pris la décision d'engager nos forces au Mali, ce n'est pas pour, demain, entraver les capacités de notre armée », avait-il déclaré.
Incertitudes budgétaires
Qu'en sera-t-il au juste ? Bien qu'il ait exclu les "scénarios catastrophe" détaillés par nos confrères, François Hollande est demeuré évasif quant à l'ampleur du budget pris en référence. Selon que l'on considère le budget annoncé ou celui effectivement exécuté, que l'on y inclue ou non des recettes exceptionnelles (des ventes de fréquences ou des cessions immobilières, par exemple), les chiffres ne sont pas les mêmes... En outre, selon la formule du général Georgelin, ancien chef d'état-major des armées, cité par notre confrère Jean-Dominique Merchet, animateur du blog Secret Défense, « la Défense gagne en général les batailles stratégiques contre Bercy, mais elle perd ensuite tous les combats tactiques ».
Alors que l'adoption d'une loi de programmation militaire (LPM) a été reportée à l'automne, rien ne permet d'assurer qu'elle sera durablement respectée. C'est même le contraire qui serait étonnant. Fin janvier, La Tribune signalait déjà une « première encoche » au budget annuel de la Défense, priée de contribuer au financement des surcoûts éventuels de la politique de l'emploi. Alors qu'il était encore ministre délégué au Budget, Jérôme Cahuzac avait toutefois promis « de piocher dans la réserve de précaution si la facture des opérations extérieures (Opex) était supérieure aux 630 millions d'euros déjà budgétés », précise notre confrère Michel Cabirol.
Quelles nouveautés ?
Ces aléas budgétaires nourrissent l'indécision chronique de l'État, contre laquelle s'élèvent les industriels, à l'image du missilier MBDA. Paris n'en finit pas de différer ses arbitrages portant sur deux programmes phare, « l'un très important pour toute la filière industrielle missilier française » (le missile moyenne portée, appelé à succéder au missile Milan), et l'autre « crucial pour la coopération britannique » (l'anti-navire léger), rapporte encore La Tribune. Or, sous la pression de ses actionnaires, l'entreprise pourrait stopper certains développements, prévient son P-DG Antoine Bouvier.
La publication d'un nouveau livre blanc confirmera vraisemblablement la nécessaire montée en puissance de la cyberdéfense. « Depuis 2008, la France a commencé à combler son retard » en la matière, selon Jean-Louis Carrère, le président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat. « Une agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (l'ANSSI) a été créée en 2009 et notre pays s'est doté en 2011 d'une stratégie dans ce domaine. Pourtant, en dépit de ces progrès, le sentiment qui prédomine aujourd'hui est que la menace a été largement sous-estimée et que notre dispositif connaît encore d'importantes lacunes. » Par ailleurs, comparé au précédent, le prochain livre blanc devrait accorder une attention renouvelée à l'Afrique - Mali oblige -ainsi qu'aux enjeux maritimes - « une des données majeures de l'évolution du contexte stratégique depuis dix ans », soutient M. Carrère.
Océan Pacifique
D'ores et déjà, « 41 % du trafic maritime de biens de consommation à destination de la métropole passe en mer de Chine du Sud. Par conséquent, nos intérêts économiques quotidiens sont directement tributaires de la sécurité de ces eaux », a souligné le vice-amiral Jean-Louis Vichot, lors d'un colloque au Sénat consacré au Pacifique. De plus, « c'est outre-mer que nous allons trouver les ressources minérales, alimentaires, biologiques qui vont nous permettre de développer la recherche et l'industrie en France, outre-mer et en métropole », a-t-il plaidé. « À Wallis et Futuna, ont été découverts des encroûtements minéraux d'une rare qualité. En Polynésie française, on espère une forte croissance de la pêche avec le réchauffement climatique. Celui-ci n'apporte pas que des catastrophes puisqu'il va déplacer la ceinture du thon vers le Sud, vers la ZEE [zone économique exclusive] de la Polynésie française. » De quoi susciter des convoitises...
Aussi la présence française dans le Pacifique requiert-elle des patrouilleurs - « suffisamment gros pour affronter la houle du Pacifique » -, des frégates - « les seules à avoir assez d'autonomie et de moyens militaires pour maintenir une présence dans l'ensemble du Pacifique, sur les côtes d'Asie et d'Amérique », mais aussi des avions et des satellites d'observation. Or, comme l'a rappelé l'amiral Vichot, « les conclusions du livre blanc de 2008 [avaient] préconisé de réduire de moitié les capacités militaires françaises dans le Pacifique, y laissant des forces à peine suffisantes pour exprimer la souveraineté de notre pays sur ces territoires ». À l'époque, on avait considéré « que les îles du Pacifique étaient suffisamment protégées par les étendues océaniques qui les entouraient, à une nuance près pour la Nouvelle-Calédonie ». Le tir sera-t-il rectifié ? Réponse courant avril.
2 commentaires pour "Livre blanc : les armées en sursis"
Dillon C. Clarke
Le 28 avril 2013 à 16 h 37 min
Le Conseil des Industries de Défense Françaises (CIDEF), qui regroupe l’ensemble des groupements professionnels (GICAT, GICAN, GIFAS[1]) du secteur de la défense et représente un chiffre d’affaires de 17,5 milliards d’euros et 165.000 emplois directs et indirects, vient de publier son « Livre Blanc » intitulé : « L’industrie de Défense Française 2012 - De l’importance d’une base industrielle et technologique de défense performante ».
Rico Drake
Le 5 mai 2013 à 15 h 50 min
La première priorité affirmée par le Livre blanc est de renforcer le niveau de sécurité des systèmes d’information essentiels au bon fonctionnement des opérateurs d’importance vitale et donc de la Nation. Ce renforcement implique pour les systèmes d’information les plus critiques : le respect de référentiels de sécurité à appliquer par les opérateurs ; la mise en place de dispositifs de défense adaptés ; l’obligation de déclarer les incidents ; la capacité pour l’État de vérifier par des audits le niveau de sécurité de ces systèmes et, en cas de crise grave, d’imposer les mesures nécessaires.