Les Antigones sèment l'inflation
29 octobre 2013
C'est bien connu : sous la coupe de Créon prospèrent des banquiers perfides... Les Antigones se sont choisi un nouvel ennemi, hélas très consensuel.
Quoiqu'elles soient moins affriolantes que leurs homologues venues d'Ukraine, les Antigones nous sont sympathiques, d'autant que leur manifeste était bien tourné. Hélas, depuis leur coup d'éclat au Lavoir moderne, elles se dispersent, voire s'égarent. Les voilà au faîte de l'indignation la plus convenue, maintenant qu'elles s'attaquent à l'économie.
« Danser devant une banque », nous expliquent-elles, « c'est opposer des liens humains aux liens marchands ». Curieuse conception du commerce : jusqu'à présent, jamais nous n'avions pris notre boulanger pour un animal ; ni même notre banquier ou notre assureur – lequel est d'ailleurs un ami, preuve que cette dichotomie s'avère purement rhétorique.
« Depuis 1973 », prétendent les Antigones, « notre pays n'emprunte plus à sa propre banque centrale pour financer l'école de nos enfants, nos hôpitaux, nos routes, payer nos soldats, construire les quelques grands projets que nos dirigeants envisagent encore ». C'est méconnaître la substance de cette loi, dont la portée est largement exagérée à la faveur de quelque exégèse conspirationniste popularisée par le Front national et ses affidés. « Non, notre pays emprunte à des banques privées », poursuivent-elles. « Évidemment pas à taux zéro, mais variant entre 3,5 et 7 %. » Ces temps-ci, c'est beaucoup moins, mais il est vrai qu'une flambée prochaine de l'OAT nous paraît vraisemblable. « Ces intérêts colossaux représentent une grande partie de la dette de notre pays », déplorent les Antigones. Aussi faudrait-il « abroger la loi de 1973 », nous disent-elles, ignorant manifestement que celle-ci l'a déjà été – du moins formellement – il y a vingt ans.
Notre argent sera bientôt « ponctionné, taxé, volé, réquisitionné pour le remboursement de la dette, autrement dit des banques », préviennent encore les Antigones. En réalité, les banques sont loin d'être les seules à souscrire des obligations d'État. Outre les compagnies d'assurance, par l'entremise des fonds de pension, d'humbles retraités figurent parfois parmi leurs détenteurs. De fait, les « les apparatchiks du système », comme elles disent, arborent de multiples visages.
N'en déplaise aux Antigones, « il n'y a pas de repas gratuit ». Si d'aventure leur "solution miracle" se trouvait mise en œuvre, leur épargne serait également ponctionnée, non par une taxe supplémentaire, mais par l'inflation. À ce propos, rappelons la mise en garde de Jacques Bainville : il n'y a « rien de plus terrible que la liberté donnée à l'État d'imprimer du papier-monnaie », écrivait-il dans L'Action Française du 2 novembre 1925.
Cela étant, nous rejoignons les Antigones quand elles dénoncent la « collectivisation des pertes ». À nos yeux, plus qu'un scandale moral, c'est une aberration économique.