Genre à l'école : le Sénat s'obstine
17 juillet 2014
Article publié dans L'Action Française 2000
La délégation sénatoriale aux droits des femmes demande que soient instrumentalisés les manuels scolaires afin d'encourager les élèves à s'émanciper des représentations sexuées.
Quoi qu'il advienne des "ABCD de l'égalité", moult responsables politiques semblent décidés à inculquer aux petits Français les valeurs qui les avaient inspirés. Témoin de cette obstination, le rapport d'information du socialiste Roland Courteau, présenté au nom de la délégation aux droits des femmes du Sénat. Celle-ci « a toujours considéré que c'est dès le plus jeune âge que les stéréotypes doivent être appréhendés et déconstruits ». C'est pourquoi elle s'est intéressée aux manuels scolaires, souhaitant « prendre la mesure de l'évolution des représentations sexuées transmises aujourd'hui à l'école ».
Le poids des images
Avec une relative satisfaction, le rapporteur y observe « l'émergence d'un masculin neutre, à l'image de l'évolution des rapports de sexe dans le reste de la société ». Mais il s'attache surtout à dénoncer « une permanence dans la reproduction des stéréotypes de genre et des préjugés ». Sans surprise, il constate « une association permanente entre le féminin, la maternité, l'éducation et les soins aux enfants, les activités ménagères ». Soulignant « à quel point les stéréotypes se nichent dans l'iconographie », la délégation demande, notamment, « que le ministère de l'Éducation nationale mette à la disposition des éditeurs privés une banque de ressources iconographiques publiques ». Elle suggère, également, « que des experts, spécialistes des questions d'égalité entre les hommes et les femmes, soient intégrés au sein des groupes de travail pilotés par le CSP [Conseil supérieur des programmes], afin de pouvoir systématiquement procéder à une relecture spécifique des programmes ». À cet effet, est-il précisé, « le respect du délai d'un an entre la publication des programmes et leur entrée en vigueur est essentiel ».
Comment cette démarche se traduirait-elle concrètement ? Dans un manuel de mathématiques, par exemple, un exercice pourrait proposer « d'agréger des ustensiles de cuisine et des outils mécaniques ». Aux yeux du rapporteur, cela serait « bien plus efficace pour éveiller le regard critique de l'enfant qu'une "leçon" sur l'orientation des filles et des garçons ». De fait, « pour les élèves comme pour les enseignants », l'objectif serait « d'ouvrir le regard et de donner la possibilité de remettre en question l'ordre établi », au motif que celui-ci serait injuste.
Façonner les esprits
« Être éducateur au XXIe siècle », soutient la délégation sénatoriale, « c'est permettre à chaque enfant de se développer en fonction de ses potentialités sans être assigné à son sexe ou à sa classe sociale ». Or, « de la même manière que des manuels qui véhiculent des stéréotypes contribuent à l'intériorisation des normes de genre », il lui semble « évident que diversifier les modèles d'hommes et de femmes, de filles et de garçons, encourage les enfants et les jeunes à faire des choix basés sur leurs goûts et leurs aptitudes », ce qui leur conférerait « une plus grande liberté ». En effet, « les limites que crée l'intériorisation de l'assignation de genre » seraient « un frein à un plein épanouissement des filles et des garçons ». En résumé, « traquer les stéréotypes de genre à l'école participe donc à la construction d'un projet d'émancipation ». Autant le dire clairement : « l'enjeu d'une éducation non stéréotypée, c'est de transmettre plus de bonheur » – rien de moins !
Le terrain à la traîne
Reste à savoir dans quelle mesure cette conviction s'avère partagée, voire mise en œuvre. « À l'heure actuelle », regrette Roland Courteau, « la formation des enseignants à la transmission des valeurs d'égalité et de respect n'existe pas véritablement ». Plus précisément, « la mise en place des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE) semble s'accompagner d'une régression de la formation sur ces thématiques ». Selon lui, « la valeur "égalité" » devrait « intégrer tous les concours de recrutement de l'Éducation nationale ». Mais en pratique, explique-t-il « la mobilisation des cadres de l'Éducation nationale dépend essentiellement du niveau académique, rectorat par rectorat ». Dans ces conditions, « un professionnel investi dans telle ou telle académie peut impulser une dynamique positive, comme l'inverse, hélas » – tout étant affaire de point de vue, cela va sans dire. En résumé, si l'on en croit la délégation sénatoriale aux droits des femmes, il y aurait « un décalage certain entre les bonnes intentions affichées du ministère de l'Éducation nationale et la réalité de terrain ». Enfin une bonne nouvelle ?