L'arme nucléaire est-elle obsolète au XXIe siècle ?
1 octobre 2014
Article publié dans L'Action Française 2000
Complément de l'article écrit à l'occasion des cinquante ans des Forces aériennes stratégiques.
Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, le "pouvoir égalisateur de l'atome" n'avait pas échappé à Charles Maurras. De son point de vue, explique Georges-Henri Soutou, la bombe atomique « permettait à une puissance comme la France de garder son indépendance et de manœuvrer à l'époque des superpuissance » (Entre la vieille Europe et la seule France, Economica, 2009). C'est pourquoi, selon Maurras, « un gouvernement digne du nom français devrait tendre à ce que la France eût à tout prix le secret de la bombe, et la bombe elle-même, coûte que coûte ». Une fois n'est pas coutume, la République semble l'avoir entendu !
Cinquante ans plus tard, soutient Hervé Morin, « notre théorie de dissuasion souffre d'un certain nombre de contradictions ». « Dans un contexte de Guerre froide », affirme-t-il, « la stratégie du faible au fort et [le] concept de non-emploi se mariaient dans une belle logique. Mais dans une stratégie inverse, du fort au faible, dans un contexte où on développe une arme d'ultime avertissement, quand on procède à des programmes de miniaturisation, on voit bien que l'arme nucléaire tend à sortir du concept de non-emploi pour aller doucement mais surement vers le concept d'emploi. » Dans ces conditions, « le nucléaire français, pour conserver sa pertinence, ne peut échapper à la révision de sa doctrine », avait confirmé le général Gambotti, dans un billet publié en 2009 sur Egea. Selon l'amiral Jean Dufourcq, « l'arme nucléaire a toujours sa place dans notre arsenal militaire et notre politique de défense mais celle-ci n'est plus désormais centrale, vitale, quoi qu'on dise avec une virile constance ».
Faut-il dès lors y renoncer, comme le réclame, par exemple, le général Norlain, qui la juge « inutile et coûteuse » ? « L'arme n'est pas simplement une réaction aux conditions de l'époque », répond Olivier Kempf. « Elle est aussi une arme identitaire qui assure la perpétuation de l'indépendance de la France. [...] Or, l'espérance de vie des nations se compte en siècles. C'est à cette aune-là qu'il faut mesurer l'âge de l'arme nucléaire comme de son utilité. La Guerre froide dura quarante-cinq ans. Cela ne fait que vingt-cinq ans que nous l'avons quittée. Les circonstances ne rassurent pas et n'incitent pas au plus grand optimisme. C'est peut-être une erreur de jugement et l'observateur de 2014 n'aperçoit peut-être pas le mouvement pacificateur et de concorde internationale à l'œuvre. À tout le moins n'est il pas des plus apparents. Il est trop tôt, bien trop tôt pour se séparer de l'arme. »