Soft power : le droit à l'export
17 décembre 2014
Article publié dans L'Action Française 2000
La première réunion d'un "comité de pilotage sur la stratégie d'influence par le droit" s'est tenue le 3 décembre 2014.
Avocats, notaires, experts comptables et autres juristes seront bientôt conviés à s'y associer, a annoncé le Quai d'Orsay. Dans un avis adopté en septembre, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) avait appelé à mieux coordonner les acteurs concernés. Selon son rapporteur, David Gordon-Krief, « l'enjeu pour la France est de mettre en avant les atouts de l'adoption de notre système de droit continental sur différents segments » : partenariats publics-privés, propriété, protection des données personnelles... À cet égard, précise-t-il, « le CESE juge essentiel d'accorder une meilleure place à l'assistance juridique dans les programmes d'aides au développement ». À titre d'exemple, déplore-t-il, « le nombre d'experts juridiques français mobilisés au plan international est passé de 2 463 en 2001 à 574 en 2014 ».
Paradoxe français
Schématiquement, explique-t-il, « la jurisprudence est la source naturelle du droit dans les systèmes issus de la Common Law [...], alors qu'elle est, du moins d'un point de vue conceptuel, une source "secondaire" du système continental ». Sécurité, fiabilité et prévisibilité caractériseraient le droit continental. Cela étant, bien qu'il s'inscrive dans cette tradition, le droit français ne serait « pas exempt de défauts », au point qu'il serait « devenu moins stable que celui des pays de la Common Law » – un paradoxe. La compétitivité de l'économie nationale s'en trouve dégradée, à l'heure où « certains justiciables, singulièrement les firmes multinationales, sont [...] en situation de choisir le régime juridique qui gouvernera leur activité ».
En outre, soutient le CESE, « au travers de la diffusion d'éléments de son corpus juridique, la France porte un certain nombre de valeurs et au-delà une certaine vision du monde et de la globalisation ». De fait, le "colbertisme" et ses velléités régulatrices s'accommodent mieux du droit continental. Mais si les libéraux s'en méfient, tous ne le condamnent pas : « un droit codifié ne favorise pas nécessairement l'intervention de l'État&;nsbp», écrit ainsi Philippe Fabry sur Contrepoints ; selon lui, « dans la France d'Ancien Régime, ce fut même le contraire ».