Des libertés à portée de clic ?
1 janvier 2015
Article publié dans L'Action Française 2000
En suscitant de nouveaux usages, le numérique contribue à redistribuer les pouvoirs, au risque de léser certains intérêts, non sans provoquer quelque résistance politique.
Le déploiement du numérique « redonne aux citoyens un pouvoir », a remarqué le président François Hollande, dans un discours prononcé début décembre (2014). Pour le meilleur ou pour le pire, aurait-il pu ajouter. Quoique cela soit peut-être une affaire de point de vue. De fait, l'intérêt des taxis s'accorde mal avec celui des chauffeurs occasionnels, dont l'activité s'était développée dernièrement à la faveur du service Uber Pop. Celui-ci sera interdit à partir du 1er janvier 2015, a annoncé le gouvernement, qui menace de lourdes sanctions ceux qui se risqueraient à le maintenir ou à lui proposer un successeur : deux ans de prison et 300 000 euros d'amende.
Pas de TVA entre particuliers
Le message est clair : toutes les opportunités offertes par la Toile ne seront pas tolérées par le pouvoir. Constatant la multiplication des transactions immobilières réalisées directement entre particuliers, deux députés socialistes, Sylviane Bulteau et Jacques Cresta, s'en sont inquiétés auprès du gouvernement : sans doute conviendrait-il de protéger les agences dont l'activité est assujettie à la TVA, avaient-ils plaidé en substance au mois d'octobre. Moult grains de sable pourraient se glisser demain dans les rouages du pouvoir, dans la foulée de l'initiative visant a faire racheter par des citoyens lambda les 49,9 % du capital de l'aéroport de Toulouse-Blagnac cédés par l'État... Finalement, c'est un investisseur chinois qui a empoché la mise. L'essor du "financement participatif" (crowdfunding) n'en continue pas moins de nourrir les projets les plus divers. Inévitablement, l'heure est venue des premières déconvenues : ainsi une PME a-t-elle été placée en redressement judiciaire le 27 novembre dernier, « trois mois à peine après avoir emprunté 75 000 euros », comme le rapporte Alexis Vintray. « Les trois cent vingt-neuf petits investisseurs qui auront prêté à la société Smok-it n'ont même pas le droit d'imputer ces pertes sur les intérêts d'emprunts des autres prêts qu'ils auraient faits », déplore-t-il sur Contrepoints. Selon lui, « ce cadre défavorable risque bien de freiner le crowdfunding, alors que la France affirme vouloir en devenir un leader ».
Quant au Bitcoin, la plus populaire des crypto-monnaies, si son succès se confirmait, il pourrait ébranler le pouvoir des banques, voire la mainmise des États sur les affaires monétaires. De là à envisager un monde émancipé du politique (un peu comme dans le film Elysium, où la cité est administrée par un programme informatique...), il reste un pas que nous nous garderons de franchir : bien que le numérique rebatte les cartes, il est loin de l'avoir rendu caduc. En témoigne ces révélations de Bloomberg, selon lesquelles l'explosion survenue en 2008 dans un oléoduc turc aurait été le fait d'une cyberagression, vraisemblablement perpétrée à la demande de Moscou. « L'opération est déclenchée le 5 août 2008, deux jours avant la guerre contre la Géorgie », souligne Olivier Kempf, animateur du blog Egea. « En coupant le réseau de distribution de pétrole (et donc une ressource économique cruciale), il s'agissait d'affaiblir l'ennemi géorgien. » À côté des Russes, les pirates nord-coréens soupçonnés de chercher des noises à Sony Pictures font bien pâle figure !