Chassons la République de nos assiettes !
1 avril 2015
Article publié dans L'Action Française 2000
Attisant le feu du communautarisme, Nicolas Sarkozy espère vraisemblablement tirer profit de la hantise suscitée par l'islam, au risque de priver les Français d'origine étrangère de toute perspective d'assimilation.
La République s'accommode mal de la diversité. Jadis, à la grande époque des hussards noirs, les petits Français surpris dans la cour de récréation à parler un patois familial étaient passibles d'une punition. Demain, les enfants refusant le porc qui leur sera proposé à la cantine seront-ils systématiquement montrés du doigt ? « Dans les cantines d'écoles publiques, je suis opposé à ce qu'on appelle les repas de substitution où, en fonction de l'origine des enfants, de la religion des parents, on choisit des repas différents », a déclaré Nicolas Sarkozy, interrogé le mois dernier par nos confrères de TF1. Ainsi l'ancien président de la République s'est-il engouffré dans la brèche médiatique ouverte quelques jours plus tôt par Gilles Platret, maire UMP de Chalon-sur-Saône, qui venait d'annoncer qu'un « menu unique » serait servi dans les écoles de sa commune à la rentrée prochaine. Ce faisant, rapporte Le Figaro, l'édile « a mis fin à une pratique vieille de trente et un ans, au nom, explique-t-il, du "principe de laïcité" et du "vivre-ensemble" ».
La laïcité dévoyée
Or, selon l'Observatoire de la laïcité, celle-ci « ne saurait être invoquée pour refuser la diversité des menus ». En effet, selon son acception à laquelle demeure cantonnée la majeure partie du droit, elle requiert la neutralité des institutions, mais protège la liberté des individus. Nul n'est dupe des ressorts de la confusion entretenue aujourd'hui par Nicolas Sarkozy : « parler de laïcité devient une façon de revendiquer une France blanche et chrétienne, où tout le monde partage la même culture et les mêmes mœurs », comme l'observe le sociologue François Dubet, cité par nos confrères du Monde ; en résumé, c'est « une façon de dire qu'on ne veut pas des musulmans ».
Cela étant, s'agit-il effectivement de protéger une identité millénaire, ou bien d'en construire une nouvelle, fondée non pas sur le respect d'un héritage, mais sur la hantise de l'islam ? Jusqu'à présent, les rondelles de saucisson et autres bouteilles de pinard n'avaient jamais figuré sur aucun étendard national... « Voilà que les jupes longues, les tenues sombres ou amples sont suspectées d'être des signes religieux », s'inquiète notre consœur Aurélie Collas ! Revigoré par l'islamophobie, le laïcisme menace d'ailleurs les traditions d'origine chrétienne les plus sécularisées, comme en ont témoigné, ici ou là, les tentatives de bannir les crèches de Noël de lieux réputés "publics". Or, quelles perspectives d'assimilation peut offrir un pays reniant ainsi sa propre histoire ?
L'apaisement, vraiment ?
Pire : tandis que le chef du gouvernement prétend s'inquiéter d'un « apartheid » social, d'aucuns voudraient délibérément susciter la ségrégation scolaire ! Le communautarisme a tout à y gagner, sous ses formes les plus variées. Ainsi Allain Bougrain-Dubourg, Aymeric Caron et Franz-Olivier Giesbert viennent-ils d'appeler « à ce que la loi française impose dans chaque cantine scolaire, mais aussi dans les restaurants universitaires et les administrations, une alternative végétarienne, voire végétalienne ». De leur point de vue, « il s'agirait d'une avancée citoyenne majeure et d'un geste fort en faveur de l'environnement et de ce "vivre-ensemble" que tant invoquent sans rien faire pour le promouvoir ». N'en déplaise à M. Platret, selon lequel les cantines scolaires devraient « redevenir des espaces de neutralité », cet objectif ne pourra être approché que dans le respect des aspirations de chacun. Cela peut s'accommoder d'une relative indifférence à l'égard de la religion : nulle prière n'est requise pour servir du poisson à un petit musulman. En revanche, le politique ne saurait l'ignorer au point de nier sa prégnance.
Thibaud Collin l'avait expliqué en décembre 2013 dans les colonnes de L'Action Française 2000 : « La laïcité est un régime de fermeture dans le sens où elle procède par abstraction. Je considère telle personne en faisant abstraction de ses croyances pour ne voir en elle que son humanité ou son statut de citoyen. Cela implique donc de se fermer, c'est-à-dire d'ignorer volontairement et consciemment une dimension pourtant essentielle de la personne humaine, pour mieux faire ressortir un aspect commun censé être principe de cohésion sociale. » Disons que la laïcité procède d'une conception potentiellement sectaire, sinon totalitaire, du fameux "vivre-ensemble". Sans doute a-t-elle contribué aux dizaines de morts survenues, à l'étranger, lors des manifestations consécutives à la publication d'une nouvelle caricature de Mahomet dans Charlie Hebdo, dont la France tout entière se revendiquait alors... Indiscutablement, comme le dit le Premier ministre Manuel Valls, « la laïcité, c'est donc l'apaisement ».
NB – Nouvelle illustration de l'invocation de la laïcité à tort et à travers : « la RATP retoque un soutien aux chrétiens d'Orient sur une affiche », comme le rapportent nos confrères du Figaro.
Source de l'illustration : http://large.canalblog.com/archives/2010/04/22/17655849.html