Laurent Fabius et la Syrie : un soupçon de réalisme
18 octobre 2015
Un petit billet écrit pour L'AF2k.
Héraut des droits de l'homme, Laurent Fabius a jeté le gant à Bachar el-Assad, qu'il entend même traîner devant la justice internationale. À certains égards, son discours fait mouche : il est vrai que les médias, plus particulièrement audiovisuels, s'accommodent volontiers d'une vision du monde en noir et blanc...
Morale et efficacité
Poutine étant passé par là, voilà que le Quai d'Orsay met de l'eau dans son vin. « Il ne faut pas opposer d'un côté la morale et de l'autre l'efficacité », martèle désormais le ministre des Affaires étrangères ; « cela va exactement dans le même sens », a-t-il affirmé le 29 septembre 2015 sur le plateau de BFM TV. Le même jour, lors d'un sommet sur le terrorisme, il a jugé « très difficile d'imaginer qu'on puisse avoir [...] une Syrie unie, une Syrie libre, une Syrie qui respecte les communautés si à sa tête il est écrit que sera comme dirigeant celui qui a été à l'origine du chaos ». Et d'appeler à la constitution d'un gouvernement « avec des éléments du régime » (dont seule la figure de proue est désormais fustigée) « et avec des éléments de l'opposition modérée ».
Logique de puissance
On le devine : l'obstination de Paris pourrait presque se décliner sur un mode réaliste, à l'image du discours tenu par Arnaud Danjean, député Les Républicains au Parlement européen. « On peut décapiter Daech, lui infliger des pertes importantes, le contenir, le dégrader », a-t-il expliqué à nos confrères de L'Opinion ; « mais le fond sunnite en ébullition persistera, faute de solutions politiques », a-t-il prévenu. Dans cette perspective, le départ de Bachar el-Assad n'apparaît plus comme une exigence morale, mais comme un gage nécessaire qu'il faudrait donner aux populations sunnites. Cela reste discutable, mais, à défaut d'infléchir encore sa position, pourquoi le Quai d'Orsay ne la défend-il pas de cette façon ? Le gouvernement a beau se proclamer en « guerre » contre le terrorisme, il hésite à s'inscrire clairement dans une logique de puissance. Dans ces conditions, en dépit de ses engagements militaires, la France risque de se montrer relativement passive sur la scène internationale, où la Russie s'engage, à l'inverse, sans aucun complexe.