Être ou ne pas être dans l'Europe : un éternel débat
15 juin 2016
Article publié dans L'Action Française 2000
La question posée aujourd'hui, à l'approche du référendum sur le Brexit, l'a déjà été à maintes reprises, comme en témoignent les archives d'Aspects de la France.
En 1950, alors que fut proposée la création de la CECA (Communauté
européenne du charbon et de l'acier), le gouvernement britannique « considérait
que l'appartenance à un groupement exclusivement européen affaiblirait
ses liens avec le Commonwealth et la défense atlantique
»,
comme l'explique Helen Parr dans le Dictionnaire critique de
l'Union européenne (Armand Colin, 2008). Cependant, Londres ne
tarda pas à reconsidérer sa position, tandis que se développait le Marché
commun. En effet, « celui-ci était devenu le premier partenaire
commercial de la Grande-Bretagne
». De plus, « la
Communauté était en train de s'imposer sur la scène internationale, au
risque d'isoler la Grande-Bretagne
». Aussi sa demande
d'adhésion fut-elle présentée en juillet 1961.
L'Action française contre l'élargissement
Albion se heurta toutefois à l'hostilité de Paris. Dans les colonnes d'Aspects
de la France, on était loin de le déplorer : « pas
d'élargissement du Marché commun sans révision du traité de Rome
»,
résumait le titre d'un article signé Finex, publié dans le numéro du
7 décembre 1967 ; sans quoi, expliquait-il, « le poids
[...] du vote de la France
[...] serait diminué en valeur
relative
». « Ceux qui prônent l'entrée de la
Grande-Bretagne dans le Marché commun n'avancent aucun argument relevant
de l'intérêt français
», tranchait Pierre Pujo ; « on
ne nous a pas encore dit comment l'économie française supporterait la
concurrence anglaise
», déplorait-il notamment.
Un traité n'en fut pas moins signé quatre ans plus tard. « Il
faut écarter d'emblée la théorie selon laquelle tout élargissement d'une
aire économique serait un bien
», commentait Georges Mollard,
dans le numéro du 27 janvier 1972. De son point de vue, l'économie
était manifestement un jeu à somme nulle ; qu'importent Ricardo et
ses "avantages comparatifs" : « toute l'expérience acquise
tend au contraire à montrer que ce qui serait bon pour l'un serait
mauvais pour un autre
». En tout cas, « les nouveaux
arrivants ne sont pas disposés à oublier leurs intérêts nationaux
»,
prévenait Pierre Pujo ; la « cohésion
» de la Communauté
européenne s'en trouvera même fragilisée, annonçait-il. La hantise d'une
Europe fédérale n'en continuait pas moins d'animer les collaborateurs du
journal. Le 15 mai 1975, par exemple, Aspects de la France
dénonçait la « chimère européenne
» du président Valéry
Giscard d'Estaing.
Déjà un référendum en 1975
Le mois suivant, les Britanniques étaient appelés, déjà, à s'exprimer sur
le maintien de leur pays dans la Communauté européenne. Comme l'expliquait
Pierre Pujo dans son éditorial du 12 juin 1975, le chef du
gouvernement britannique avait « cru trouver dans le recours à la
procédure du référendum
[...] le moyen d'esquiver ses
responsabilités de Premier ministre et de surmonter la division de son
parti sur la question européenne
». L'histoire se répète !
« Malgré le référendum britannique, "l'Europe" recule
»,
titrait alors Aspects de la France. Échec venait d'être fait
au Brexit. « Les partenaires de la Grande-Bretagne
[...] auraient
tort de croire qu'ils trouveront désormais en elle un associé animé d'un
grand enthousiasme communautaire
», prévenait Pierre Pujo.
« La prétention de nos gouvernants de se présenter comme les
meilleurs "européens" peut être de bonne tactique dans les négociations
»,
concédait-il de façon plus étonnante « Travaillons à réaliser le
concert des nations européennes tant sur les problèmes politiques et de
défense que sur les questions économiques et monétaires
»,
poursuivait-il ; « mais n'oublions pas que la France ne
tiendra son rang, tant vis-à-vis des superpuissances que de ses
partenaires européens, que dans la mesure où elle représentera
elle-même, sur tous les plans, une force
». En effet, qu'est-ce
que la souveraineté sans la puissance ?