Le chef d'État-Major des armées n'est pas souverainiste
2 mars 2017
Article publié dans L'Action Française 2000
Soucieux de renforcer les moyens alloués aux armées, le général de Villiers inscrit volontiers leur action dans un cadre multilatéral.
Le général Pierre de Villiers, chef d'État-Major des armées (CEMA), s'est exprimé mercredi 8 février 2017 devant une commission de l'Assemblée nationale. « Pour la première fois depuis trente-cinq ans, la baisse de la part du budget allouée à la Défense a été enrayée
», s'est-il félicité devant les députés. Cela s'est traduit par sa stabilisation à 1,78 % du PIB. « Il faut poursuivre cette dynamique, qui doit nous amener à 2 % du PIB
», martèle le CEMA. « Mais il faut le faire plus rapidement que prévu, avant la fin du prochain quinquennat
», prévient-il.
Insuffisances criantes
« Parfois, en tant que chef des opérations, je renonce à certaines cibles
[…] par insuffisance de capacités
», déplore-t-il. Les exemples ne manquent pas : « Actuellement, plus de 60 % des véhicules de l'armée de terre engagés en opérations ne sont pas protégés. On ne peut pas continuer comme cela. De même, la disponibilité de nos avions ravitailleurs conditionne notre aptitude à tenir la posture de dissuasion nucléaire, comme à projeter nos forces et à soutenir nos opérations aériennes ; or, ils ont en moyenne plus de cinquante ans d'âge. La Marine, quant à elle, voit le nombre de ses patrouilleurs outre-mer s'effondrer : d'ici 2020, hors Guyane, six sur huit auront été désarmés, et ne seront remplacés que plusieurs années plus tard. Et, au-delà de 2020, d'autres réductions temporaires de capacités apparaîtront, comme les hélicoptères légers embarqués, dont le remplacement est prévu en 2028 seulement, les missiles air-air ou les camions lourds.
»
Retour des États-puissances
Or les menaces persistent. Le général de Villiers distingue « deux grands types de conflictualité
» : d'une part, explique-t-il, « nous sommes confrontés à l'émergence et à l'expansion du terrorisme islamiste radical
» ; d'autre part, poursuit-il, « nous assistons […] au retour des États-puissances, traditionnels ou émergents, dont certains visent à étendre leur influence par la mise en œuvre d'une stratégie qui repose sur le rapport de forces et sur le fait accompli
» La Russie serait-elle visée ? « De manière plus générale
», souligne le CEMA, « l'affirmation militaire redevient une tendance lourde, commune à plusieurs États dans le monde
». Celui-ci est-il plus dangereux qu'auparavant ? « Il est, en tout cas, plus instable et plus incertain
», répond le général de Villiers. Selon lui, « cette réalité, évidente, plaide pour que la France continue à compter en priorité sur ses propres forces afin d'assurer sa sécurité et sa protection pour le long terme
».
L'Otan et l'UE, des atouts ?
De quoi ravir les souverainistes ? Pas vraiment. Si, aux yeux du CEMA, « l'enjeu essentiel
» demeure effectivement « la préservation de notre souveraineté
», celle-ci « repose sur trois socles
» : « l'indépendance nationale
», « l'autonomie stratégique
» mais aussi « la coopération militaire, entendue au sens large
». « Tout l'enjeu est de parvenir au juste équilibre entre ce qui est du ressort strict de notre souveraineté et ce qui peut être partagé
», précise-t-il. De son point de vue, « il ne faut pas opposer le communautaire et l'intergouvernemental : les deux s'additionnent et ne s'opposent en aucune manière à l'exercice d'une souveraineté pleine et entière
». Par ailleurs, « à côté des garanties apportées
», selon lui, par l'Otan ou l'Union européenne, il revendique « la conviction que la coopération internationale, fondée sur la confiance, apporte une contribution complémentaire essentielle à la protection de la France et des Français
». Cette fois-ci, une pique serait-elle envoyée à Donald Trump ? Quoi qu'il en soit, le chef d'État-Major des armées se garde toutefois de verser dans l'angélisme car, observe-t-il, « seule la force peut faire reculer la violence
». Et de conclure : « Il ne suffit pas de prévoir l'avenir, il faut le permettre. Seule la puissance garantit la paix, qui est notre objectif à toutes et à tous.
»