Le « franc fort » vu par L'Action Française Hebdo
21 mars 2017
Dans les années quatre-vingt-dix, à la différence d'autres opposants au traité de Maastricht, le directeur de L'Action Française Hebdo accueillait avec bienveillance la politique du "franc fort", tout en en dénonçant certaines limites.
Été 1993 : les statuts de la Banque de France sont révisés afin de garantir son indépendance. On en parle peu dans les colonnes de L'Action Française Hebdo, où l'on dénonce plutôt l'entrée en vigueur imminente du traité de Maastricht. Dans le numéro du 15 juillet, Pierre Pujo évoque néanmoins la « politique du "franc fort"
» – laquelle « n'est pas la panacée
» selon le titre de son éditorial.
« M. Balladur
[…] a quelque mérite à s'y accrocher dans un pays où, depuis près de quatre-vingts ans, les gouvernements ont manié à répétition la planche à billets et procédé à d'innombrables dévaluations
», commente-t-il alors. Selon lui, en effet, « la stabilité de la valeur de la monnaie est un facteur de sécurité et d'enrichissement pour tous
» ; elle a même « une valeur morale
». « Cependant
», souligne-t-il, « la conversion de l'État français à la stabilité monétaire est trop récente pour effacer les doutes sur la durée
» ; c'est pourquoi, prévient-il, « le "franc fort" demeure bien fragile
».
Et de poursuivre : « M. Balladur a fait le pari de concilier une politique du "franc fort" avec une reprise de l'emploi. Ce pari n'est pas gagné d'avance. Alors que notre économie dépend largement de ses échanges extérieurs, nous devons faire face aux "dévaluations compétitives" de certains pays de la Communauté européenne, tels la Grande-Bretagne, l'Italie ou l'Espagne, tandis que les États-Unis et le Japon continuent à sous-évaluer leur monnaie respective pour faciliter leurs exportations. La puissance économique de ces deux derniers leur permet de nous imposer le cours de leur monnaie. Ne risquons-nous pas d'être victimes d'un excès de rigueur ? On peut se demander par ailleurs s'il est possible de combiner le maintien d'un "franc fort" avec des charges fiscales et sociales et des réglementations aussi lourdes que celles qui pèsent sur les entreprises françaises sans conduire l'économie sur la voie de la récession.
»
Le propos se veut donc nuancé. Quelques jours plus tôt, sur le même sujet, Pierre Pujo s'était montré critique à l'égard du chef de file des opposants à l'Union européenne en gestation. « M. Séguin condamne la politique du franc fort (disons plutôt du franc stable) qui conduit la France à lier son sort à l'Allemagne, à assouplir le statut de la Banque de France pour mieux la mettre sous la dépendance de la Bundesbank
», rappelle-t-il dans son éditorial du 24 juin 1993 ; « il souhaiterait que le franc "décroche" du deutschemark et il ne répugne pas à une dévaluation éventuelle
». Or, selon le directeur de L'Action Française Hebdo, « il est permis d'émettre des réserves sur ce point
». En effet, explique-t-il, « une dévaluation renchérirait nos importations qui (l'expérience passée le montre) ne diminueraient pas en volume, relancerait l'inflation et ferait remonter les taux d'intérêts
» ; et d'annoncer que « la croissance économique en France ne serait nullement garantie
».