George Lucas et les Jedi à la lanterne !
6 janvier 2018
Article publié dans L'Action Française 2000
Petite revue de presse politique publiée après la sortie des Derniers Jedi.
Le nouveau Star Wars, Les Derniers Jedi, sorti en France le 13 décembre 2017, a reçu un accueil mitigé. Sur le site américain Rotten Tomatoes, par exemple, la majorité de nos confrères l'ont encensé, mais les spectateurs ont été nombreux à le critiquer avec virulence. Pas forcément pour des motifs d'ordre artistique.
Un film féministe ?
« Les femmes font leur entrée en grande pompe dans la mythologie Star Wars, et c'est peut-être la vraie bonne nouvelle de cette nouvelle trilogie
», se félicite ainsi Gaudéric Grauby-Vermeil sur France Inter (14 décembre 2017), minimisant le rôle joué jadis par la princesse Leia… « Les dimensions mythique et archétypale
» propres à La Guerre des étoiles « sont quasiment évincées par une idéologie féministe agressive
», regrette Bishop Robert Barron, fondateur d'un mouvement catholique à Los Angeles, sur le site Yellow Hammer News (26 décembre 2017). Selon lui, les personnages masculins des Derniers Jedi seraient incompétents ou arrogants tandis que les femmes y apparaîtraient prudentes ou courageuses. Cet aspect-là du film, loin d'être flagrant à nos yeux, aurait nourri la défiance de militants plus ou moins associés à l'extrême droite américaine (Alt-right) – lesquels se seraient mobilisés pour en organiser le dénigrement sur la Toile ; c'est en tout cas ce que rapportent Bill Bradley et Matthew Jacobs dans l'édition américaine du Huffington Post (20 décembre 2017).
À défaut de rompre avec un patriarcat fantasmé, Les Derniers Jedi semblent vouloir se libérer du passé (parfois pour mieux s'y enfermer cependant, car cela ne va pas sans ambiguïtés). Le personnage de Yoda, censé incarner la sagesse, commande lui-même à la foudre de s'abattre sur la mémoire ancestrale de l'ordre Jedi, dont l'existence n'a plus lieu d'être : la maîtrise de la Force ne requiert plus vraiment d'apprentissage, comme en témoignent les prouesses de Rey. Dans un galaxie lointaine, comme chez nous en fait, la spiritualité et ses expériences propres à chacun se substituent à la religion placée sous l'égide d'une Église, constate Chaim Saiman dans The Atlantic (27 décembre 2017). Selon Jack Kerwick, professeur de philosophie, le film suggérerait même que « c'est de la civilisation, de ses traditions et de ses institutions que naît la corruption
». Aussi érige-t-il Rey en « héroïne rousseausite
» dans une analyse publiée sur le site américain Beliefnet (1er janvier 2018).
En finir avec les sang bleu
Il lui serait d'autant plus facile de faire table rase du passé qu'elle n'est affublée d'aucun patronyme. Cela réjouira notre confrère Steve Rose : dans le Guardian (4 décembre 2017), avant la sortie du film, il s'était attaqué aux « sang bleu
», exprimant l'espoir que l'héroïne de la nouvelle trilogie soit issue d'une famille anonyme ; de son point de vue « ce serait le signe que la mobilité sociale n'est pas éteinte après tout
». Les Skywalker à la lanterne ! Voilà un slogan que ne renieraient pas les militants de la « Force insoumise
», pour reprendre un titre utilisé par Libération (12 décembre 2017). « On pourrait
[…] dire que le seul vrai sujet du film, par-delà ceux scolairement répétés des volets précédents, est le dégagisme
», écrivent nos confrères Didier Péron et Olivier Lamm, risquant un parallèle avec la vie politique française : « rien à foutre du sabre-laser, à la casse le casque intégral du bébé Vador, expédié sans ménagement le grand méchant en robe de chambre lamé or et dents avariées
».
Faut-il y voir comme une mise en abyme ? Incidemment, Disney et ses sbires semblent exprimer la volonté de rompre avec l'héritage de George Lucas, qui leur a abandonné la destinée de son œuvre il y a cinq ans. « Ce n'était pas toujours facile de travailler avec George
», raconte Ben Burtt, auquel on doit d'avoir façonné l'univers sonore de la saga Star Wars, cité par Star Wars Underworld (16 décembre 2017). Cependant, poursuit-il, « vous pouviez attirer son attention, avoir votre mot à dire, présenter quelque chose et obtenir un oui ou un non
». Tel n'aurait pas été le cas s'il avait travaillé sur Les Derniers Jedi, a-t-il regretté. Autrement dit : c'était mieux avant… du temps de la monarchie.