Les vacances, une affaire d'État
4 août 2011
Article publié dans L'Action Française 2000
Les services gouvernementaux veillent sur le bonheur des Français. Pour preuve, ils se soucient de les faire partir en vacances. Cela donne à réfléchir sur les modalités de l'aide sociale.
Parmi les Français, 62 % étaient partis en vacances au cours de l'année passée. Du moins, au sens où l'entend l'Organisation mondiale du tourisme (OMT), qui définit les vacances comme un déplacement d'agrément d'au moins quatre nuits consécutives hors du domicile. Quoique supérieure à la moyenne européenne, cette proportion est jugée insuffisante par le Centre d'analyse stratégique (CAS). Dans une note d'analyse publiée le mois dernier, celui-ci promeut le développement d'« une politique globale de soutien au départ en vacances pour tous ». Cela conformément à la loi selon laquelle, depuis 1998, « l'égal accès de tous, tout au long de la vie, à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs constitue un objectif national ».
Psychologie
Les rapporteurs escomptent quelque bénéfices de la multiplication des vacanciers, « tant en matière de bien-être que d'autonomisation, de lien social, de soutien à la parentalité ou de lutte contre l'exclusion ». Autant de préoccupations auxquelles les pouvoirs publics pourraient répondre sans prendre par la main tout un chacun. Les auteurs vont jusqu'à traiter des « barrières psychologiques » faisant obstacle au départ chez les personnes souffrant d'anxiété. C'est dire les dérives auxquelles se prête la politique sociale. Dans le cas présent, elle investit un domaine que nous réserverions à la Santé. Constatant, par ailleurs, que « les propriétaires d'une maison apprécient d'y rester pour faire des travaux ou pour inviter des proches », les rapporteurs en concluent que « la qualité de vie quotidienne influe [...] fortement sur le choix de partir ou non, ce qui pourrait expliquer que les Corses restent deux fois plus chez eux que la population générale ». Le cas échéant, l'État ne devrait-il pas se concentrer sur l'urbanisme et l'organisation du territoire ?
Le CAS lui assigne une autre priorité : « développer le sentiment d'appartenance à un collectif européen », en s'assurant que les jeunes Français aient voyagé au moins une fois dans l'Union européenne avant leurs vingt ans. Peut-être pourrait-on commencer par faire visiter Versailles aux écoliers, quitte à inscrire dans un jumelage ce genre d'initiatives... L'observation suivante nous est apparue plus pertinente : « Indépendamment des structures marchandes, d'autres systèmes se développent grâce à l'internet, à l'image des échanges de maisons et d'appartements entre particuliers. » Un dispositif jugé particulièrement intéressant dans le champ du handicap, où seraient échangés des logements accessibles. Au-delà, on évite l'écueil affectant les infrastructures exploitées en marge des activités lucratives. En effet, « face aux effets d'usure mais aussi à l'évolution des standards de qualité, les structures du tourisme associatif répondent de moins en moins aux attentes de leurs clients : ce serait ainsi près de 40 % du parc immobilier qui nécessiterait des travaux pour un montant estimé à 500 millions d'euros. »
Usine à gaz
Parmi les dispositifs sociaux censés favoriser les départs en vacances, on relève les chèques vacances, les aides des caisses d'allocations familiales, des réductions offertes par la SNCF et de multiples initiatives locales et associatives. Or, « cette diversité de sources de financement et d'offres d'accompagnement [...] présente inévitablement un certain nombre de limites en termes d'accès à l'information et à l'ensemble des droits disponible ». C'est d'ailleurs un problème récurrent en matière sociale. Plusieurs initiatives visent à pallier ces difficultés. Tel le projet "Espace vacances aides au départ" (EVAD), porté par trois associations en Poitou-Charentes, qui devrait se concrétiser par la mise en ligne d'un site Internet, l'installation d'une permanence téléphonique et des campagnes de communication et de formation communes.
Entretenue de la sorte, l'usine à gaz continuera peut-être à tourner des années durant, mais au prix d'une énergie largement dissipée en chaleur. Or, en pleine crise de la dette souveraine, l'État-providence subira vraisemblablement de multiples assauts. Jadis en pointe sur les questions sociales, les royalistes devront se saisir du débat. Peut-être trouveront-ils quelque source d'inspiration dans les propositions de "revenu familial minimum garanti" ou autres "impôt négatif" censés substituer aux minima sociaux une allocation dégressive servie aux plus modestes. Si l'on en croit ses promoteurs libéraux, l'idée fut popularisée dans les années soixante par le cercle des économistes de Chicago, autour de Milton Friedman, le chantre du monétariste. C'est un lourd passif, dont le rappel ne devrait pas faciliter sa diffusion dans l'Hexagone... De toute façon, le gouvernement vient d'annoncer la mise en place imminente d'un tarif social pour l'internet haut débit. Quant aux politiciens en campagne, peut-être montreront-ils la Belgique en exemple : là-bas, l'assurance chômage contribue à financer les congés des jeunes actifs.