EIIL : quand la paranoïa islamophobe se mêle du vocabulaire
28 septembre 2014
Faut-il parler de "Daech" ou de "l'État islamique" ? Préférer une expression à l'autre peut donner lieu à des interprétations délirantes.
Depuis quelque temps, dans les communiqués du Quai d'Orsay, il n'est plus question de « l'État islamique », ni de « l'État islamique en Irak et au Levant » (EIIL), mais de « Daech ». « C'est de la novlangue », a dénoncé Jean-Yves Le Gallou, lundi dernier (22 septembre 2014), au micro de Radio Courtoisie. Selon lui, ce choix aurait été fait « pour éviter d'utiliser le mot islamique dans un sens négatif ».
Curieuse interprétation, émanant d'une esprit devenu tordu à force de se complaire dans la « réinformation » nourrie, entre autres, par la haine de l'islam et la conviction délirante que nos élites lui seraient délibérément soumises.
Si l'on en croit Libération, effectivement, le gouvernement a « instamment prié la presse de cesser d'utiliser l'expression "État islamique" ». Mais cela parce qu'elle serait « trop valorisante ». Ce que confirme Wikipedia, dont les contributeurs estiment que "Daech", son substitut officiel, est « utilisée de manière péjorative ». Dans l'esprit de tout un chacun (sauf à l'extrême droite, donc) un "État" s'avère a priori éminemment plus respectable qu'un groupuscule terroriste. Est-il vraiment nécessaire d'expliquer pourquoi ?
« Nous avons décidé de ne plus employer telle quelle l'expression "État islamique" », a déclaré Michelle Leridon, directrice de l'information à l'AFP. « Désormais », a-t-elle annoncé, « l'AFP utilisera l'expression "l'organisation État islamique" ou "le groupe État islamique" ». « Dans les titres des dépêches ou dans les "alertes" », a-t-elle précisé, « nous utiliserons si possible l'expression "jihadistes de l'EI" ». Quant au terme "Daech", « l'acronyme de l'EI en arabe qui a été choisi notamment par le gouvernement français pour désigner l'organisation », il est jugé « difficilement compréhensible pour le plus grand nombre ».
N'en déplaise aux "réinformateurs", force est de le constater, nos confrères sont loin de suivre toutes les directives du pouvoir politique. D'ailleurs, dans un sondage en ligne, Le Figaro a demandé à ses lecteurs s'ils jugeaient « suffisante la condamnation des musulmans de France » après l'assassinat d'Hervé Gourdel. Comme s'ils avaient à s'excuser ! La condescendance avec laquelle sont accueilles les condamnations en question nous inspire une réprobation morale, mais aussi une interrogation plus politique, teintée d'inquiétude : si les "porte-parole" de l'islam de France se soumettent trop ouvertement aux pressions d'une opinion publique islamophobe, ne risquent-il pas de perdre le peu de crédibilité dont ils bénéficient auprès de leurs coreligionnaires, et cela au profit des plus radicaux d'entre eux ?