Face à Bruxelles, la France se rebiffe
	20 juillet 2016	
Article publié dans L'Action Française 2000	
	
L'Europe communautaire et sa politique commerciale n'ont pas la cote. Sans les remettre radicalement en cause, le Gouvernement en tient compte et infléchit son discours.
	
	    Le référendum en faveur du Brexit annonce-t-il le détricotage de l'Union
      européenne (UE) ? Dans l'immédiat, tenant compte de la défiance
      qu'elle inspire, le Gouvernement français s'est manifestement décidé à
      infléchir son discours, sinon sa politique. « Quand l'Europe n'est
        pas le bon niveau de décision, alors elle doit s'effacer, et laisser les
        États décider
 », a ainsi déclaré Manuel Valls, devant quelque
      deux cents militants socialistes réunis à Belleville-sur-Mer le
      26 juin, comme
        le rapporte Euractiv. Dans ce contexte, la politique
      commerciale, censée relever de la compétence exclusive de l'UE, s'avère
      particulièrement exposée aux critiques. Sans doute la hantise des poulets
      américains traités au chlore n'aura-t-elle rien arrangé... Au point où en
      sont les discussions, « il ne peut pas y avoir d'accord de traité
        transatlantique
 », a même prévenu le Premier ministre.
Accord avec le Canada
Un "Accord économique et commercial global" (AECG ou CETA) n'en a pas
      moins été conclu dernièrement avec le Canada. Sa version définitive a été
      validé le 13 mai par le Conseil européen des chefs d'État ou de
      gouvernement, plus de neuf ans après l'ouverture des discussions. Paris
        a salué « un accord ambitieux, équilibré et mutuellement
        bénéfique
 ». D'autant que « le Gouvernement de Justin
        Trudeau s'est rallié à la proposition européenne de Cour de justice des
        investissements
 ». « Porté par la France, ce nouveau
        dispositif rompt définitivement avec l'ancien système d'arbitrage privé
 »,
      s'est félicité le Quai d'Orsay. Matthias Fekl, secrétaire d'État chargé du
      Commerce extérieur, de la promotion du Tourisme et des Français de
      l'étranger, en a fait la promotion devant ses homologues du G20 le
      10 juillet ; ce dispositif aurait « vocation, à terme, à
        devenir une cour multilatérale des investissements
 », explique
        le ministère des Affaires étrangères.
La mixité controversée
Chacun des États membres de l'Union européenne devra ratifier l'accord
      conclu avec le Canada. Pourtant, « sur le plan juridique, seule
        l'UE est compétente sur les domaines couverts par l'accord CETA
 »,
      si
        l'on en croit la Suédoise Cécilia Malmström, commissaire européen au
      Commerce. Bruxelles se serait résigné à le considérer comme un accord
      "mixte" sous la pression de Paris et Berlin. C'est d'autant plus
      remarquable que l'accord d'association avec l'UKraine s'était heurté, en
      avril dernier, à l'écueil d'un référendum consultatif organisé aux
      Pays-Bas... « Si nous ne sommes pas capables de ratifier l'AECG, à
        l'avenir, avec qui pourrons-nous négocier ?
 », s'inquiète
      un fonctionnaire européen, cité
        par Les Échos ; « ce serait la fin
        de la politique commerciale unique
 », prévient-il. « Ce
        qui se joue, c'est le maintien de la compétence de la Commission en
        matière de commerce
 », confirme la Néerlandaise Marietje
      Schaake, député au Parlement européen ; or, poursuit-elle, « si
        cela lui échappait, chaque pays européen serait amené à négocier des
        accords commerciaux de son côté et c'en serait alors fini du marché
        commun
 ». Lequel constitue le principal pilier de l'Union
      européenne... 
De toute façon, « la France s'était engagée à ce que le Parlement
        ait le dernier mot
 », a
        rappelé Matthias Fekl. « Les parlementaires français auront
        donc à se prononcer par un vote sur la ratification ou non du CETA
 »,
      s'est-il félicité. De son point de vue, « c'est une question de
        principe essentielle pour assurer l'adhésion des citoyens européens aux
        politiques commerciales conduites en leur nom
 ». Le cas
      échéant, pourquoi s'abrite-il encore une fois derrière Bruxelles ?
      Rien n'interdirait au Gouvernement de solliciter l'avis du Parlement à
      l'approche des réunions du Conseil des ministre de l'UE, où les textes
      européens sont soumis à son approbation ; au Danemark et en Finlande,
      par exemple, il en a même l'obligation ! Quoi qu'il en soit, force
      est de le constater : sous la pression populiste, on dirait bien que
      l'Europe communautaire recule à petits pas.
NB – Le Parlement français n'est pas le seul à tenter de faire entendre
      sa voix au niveau européen. Dans le cadre du débat sur le travail détaché,
      les Parlements de onze États  (Danemark, Bulgarie, Hongrie,
      Croatie, République tchèque, Pologne, Estonie, Roumanie, Lituanie,
      Lettonie et Slovaquie) ont adressé un "carton jaune" à la Commission. Une
      première depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Comme
        le rappelle Euractiv, « cette procédure,
        instaurée par le traité de Lisbonne, permet aux parlements  d'un
        pays de contester la compétence de l'UE sur un projet législatif
        européen
 ». Cependant, dans le cas présent, il s'agit de
      défendre une position vraisemblablement opposée à celle de Paris.